Essayant de trouver une issue à la crise libyenne, le secrétaire général adjoint de l’Onu pour les affaires politiques, l’Américain Jeffrey Feltman, s’est rendu cette semaine en Libye, où il s’est entretenu avec les partis en conflit. « L’objectif est de mettre fin à cette phase de transition à travers un processus pacifique et incluant toutes les parties avec la mise en place d’un gouvernement qui sera l’aboutissement de la volonté du peuple libyen », a déclaré Feltman en appelant à l’organisation des élections crédibles en 2018.
Depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye reste engluée dans une interminable crise de transition, victime de rivalités incessantes entre milices et responsables politiques, ainsi que d’une insécurité persistante. Feltman s’exprimait à l’issue de sa rencontre avec le chef du Gouvernement d’union nationale (GNA), Fayez Al-Sarraj, appuyé par la communauté internationale. Le GNA est installé à Tripoli, mais peine à asseoir son autorité sur l’ensemble du pays, notamment en raison de la présence d’une autorité parallèle dans l’Est.
Pour satisfaire l’autre camp, Feltman s’est aussi rendu à l’est de Tripoli pour rencontrer Aguila Salah, le président du parlement élu, « L’entretien auquel a assisté l’émissaire de l’Onu pour la Libye, Ghassan Salamé, a porté sur les élections prévues au courant de cette année et qui devraient répondre aux attentes du peuple (libyen) et apaiser les différents acteurs politiques », a indiqué à l’AFP Abdallah Bleheq, porte-parole du parlement. Au cours de ses entretiens avec les deux camps, Feltman a insisté sur l’engagement des Nations-Unies à soutenir la mise en oeuvre totale du processus (politique) libyen, annoncé en septembre l’an dernier. Ce plan d’action, présenté par l’envoyé spécial de l’Onu en Libye, Ghassan Salamé, prévoit notamment des élections législatives et présidentielle en 2018.
De nombreux obstacles
« Mais comment organiser des élections dans un pays sans le stabiliser ? », s’interroge l’analyste Ziyad Aql, spécialiste du dossier libyen au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Alhram au Caire. Selon lui, il est presque impossible d’organiser ces élections avant la fin de l’année. « Le chemin est encore long. Plusieurs étapes doivent être d’abord accomplies: les différentes parties doivent se mettre d’accord sur les modifications à apporter à l’accord de Skhrirat, créer un comité chargé de rédiger la Constitution — qui doit elle-même être approuvée— et promulguer une loi électorale. Viendra ensuite le processus électoral lui-même, depuis l’enregistrement des électeurs jusqu’aux détails logistiques », explique l’analyste, qui ajoute que le défi principal est la sécurité: « Comment sécuriser les élections dans un pays où les armes pullulent et qu’aucune autorité n’est capable de contrôler ? », s’interroge Aql.
Autant d’obstacles dont l’Onu sont conscients. Feltman a reconnu que le parcours était encore long. « Nous sommes bien conscients que des élections crédibles nécessitent une entente en matière d’accords politiques, de soutien technique, d’un cadre législatif qui doit encore être mis en place et d’une loi électorale, mais également des conditions de sécurité qui doivent être réunies, afin de permettre le déroulement d’élections dans toute la Libye », a déclaré Feltman, en ajoutant que les Nations-Unies contribueront à réunir les conditions politiques, sécuritaires, techniques et législatives pour organiser des élections en 2018. Pour la communauté internationale, l’accord politique inter-libyen de 2015 était le seul cadre viable pour mettre fin à la période transitoire.
Fin décembre, le maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l’est libyen, a indiqué qu’il appuyait la tenue d’élections en Libye tout en menaçant de prendre le pouvoir si ce processus politique n’aboutissait pas. Appuyé par un parlement élu en 2014 et basé dans l’est du pays, le maréchal Haftar et le gouvernement parallèle de l’est libyen n’ont jamais reconnu la légitimité du GNA, issu de l’accord de 2015. Or, conclut Ziyad Aql, « pour qu’il y ait de vraies élections, il faut qu’il y ait une seule autorité qui dirige le pays ».
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