Al-Ahram Hebdo : Des missiles houthis ont été lancés sur l’Arabie saoudite le même jour où le conflit entrait dans sa 4e année. Les Houthis insistent donc sur le fait de défier ...
Abou-Bakr Al-Dessouki : Sans doute, le fait de lancer des missiles à l’intérieur des terres saoudiennes est un développement important sur le plan des opérations militaires, car c’est une menace qui pèse sur la sécurité de l’Arabie saoudite. Mais le plus important, c’est que cet acte porte de nombreux messages.
Premièrement, c’est un message de l’Iran aux Etats-Unis, et où le prince héritier Mohamad bin Salman est en visite. Téhéran veut montrer à Washington et à l’Arabie saoudite qu’il ne craint pas cette alliance et que sa position restera la même dans le conflit yéménite. Le deuxième message est adressé à l’Onu, car cet acte coïncide aussi avec le début de la mission du nouvel émissaire onusien au Yémen. Le troisième message vise la communauté internationale : ces missiles ont montré qui est la partie qui refuse toute solution politique, et ont prouvé que les accusations de l’Arabie saoudite contre l’Iran étaient vraies.
— A propos justement de la mission de Martin Griffith, comment peut-il réussir là où ses prédécesseurs ont échoué ?
— La mission s’annonce difficile. Martin Griffith s’est rendu à Sanaa, a rencontré des dirigeants houthis et a dit qu’il reviendrait pour poursuivre ses consultations. Mais en lançant ces missiles, les Houthis opposent d’ores et déjà une fin de non-recevoir à toute solution politique qui ne leur assure pas leurs droits et qui les ramène au statut de minorité au Yémen. Les Houthis veulent des acquis concrets, voire une domination sur l’ensemble du pays.
— Ce que vous dites là ne présage pas d’une solution prochaine ...
— Malgré la grave situation au Yémen, il y a quand même quelques réussites. L’opération militaire de la coalition a pu affaiblir les capacités militaires des Houthis et arrêter leur plan de domination sur la plupart des gouvernorats yéménites. Elle a entraîné une certaine rupture des lignes d’aide aériennes, et surtout maritimes, entre les forces houthies et l’Iran. Sans compter le contrôle par les forces de la coalition de certains ports importants ainsi que leur contrôle du détroit de Bab Al-Mandab.
Par ailleurs, plusieurs unités militaires ont rejoint les rangs de l’armée régulière après une période d’alliance avec les forces de Saleh. Plusieurs tribus du sud ont pu affronter les Houthis et libéré certains territoires du sud avec l’aide de la coalition. Parallèlement, certaines instances gouvernementales ont pu être rétablies. Et ce qui est plus important, c’est que le président yéménite a entrepris de réformer l’armée nationale et ce, en excluant les considérations ethniques ou tribales.
— Oui, mais la capitale est toujours sous domination houthie ...
— Il est vrai que les Houthis ont pu dominer Sanaa et d’autres régions. Pour ce, ils ont essayé de convaincre certaines parties yéménites que la guerre est une guerre pour la liberté, que la coalition est une force d’occupation. En même temps, ils mènent une guerre psychologique contre l’Arabie saoudite et les Emirats, les accusant d’être responsables de la crise humanitaire, ou encore en brandissant le danger d’une éventuelle intervention terrestre.
— Dans cet état des lieux, quelles sont les chances d’un règlement politique ?
— Les pays du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) ont proposé une initiative qui avait comme but de restaurer les instances gouvernementales, de rédiger une nouvelle Constitution et d'aider le président Abd-Rabbo Mansour Hadi à réformer l’armée. Mais les Houthis ont refusé cette initiative et ont eu recours à l’alliance avec les forces de l’ex-président Ali Abdallah Saleh. Je pense que le fait de soutenir les forces politiques et militaires légitimes au Yémen peut aider. Par contre, les frappes aériennes ne vont pas trancher la guerre, sur le plan militaire. Seule une opération au sol pour libérer Sanaa peut changer la donne. Si cette option n’est pas retenue, il faut revenir à l’option diplomatique le plus vite possible l
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