Lors du sommet consacré au G6 du Sahel, l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis ont promis
une contribution financière.
(Photo : Reuters)
Al-Ahram hebdo : Il est de plus en plus question de la lutte antiterroriste en Afrique. Est-ce le nouveau front après la défaite de Daech en Iraq et en Syrie ?
Amira Abdel-Halim : Le risque que des djihadistes fuyant de l’Iraq et de la Syrie cherchent à trouver refuge dans la région du Sahel a, en effet, suscité la crainte de la communauté internationale. Et c’est pourquoi le mini-sommet de la coalition G5, tenu en France la semaine dernière, pays présidant le groupe G5, axé sur les moyens d’accélérer la mise en place de la force G5 à Sahel, a pris plus d’importance.
— Comment ce sommet a-t-il pris plus d’importance ? Par quoi cela s’est-il concrètement traduit ?
— Il y a certainement eu du nouveau. Lors du sommet, l’Arabie saoudite a annoncé une contribution financière à hauteur de 100 millions de dollars à la force G5, et les Emirats apporteront, pour leur part, 30 millions de dollars. C’est une première d’autant plus que ces pays sont géographiquement éloignés de la région du Sahel. Mais, outre la crainte suscitée par une éventuelle fuite des djihadistes vers l’Afrique, ces deux pays, surtout l’Arabie saoudite, visent à avoir une forte existence en Afrique pour garantir premièrement leurs intérêts sécuritaires. N’oublions pas que la plupart des groupes terroristes se trouvent dans la région du Sahel.
L’Arabie saoudite cherche aussi un soutien des pays africains dans ses affaires internationales, surtout avec l’intervention au Yémen et dans le cadre de sa confrontation avec l’Iran. Elle veut garantir l’alliance et le soutien des pays africains. De plus, une plus grande présence saoudienne en Afrique donnera certainement du poids au rôle régional et mondial de ces deux pays du Golfe. Je pense aussi que les richesses naturelles et les récentes découvertes de pétrole dans certains pays africains encouragent ces deux pays arabes à investir au continent comme le font la Chine et d’autres pays européens.
— La France, particulièrement engagée dans la lutte antiterroriste, a annoncé qu’elle retirera ses forces présentes au Mali, comment expliquez-vous cette décision ?
— Cette décision a été annoncée du temps de l’ex-président français François Hollande. Ce dernier estimait que les forces françaises avaient accompli leur mission au Mali et qu’elles devaient donc s’en retirer. En fait, l’intervention de la France au Mali et contre le terrorisme en Afrique en général était un moyen d’améliorer son image d’ancien pays colonisateur, et de regagner la confiance des Africains. Mais aussi et surtout, la France veut protéger ses intérêts dans le continent noir, il faut noter que la région du Sahel, et surtout le Mali et le Niger, sont riches en uranium, un matériau dont la France a besoin. Mais les pertes subies dans les rangs de la force française ainsi que le coût financier de cette intervention ont poussé le président Emmanuel Macron à se retirer, notant que cette intervention présente une lourde charge sur le budget de la France. D’ailleurs, Macron a choisi le Mali pour sa première visite à l’étranger après son élection. C’était un message clair de l’importance de l’Afrique pour la France. C’est pourquoi la France est particulièrement engagée dans les efforts pour la mise en place de la force G5 Sahel et son financement.
— Le retrait des forces françaises signifie-t-il un désengagement de la part de la France ?
— Les interventions militaires étrangères ne peuvent pas durer éternellement à cause de leur coût financier. Cela a été le cas pour les Etats-Unis en Afghanistan et en Iraq par exemple. Mais en se retirant, les forces étrangères laissent leur empreinte et continuent d’intervenir indirectement. Donc, même si la France retire ses forces du Mali, elle ne met un terme ni à son rôle au Mali, ni à celui en Afrique. C’est pourquoi elle cherche à activer la force G5 Sahel et à trouver le financement nécessaire. La France veut aussi soutenir les autres forces africaines. Actuellement, elle tente de fortifier le rôle du Tchad, pays où se trouve le siège du G5, pour diriger les opérations de lutte anti-terroriste.
— Mais les Africains peuvent-ils prendre le relais ?
— Le rôle le plus important de la France est d’entraîner les forces africaines, car les armées africaines ne sont pas habituées à ce genre de guerre. Et, si ces forces sont bien formées, elles pourront réussir. On a déjà vu les réussites de la force régionale africaine au Nigeria qui a pu réaliser des victoires dans sa lutte contre le groupe extrémiste Boko Haram. En plus, les Africains eux-mêmes détestent les interventions militaires étrangères ; pour eux, c’est une forme de nouvelle colonisation. Il faut donc bien former les forces africaines pour qu’elles puissent prendre le relais dans la lutte antiterroriste.
Mais il y a aussi un autre volet très important que la communauté internationale ne doit pas omettre : le développement économique et la démocratie sont essentiels pour éradiquer le terrorisme.
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