Des enfants syriens de Douma où a eu lieu l'attaque chimique présumée.
(Photo : AP)
C’est après les frappes occidentales contre des installations du régime syrien, en représailles à une attaque chimique présumée à Douma, que la mission d’enquête de l’Organisation pour l’Interdiction des Armes Chimiques (OIAC) a commencé. Les enquêteurs sont arrivés samedi 14 avril, soit quelques heures après les frappes qui ont eu lieu dans la nuit du vendredi 13 au samedi 14 avril.
Le lendemain, l’équipe s’est rendue à Douma, où se serait produite l’attaque aux gaz toxiques du 7 avril, pour entamer sa mission. « Nous laisserons l’équipe faire son travail de manière professionnelle, objective, impartiale et loin de toute pression. Les résultats de l’enquête infirmeront les allégations mensongères » contre Damas, a assuré le vice-ministre syrien des Affaires étrangères, Ayman Soussane. Pourtant, les présidents américain, Donald Trump, et français, Emmanuel Macron, ont assuré avoir la « preuve » de l’utilisation d’armes chimiques.
A l’équipe d’enquêteurs désormais de trancher. Cependant, le travail s’annonce compliqué pour les enquêteurs qui arrivent sur place plus d’une semaine après les faits, dans une zone passée, depuis, sous contrôle des troupes syriennes et de la police militaire russe, et alors que les derniers combattants rebelles de Douma, ainsi que des civils, ont été évacués la veille de leur arrivée dans le cadre d’un accord de reddition signé le 9 avril, deux jours après l’attaque chimique présumée.
En principe, lorsqu’une enquête est ouverte, le directeur général de l’OIAC dépêche une équipe au plus vite, entre 24 et 48 heures après l’éventuelle violation de la Convention sur l’interdiction des armes chimiques, tout en informant le Conseil exécutif et les Etats parties. Le délai est donc une première difficulté. C’est ce qu’a expliqué à France-Info Olivier Lepick, chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique et spécialiste des armes chimiques, selon lequel « chaque heure qui passe rend moins plausible une étude indépendante et transparente ».
Autre difficulté, la possibilité de travailler en toute indépendance. Or, la zone de Douma, justement, est occupée par le régime syrien, alors que par le passé, les enquêteurs ont notamment travaillé sous la protection des Nations-Unies.
Quoi qu’il advienne, au terme de leur investigation, les enquêteurs ne désignent aucun responsable, mais se contentent d’établir si des armes chimiques ont bien été utilisées. Jusqu’en novembre dernier, ce rôle revenait à une commission réunissant des spécialistes de l’Onu et de l’OIAC: le Joint Investigative Mechanism (JIM). Mécontente du rapport sur Khan Cheikoun (attaque chimique en avril 2017), la Russie a toutefois émis son veto lors du renouvellement du mandat.
Mais pourquoi le président syrien, Bachar Al-Assad, aurait-il eu recours à des armes interdites à Douma alors qu’il contrôlait déjà 95% de la Ghouta orientale avant cette attaque présumée ? L’hypothèse avancée par certains observateurs est que le régime, conscient qu’une riposte occidentale d’envergure est impossible par peur d’un embrasement généralisé et d’une confrontation à haut risque avec la Russie, aurait eu recours aux armes chimiques pour accélérer son avancée sur le terrain. Cet argument est battu en brèche par le régime de Damas.
« L’armée progressait rapidement et avec détermination, elle n’avait pas besoin d’utiliser une quelconque substance chimique », rapporte l’agence officielle Sana suite aux accusations adressées à Damas d’avoir utilisé des armes chimiques lors de l’attaque du 7 avril, citant une « source officielle ».
Quoi qu’il en soit, que Damas ait eu recours aux armes chimiques ou non, la reconquête de la Ghouta, d’où les rebelles tiraient obus et roquettes sur Damas, est une nouvelle victoire retentissante pour le régime, qui contrôle déjà plus de la moitié du pays grâce à l’appui militaire de Moscou. Elle permettra surtout aux forces loyalistes de libérer des ressources et de se focaliser sur les autres territoires rebelles, comme la province d’Idleb (nord-ouest) et celle de Deraa, dans le sud.
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