Al-Ahram Hebdo : Quelles sont les conséquences possibles sur la situation politique des récentes victoires de l’armée du maréchal Khalifa Haftar ? Peuvent-elles faciliter une entente ou au contraire approfondir les divisions ?
Ziyad Aql : Tout d’abord, il faut noter que le premier ministre, Fayez Al-Serraj, a perdu toutes les cartes du jeu, il ne possède aucune force militaire. Son dernier espoir pour acquérir des gains et renforcer sa position politique est lié au sort des sites pétroliers. Mais cette question sera réglée par les grandes puissances occidentales et non pas par les protagonistes libyens. Celles-ci vont en quelque sorte imposer une solution aux différents camps libyens. Serraj va donc être obligé de trouver un terrain d’entente avec son rival, sinon, son propre camp sera éloigné de la scène politique. Les communautés internationale et régionale soutiennent Khalifa Haftar, surtout que ce dernier a réussi à combattre les terroristes à l’est et à nouer des alliances avec les tribus et les factions dans le sud libyen, même si leurs ailes armées n’ont toujours pas intégré les forces de Haftar. La domination de la région du sud est très importante pour plusieurs pays européens, surtout la France qui joue un rôle important et influent dans le processus et les négociations de paix entre les camps en conflit.
— Ces victoires renforcent donc le maréchal Khalifa Haftar politiquement ...
— Bien sûr. La position du maréchal Khalifa Haftar est renforcée plus que jamais. Actuellement, c’est devenu le camp le plus puissant parmi toutes les parties en conflit dans ce pays. Sa domination géographique se traduit par un poids politique. Ses forces sont les seules qui contrôlent une grande surface. Son alliance avec le parlement de l’est lui octroie un soutien politique et une légitimité. Personne d’autre ne possède cela actuellement en Libye. De plus, sa lutte contre le terrorisme a renforcé sa position à l’étranger. Aujourd’hui, nombreux sont les Libyens qui sont persuadés qu’il est le seul à posséder une force militaire et politique puissante et influente. Une force qui peut être le noyau d’une armée libyenne nationale capable de mener à la paix. Pour ainsi dire, l’équilibre des forces a changé, il est désormais en faveur du maréchal. Et sa position dans de futures négociations sur la constitution ou l’organisation des élections présidentielle et législatives est renforcée. Les autres camps seront obligés de présenter des concessions. Cela dit, cette supériorité ne signifie pas un retour définitif à la stabilité. Le règlement politique est le seul moyen pour résoudre la crise libyenne.
— La reprise de Derna, dernier bastion des islamistes radicaux, signifie-t-elle la fin définitive de la présence de milices islamistes en Libye ?
— On peut dire que les milices terroristes n’ont plus aucun contrôle géographique en Libye. C’est-à-dire qu’après les victoires de l’Armée Nationale Libyenne (ALN), aucun groupe terroriste ne domine une ville ou un territoire donné, en imposant des check-points, des impôts ou des taxes. De même, il n’ont plus le contrôle de sites pétroliers. Cela dit, malgré ces victoires, la présence des djihadistes en Libye n’est pas finie à jamais. Ces derniers peuvent revenir et changer leur stratégie. Ils existeront toujours comme des individus mais pas en tant que groupe. Les groupes terroristes ont été vaincus en Libye comme en Iraq et au Sinaï. C’est un grand succès pour la sécurité dans notre région même si le terrorisme n’est pas complètement éradiqué.
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