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Syrie : Les nouveaux calculs de Washington

Mardi, 09 octobre 2018

Plus que jamais déterminé à contrer l’influence iranienne dans la région, Washington revoit sa stratégie en Syrie et ne prévoit aucun retrait de ses troupes sans un départ de la présence iranienne.

Amr Abdel-Ati

Spécialiste des affaires américaines à Al-Ahram

Derrière la polémique sur la bataille d’Idleb, bien des choses se cachent. En effet, depuis qu’il est question de cette fameuse offensive — pour l’heure reportée —, les Etats-Unis, brandissant le prétexte humanitaire, ont ouvertement montré une farouche opposition. Washington a prévenu Damas et ses alliés, affirmant qu’il s’agirait d’une escalade dangereuse dans le conflit syrien aux conséquences désastreuses, et mettant en garde contre une réponse américaine. Cette intransigeance américaine a plusieurs raisons. Premièrement, Washington refuse catégoriquement l’usage de l’arme chimique. Et, selon les Américains, il y aurait des preuves tangibles selon lesquelles Damas aurait l’intention de recourir à des armes chimiques dans cette éventuelle offensive. Deuxièmement, il existe une véritable crainte quant au sort des combattants actuellement présents dans cette province du nord de la Syrie, proche de la Turquie. En effet, tout au long des derniers mois, et au cours des différentes batailles qu’a connues la Syrie, des dizaines de milliers de combattants — dont un grand nombre est considéré comme appartenant à différents groupes terroristes —, ont afflué vers Idleb.

Selon Staffan de Mistura, quelque 10 000 djihadistes du Front Al-Nosra et d’Al-Qaëda seraient par exemple présents à Idleb. Face à ce constat, Américains et Européens craignent qu’une offensive contre la province ne pousse des milliers de terroristes à se diriger vers les pays limitrophes, ce qui augmenterait la menace terroriste en Europe. Troisièmement, le volet humanitaire : les Nations-Unies ont clairement mis en garde contre la pire catastrophe humanitaire du XXIe siècle au cas où l’offensive est lancée. Idleb compte en effet quelque 3 millions d’habitants, dont au moins un million de réfugiés venant d’autres régions de Syrie. Quatrièmement, les craintes d’une déstabilisation à plus grande échelle. Paradoxalement, l’Administration américaine estime qu’une offensive contre Idleb affaiblirait l’Etat syrien et le détruirait encore plus, ce qui contribuerait à la déstabilisation de la région et affecterait directement les intérêts des Américains.

Face à de telles craintes, les Etats-Unis brandissent la menace d’une riposte. Cette riposte pourrait être militaire, contre la Syrie et ses alliés si armes chimiques il y a, et pourrait prendre la forme de sanctions à l’encontre de certaines personnalités syriennes. Il est à noter que la position de Washington s’inscrit dans le cadre d’une nouvelle stratégie américaine en Syrie. En effet, après le recul du rôle américain, il a été décidé, selon le conseiller spécial du département d’Etat chargé de la Syrie, que les forces américaines présentes sur place resteraient en Syrie, pas seulement jusqu’à la fin de la guerre contre Daech, mais jusqu’à ce qu’elles s’assurent de la sortie de la totalité des milices et combattants iraniens des territoires syriens. Car Washington estime aujourd’hui qu’un retrait prématuré de Syrie donnerait encore plus de poids à l’Iran et à la Russie. Contrairement aux positions préalables de l’Administration Trump, Washington ne compte plus laisser la Syrie, mais va plutôt s’engager davantage dans ce conflit.

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