L’accord de cessez-le-feu a été signé entre le président Salva Kiir et son grand rival, Riek Machar, sous l’égide de Khartoum.
(Photo : Reuters)
Alors que le plus jeune Etat du monde célèbre le septième anniversaire de sa création, les tentatives régionales et internationales d’instaurer la paix au Soudan du Sud se poursuivent. Pourtant, le chemin de la paix n’est jamais facile dans ce pays ravagé par la guerre civile depuis 2013. Samedi 30 juin, au premier jour de l’application de l’accord d’un cessez-le-feu — signé entre le président du Soudan du Sud, Salva Kiir, et son grand rival, Riek Machar, mercredi 27 juin à Khartoum, sous l’égide du Soudan —, il aurait été violé. Le groupe rebelle de l’ex-vice-président sud-soudanais, Riek Machar, a ainsi accusé, samedi 30 juin, l’armée gouvernementale d’avoir violé ce cessez-le-feu quelques heures après son entrée en vigueur : le porte-parole militaire adjoint de la rébellion, Lam Paul Gabriel, a accusé dans un communiqué l’armée gouvernementale d’avoir lancé samedi matin une attaque contre une position rebelle à Mboro, près de la ville de Wau (nord-ouest). Ce qui a été nié par le porte-parole de l’Armée sud-soudanaise (SPLA), Lul Ruai Koang, qui, selon l’
AFP, a assuré ne pas avoir connaissance de tels accrochages.
Pourtant, lors de la signature de ce cessez-le-feu « permanent » par Kiir et Machar, les deux hommes ont ordonné à leurs troupes respectives d’appliquer le cessez-le-feu, alors que l’accord a été scellé à l’issue d’un nouveau round de discussions entre les deux principaux protagonistes dans la capitale soudanaise, Khartoum, et que l’Onu leur avait donné jusqu’à fin juin pour parvenir à « un accord politique viable », sous peine de sanctions.
Mises en garde
« Ce jour était attendu par notre peuple au Soudan du Sud et il est maintenant arrivé », avait alors déclaré Kiir tandis que pour Machar, le cessez-le-feu devait préluder à « la fin du conflit ». Des paroles qui paraissent optimistes et porteuses d’espoir. Pourtant, les précédentes expériences laissent perplexes et suscitent les doutes sur la présence d’une vraie volonté vers la paix. En effet, le précédent accord, scellé à Addis-Abeba sous l’égide de l’organisation régionale Igad, avait volé en éclats le 24 décembre 2017 quelques heures après son entrée en vigueur, un scénario qui risque de se répéter si l’incident du samedi 1er juillet recommence.
D’où les pressions diplomatiques qui ont commencé dès le premier jour de l’application de l’accord. Le président de la commission de l’Union Africaine (UA) a ainsi appelé à prendre des mesures contre les protagonistes du conflit au Soudan du Sud qui « nous ont habitués à ne pas respecter leurs engagements. Ces derniers jours nous avons quelques bonnes nouvelles que je mets entre guillemets malheureusement », a déclaré Moussa Faki lors d’une réunion du Conseil de Paix et de Sécurité (CPS) de l’UA à Nouakchott, en prélude au sommet de l’UA tenu dimanche et lundi 1er et 2 juillet. « Les acteurs du Soudan du Sud nous ont habitués à ne pas respecter leurs engagements. Au moment où nous nous battons pour faire taire les armes, la situation au Soudan du Sud est des plus insupportables. La banalisation des crimes est devenue courante. Il est temps d’agir, de prendre nos responsabilités », a ajouté le président de la commission de l’UA en signalant que les situations humanitaire et sécuritaire sont des plus difficiles au Soudan du Sud. « Il faut lancer un message clair aux protagonistes de respecter leurs engagements. Le Conseil de paix et de sécurité doit prendre les mesures qui s’imposent », a-t-il insisté, précisant que l’Igad et le CPS de l’UA s’étaient déjà prononcés en faveur de sanctions contre les belligérants. Il a aussi noté l’existence de « défis majeurs » au Soudan du Sud, dont « la multiplicité des groupes armés non contrôlés et la nature clanique du confit qui sont des éléments de complication ».
Pourtant, parallèlement à ce scepticisme, certains experts estiment qu’il existe de nouveaux facteurs qui peuvent changer la donne cette fois-ci. Ayman Shabana, spécialiste des affaires africaines et professeur à l’Institut des études africaines à l’Université du Caire, pense que l’intervention du Soudan pour la première fois est importante puisque ce pays possède plusieurs clés de cette affaire. « Le Soudan a promis d’aider dans la réparation des champs de gaz et de pétrole au Soudan du Sud et dans les efforts de désarmement. Des promesses qui peuvent encourager les deux protagonistes à poursuivre le chemin de paix, surtout que la situation s’est beaucoup aggravée ces dernières années », explique Shabana, tout en insistant sur la nécessité que « la communauté internationale exerce des pressions sur les deux parties, ceci peut avoir une vraie influence ».
La guerre civile sud-soudanaise — qui a éclaté en décembre 2013, deux ans après la création de cet Etat suite à sa scission du Soudan — trouve son origine en raison de rivalités entre Salva Kiir, un Dinka, et Riek Machar, issu de l’ethnie nuer. Le conflit a fait des dizaines de milliers de morts, près de 4 millions de déplacés (sur une population de 12 millions d’habitants) et provoqué une crise humanitaire catastrophique. Les récents efforts de paix de l’Igad avaient redonné un peu d’espoir, les chefs d’Etat de la région étant parvenus à organiser la première rencontre en deux ans entre Kiir et Machar, le 20 juin à Addis-Abeba, mais qui n’a rien résolu. Les deux hommes ne s’étaient plus rencontrés depuis juillet 2016 lorsque des violents affrontements dans la capitale, Juba, avaient opposé leurs troupes, signifiant l’échec d’un accord de paix conclu en août 2015 et qui avait permis à M. Machar d’être réinstallé au poste de vice-président. Machar était, depuis, réfugié en Afrique du Sud après avoir fui son pays en passant par la République démocratique du Congo.
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