Jeudi, 23 janvier 2025
Al-Ahram Hebdo > Monde Arabe >

Iraq : En attendant de meilleurs lendemains

Maha Salem avec agences, Mardi, 10 avril 2018

L'Iraq a commémoré, le 9 avril, le 15e anniversaire de la chute du régime de Saddam Hussein. L’occasion de constater une fois de plus que l’évolution prometteuse espérée se fait toujours attendre, alors que les tensions persistent, même après la chute de Daech et à l’approche des élections législatives.

Iraq : En attendant de meilleurs lendemains
Plutôt que de ramener prospérité et démocratie, la chute de Saddam a donné lieu au chaos. (Photo : AFP)

4 morts et 7 blessés. C’est le bilan du dernier attentat suicide commis par les djihadistes du groupe Daech contre le siège d’un parti politique dans l’ouest de l’Iraq. Un attentat qui sonne l’alerte, surtout avec l’approche des élections législatives du 12 mai. Avant cet attentat, les autorités iraqiennes avaient annoncé à plusieurs reprises que les élections législatives se dérouleraient cette fois-ci dans le clame, contrairement aux précédents scrutins. En effet, les élections tenues en Iraq depuis l’invasion emmenée par les Etats-Unis en 2003 et la chute du régime de Saddam Hussein se sont toutes tenues sur fond de violences meurtrières. Celles du 12 mai bénéficient jusqu’alors d’un climat bien plus apaisé, alors que les violences ont grandement décru dans le pays ces derniers mois. Mais cet attentat annonce que tout est possible. Cette attaque est survenue dans la province désertique et tribale d’Al-Anbar, peuplée en écrasante majorité de musulmans sunnites, minoritaires à l’échelle de l’Iraq où plus de deux tiers des habitants sont des musulmans chiites.

Daech a fait, pendant 3 ans, la loi dans cette province qui s’étend de la périphérie ouest de Bagdad jusqu’à la frontière avec la Syrie, en guerre. Mais en décembre 2017, après avoir repris à Al-Anbar, dernier centre urbain, aux mains des djihadistes, Bagdad a annoncé la victoire contre Daech et leur anéantissement du pays.

« Pour la première fois, on attendait des élections sans violence. Il est vrai que cet attentat vient compliquer la donne, cela dit, il ne faut pas exagérer ou surévaluer la force de ces djihadistes. On est habitué à ce genre d’attentat commis par Daech de temps à autre. Cette organisation terroriste essaie de se venger et de montrer qu’elle existe toujours et qu’elle est capable de menacer les autorités, de les épuiser, surtout financièrement. Daech est anéantie en Iraq malgré cela. Ce genre d’acte vise à inquiéter les autorités et les civils, surtout avec l’approche des élections. Mais cela ne représente pas de vrai danger, et le retour de Daech est impossible », explique Dr Ahmad Youssef, directeur du Centre des études et des recherches arabes et africaines au Caire. Selon l’analyste, les autorités iraqiennes doivent se concerter sur la tenue des élections, car elles sont le vrai défi.

En effet, ce scrutin est très attendu après les dernières élections problématiques. « L’Iraq a traversé plusieurs mois de tension après les élections de 2014, avec de profondes divergences qui ont empêché la formation du gouvernement dans le délai prévu. Même le parlement avait été incapable de diriger le pays, car les différends étaient non seulement entre les chiites et les sunnites, mais aussi entre les chiites eux-mêmes, et les sunnites eux-mêmes. Une situation qui avait donné l’occasion à Washington d’intervenir une autre fois dans ce pays, pas militairement comme en 2003, mais politiquement et économiquement », explique Ahmad Youssef. D’ailleurs, rappellet- il, 15 ans après cette intervention, l’Iraq continue d’en payer le prix. « Plutôt que d’apporter stabilité et développement, l’intervention américaine n’a fait que compliquer la situation en Iraq », affirme le politologue.

L’erreur fondamentale de Bremer

Au cours de ces années, l’image des Etats-Unis a évolué au gré des événements. Les Américains ont été tour à tour des libérateurs, des occupants, des ennemis ou des alliés. Lors de l’intervention américaine de 2003, 3 semaines avaient suffi pour sceller le sort du régime de Saddam Hussein, des premiers raids américains le 20 mars 2003 à la chute de la capitale iraqienne Bagdad, le 9 avril. La présence supposée d’Armes de Destruction Massive (ADM) bactériologiques, chimiques ou nucléaires en Iraq avait servi à justifier l’intervention militaire américaine, mais rien n’a été trouvé.

Dans la foulée de l’invasion menée par les Etats-Unis, l’une des premières décisions — et plus erronées — prises par Paul Bremer, l’administrateur américain de l’Iraq, a été le démantèlement de l’ensemble des forces de sécurité du pays. En réaction à la décision de Bremer, de nombreux militaires, policiers et autres officiers de renseignements avaient rejoint les mouvements combattant les forces étrangères, puis iraqiennes. En effet, cette décision avait détruit la sécurité et la stabilité de l’Iraq, et les années qui ont suivi n’ont apporté que malheurs et désolation. Car depuis l’invasion emmenée par les Etats-Unis, l’Iraq s’est enfoncé dans la violence. Les affrontements communautaires, principalement entre chiites et sunnites, puis les attaques djihadistes, ont fait des dizaines de milliers de morts. Aujourd’hui, même après la chute de Daech, les plaies ouvertes sont toujours béantes, faute d’une politique de réconciliation ou d’une relance économique qui aurait pu permettre de tourner la page.

Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique