Bagdad multiplie les réunions de crise et les annonces de mesures pour répondre à la contestation sociale agitant depuis deux mois Bassora, dans le sud de l’Iraq. Mais pour les manifestants, tout ceci est insuffisant. « Ces communiqués et ces réunions ne pourront jamais apaiser les habitants de Bassora », estime Montazer Al-Karkouchi, coordinateur du Rassemblement des jeunes de Bassora, où ont débuté en juillet dernier des manifestations contre la corruption et la déliquescence des services publics. Et malgré les promesses de plans d’urgence de milliards de dollars et d’investissements massifs faites en juillet, « Bassora n’a jamais reçu d’argent, aucun projet n’a été lancé et l’eau est toujours salée », se plaint Montazer Al-Karkouchi. D’où la reprise des troubles.
Douze manifestants sont morts dans cette ville cette semaine, et des foules ont incendié de nombreux bâtiments gouvernementaux, ainsi que le consulat d’Iran et les sièges de quasiment tous les partis et groupes armés de la ville.
Signe des tensions entre Bagdad et cette région côtière, le premier ministre, Haider Al-Abadi, et le gouverneur de Bassora, Asaad Al-Eidani, pourtant co-listier du premier ministre, se sont longuement invectivés. Eidani a ainsi accusé Abadi de ne pas saisir l’ampleur de la crise tandis que le premier ministre a reproché au gouverneur de ne pas être resté à Bassora.
Et ce n’est pas tout. Cette semaine, les choses ont pris une nouvelle tournure. Les manifestations meurtrières à Bassora ont poussé certains politiciens à prendre des décisions radicales : les deux listes arrivées en tête aux législatives tenues en mai dernier en Iraq ont annoncé samedi 8 septembre qu’elles souhaitaient former le prochain gouvernement sans le premier ministre sortant Haider Al-Abadi, qui a échoué, selon elles, à trouver une sortie de crise à Bassora. Abadi, lui, s’est présenté devant le parlement avec plusieurs de ses ministres. Il y a appelé à faire la distinction entre la dimension politique du mouvement à Bassora et la question des services publics.
Mais Abadi, qui pouvait jusqu’ici prétendre à conserver son poste grâce à son accord avec la liste du populiste Moqtada Al-Sadr (La Marche pour les réformes), a été lâché par son allié. Les députés de cette liste ont jugé peu convaincantes les explications du gouvernement devant le parlement et lui ont demandé de s’excuser auprès du peuple iraqien et de démissionner. Partageant le même avis, la liste rivale, L’Alliance de la conquête, qui rassemble d’anciens combattants anti-djihadistes, s’est dite sur la même longueur d’onde que La Marche pour les réformes pour former un nouveau gouvernement.
En effet, le bloc Sadr-Abadi et le bloc pro-Iran emmené par L’Alliance de la conquête revendiquaient la majorité parlementaire nécessaire pour former le futur cabinet gouvernemental, provoquant une paralysie politique, aggravée par une situation tendue à Bassora .
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