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Ennahda est sous les feux des critiques

Maha Salem, Mardi, 02 octobre 2012

Le pays connaît une nouvelle vague de manifestations. L’opposition accuse le gouvernement de dérive sécuritaire et d’échecs dans les principaux dossiers post-révolution.

La Tunisie est de nouveau en pleine agitation. Une grève générale a été observée samedi et les jours suivants dans la région de Sidi Bouzid, ville en proie à une contestation d’envergure depuis quelque temps.

Répondant à l’appel des syndicats relevant de l’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT, centrale syndicale historique), les manifestants ont protesté contre les violences policières et ont réclamé la libération de dizaines de personnes incarcérées. Ces manifestations, qui ont éclaté dans cette ville, emblème de la révolution du Printemps arabe, ont aussi touché plusieurs autres villes du pays.

A Tunis, les manifestants se sont rassemblés devant le siège de la centrale syndicale (UGTT) malgré les nombreux dispositifs de sécurité policière qui ont réprimé ces manifestations avec une violence inattendue. Les manifestants sont redescendus dans les rues pour réclamer du travail et ont appelé à la chute du gouvernement dirigé par les islamistes du parti Ennahda.

Ils n’ont pas hésité à dénoncer la nonchalance du gouvernement. « Ce gouvernement ne prend pas nos problèmes au sérieux et n’évite le sujet du chômage que pour nous instrumentaliser », a lancé le porte-parole de l’Union des diplômés chômeurs (UDC).

Dans un communiqué, l’UDC a réclamé la publication des listes de candidats admis dans des concours d’embauche dans la fonction publique. L’UDC souhaite confier le recrutement à une instance autonome pour « garantir la transparence et mettre fin au népotisme ».

Un taux de chômage de 17,6 %

Le gouvernement a lancé un programme d’emploi pour 25 000 personnes dans la fonction publique, en plus de milliers d’autres dans le secteur privé. Le taux de chômage est ainsi descendu à 17,6 % en septembre 2012 contre 18,9 % en 2011 (14 % en 2010). Les diplômés constituent le tiers de près de 750 000 demandeurs d’emploi dans le pays. Ces taux cachent d’importantes différences régionales allant de 50 % dans les régions déshéritées à 6 % sur la côte centre-est.

Selon les organisateurs, la manifestation, non autorisée par le ministre de l’Intérieur, était la première à avoir lieu à Tunis depuis les violentes protestations contre un film islamophobe devant l’ambassade des Etats-Unis le 14 septembre. Les autorités tunisiennes avaient alors étaient prises de court et les affrontements avaient fait quatre morts parmi les manifestants, appartenant pour la plupart au mouvement salafiste. « Nous combattrons fermement toutes les formes de violence et poursuivrons partout tous ceux qui veulent instaurer le chaos », a assuré le chef du gouvernement, Hamadi Jebali.

Pour calmer ces manifestations, Jebali a souligné l’urgence de finaliser la rédaction du nouveau texte fondamental pour la Tunisie à l’Assemblée nationale, appelant à un compromis sur la nature de régime politique. Jebali s’est dit favorable au consensus politique proposé par l’Union générale des travailleurs tunisiens pour établir une feuille de route relative à la politique du pays jusqu’aux prochaines élections, prévues en mars 2013.

Le leader du parti Ennahda, Rached Ghannouchi, s’est dit favorable à la composition d’un gouvernement plus large pour diriger la Tunisie jusqu’aux prochaines élections, alors que l’opposition réclame la formation d’un nouveau cabinet. L’opposition demande au parti de Ghannouchi de céder certains ministères-clés. Elle réclame la désignation de personnalités indépendantes à la tête des ministères de l’Intérieur, de la Justice et des Affaires étrangères.

De son côté, Ghannouchi a indiqué que tout était négociable. « Par le dialogue, on peut arriver à tout. Les ministres ne constituent pas une ligne rouge pour Ennahda. La voie est ouverte à tous ceux qui veulent servir les objectifs de la révolution »,a lâché le chef du parti islamiste, connu pour avoir une forte influence sur le gouvernement.

En revanche, il a refusé tout dialogue avec l’ancien premier ministre, Biji Caod Essebsi, fondateur du parti Nidaa Tounhs (l’appel de la Tunisie) qui s’impose comme une alternative aux islamistes d’Ennahda et dont la popularité est en plein essor.

Les déclarations de M. Ghannouchi interviennent dans une atmosphère tendue. L’opposition exige la formation d’un nouveau cabinet avant le 23 octobre, date marquant le premier anniversaire de l’élection de l’assemblée constitutionnelle en 2011.

Cette assemblée, chargée de rédiger une nouvelle Constitution post-révolution dans un délai d’un an, a cumulé un retard dû aux compromis sur la nature du régime et la composition des institutions républicaines. Le gouvernement, composé de membres du parti islamiste Ennahda pour près de la moitié de ses membres, est accusé d’incompétence, de dérive autoritaire et d’échec sur les fronts sécuritaire, économique et social.

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