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Syrie : Guerre des mots avec Washington

Abir Taleb avec agences, Mercredi, 06 juin 2018

Damas compte lancer les dernières offensives pour reprendre l’ensemble du territoire syrien, et n’exclut pas le recours à la force contre les forces kurdes soutenues par les Etats-Unis pour reprendre les régions sous leur contrôle. Washington met en garde.

Syrie : Guerre des mots avec Washington
(Photo : Reuters)

Cela fait plusieurs semaines que l’armée syrienne envoie des troupes en renfort dans le sud du pays en vue d’une éventuelle opération militaire visant à déloger les factions rebelles. Ces dernières contrôlent environ 70 % des provinces méridionales de Deraa et de Qouneitra, selon l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme (OSDH). Mais l’opération ne semble pas si facile que cela.

Plus sur le plan diplomatique que sur le plan militaire. En effet, dans des déclarations faites samedi 2 juin, le chef de la diplomatie syrienne, Walid Mouallem, a lié la participation de Damas à des négociations sur le sort du sud du pays au retrait américain d’une autre région située à la frontière iraqo-jordanienne. « Ne croyez pas tous les discours faisant état d’un accord sur le sud tant que les Etats- Unis n’ont pas retiré leurs forces de la base d’Al-Tanaf », a affirmé le chef de la diplomatie syrien. Car la Russie, alliée de Damas, avait appelé la semaine dernière les Etats-Unis et la Jordanie — avec lesquels un accord de cessez-lefeu dans cette région avait déjà été conclu en juillet 2017 — à une réunion tripartite pour discuter d’un éventuel règlement négocié.

Moscou a également évoqué le sujet avec le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu (voir encadré). En fait, la coalition internationale dirigée par Washington utilise la base d’Al-Tanaf pour mener ses opérations contre Daech. Elle y avait aussi entraîné des rebelles syriens. Ces derniers mois, plusieurs affrontements ont eu lieu dans la zone entre les forces de la coalition stationnées à Al-Tanaf et les troupes pro-régime. Pour l’heure, la réunion n’a pas encore eu lieu. Et la tension est forte. D’un côté, Damas se dit prêt à passer à l’attaque. Un chef militaire dirigeant des forces alliées de Damas a déclaré jeudi 31 mai à Reuters que « l’armée syrienne, devenue forte et efficace, va mener toutes les batailles ». Ces déclarations confirment la volonté du gouvernement syrien de poursuivre son projet d’offensive dans cette région proche des frontières avec la Jordanie et Israël malgré les mises en garde américaines. De l’autre, pour tenter de dissuader l’armée syrienne de passer à l’attaque dans les provinces méridionales de Deraa et Qouneitra, les Etats-Unis ont menacé de prendre des « mesures fermes et appropriées ».

L’épineuse question des FDS

Mais il ne s’agit pas que de cela. La tension avec les Américains prend plusieurs formes. Outre la question de la bataille du sud, c’est aussi et surtout celle des Forces Démocratiques Syriennes (FDS) qui pose problème. Dans une interview à la chaîne de télévision Russia Today, diffusée jeudi 31 mai, le président syrien, Bachar Al-Assad, a estimé que « le seul problème qui reste aujourd’hui en Syrie, c’est les Forces démocratiques syriennes ». « Nous avons deux options pour régler ce problème : nous avons d’abord ouvert la voie à des négociations car la majorité des membres (des FDS) sont des Syriens. Si cela ne marche pas, nous allons libérer nos territoires par la force. Nous n’avons pas d’autre choix », a-t-il souligné. Et d’ajouter : « L’armée syrienne sera contrainte de libérer les zones occupées par les FDS, qu’il y ait ou pas des Américains.

C’est notre territoire, notre droit, notre devoir de libérer (ces régions), et les Américains devraient partir. D’une manière ou d’une autre, ils partiront », enjoignant les Américains à tirer les enseignements de leur intervention illégale en Iraq. La réponse de Washington n’a pas tardé. « Toute partie impliquée en Syrie doit comprendre que s’attaquer aux forces armées des Etats-Unis ou à nos partenaires de la coalition serait une très mauvaise politique », a déclaré un responsable de l’état-major américain, le général Kenneth McKenzie, au cours d’un point de presse, quelques heures après les déclarations d’Assad. Soutenues par la coalition antijihadiste menée par les Etats- Unis, les FDS, une alliance composée de combattants kurdes et arabes, ont joué un rôle crucial dans la lutte contre Daech qu’elles ont chassé de plusieurs régions de Syrie dont son fief de Raqa, et qu’elles continuent de combattre dans une partie de la province orientale de Deir Ez-Zor.

Elles contrôlent de larges territoires dans le nord et nord-est syrien, riche en pétrole. En fait, selon les analystes, l’avertissement envoyé par le Pentagone au président syrien concernant l’éventuel usage de la force contre les FDS est une réaction logique d’un pays qui veut se maintenir vaille que vaille en Syrie. Le Pentagone a reconnu en décembre dernier que 2 000 de ses soldats étaient actuellement stationnés en Syrie en soutien aux FDS. Pourtant, Washington affirme que son armée est déployée en Syrie au titre de la lutte contre Daech, a rappelé une porte-parole du Pentagone, Dana White. « Notre désir n’est pas de nous impliquer dans la guerre civile syrienne », a-telle affirmé.

Le 29 mars dernier, Donald Trump avait publiquement déclaré que Washington allait se « désengager de Syrie très vite », laissant « d’autres s’en occuper ». Mais, peu de temps après cette déclaration présidentielle, le département d’Etat des Etats-Unis avait fait savoir qu’il ignorait tout d’un éventuel plan de retrait des troupes américaines stationnées en Syrie.

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