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La Libye face au vide politique

Inès Eissa avec agences, Vendredi, 22 décembre 2017

Conclu il y a deux ans, l'accord de Skhirat a expiré le 17 décembre sans que le gouvernement d'union nationale ne parvienne à mener à bien sa mission, ouvrant la voie à une nouvelle phase d'instabilité.

La Libye face au vide politique
Les ministres égyptien, algérien et tunisien des Affaires étrangères lors d'une réunion tripartite à Tunisie pour discuter de la crise politique en Libye. (Photo : AFP)

Le délai de deux ans fixé par l’accord de Skhirat aux protagonistes libyens a expiré ce 17 décembre sans que les échéances stipulées par le texte ne soient remplies. C’est-à-dire que le chaos politique reste entier en Libye, au grand dam de ses voisins qui, depuis des années, multiplient les efforts pour la stabiliser. C’est dans ce contexte que le ministre des Affaires étrangères, Sameh Choukri, a partici­pé dimanche 17 décembre, à Tunis, à la 4e réunion de coordination des chefs de la diplomatie des voisins de la Libye, aux côtés du Tunisien Khemaies Jhinaoui et de l’Algérien Abdelkader Messahel.

A l’issue de cette réunion tripartite, les chefs de la diplomatie ont « renou­velé leur soutien à l’accord politique en tant que cadre de la solution poli­tique en Libye ». Dans une déclara­tion commune, ils ont également « accueilli favorablement (...) la déclaration du Conseil de sécurité du 14 décembre 2017 et ont réaffirmé le rôle central et la responsabilité poli­tique et juridique de l’Onu ». Les trois ministres ont réaffirmé de même leur refus de « toute ingérence extérieure en Libye » et « toute tentative de n’importe quelle partie libyenne pour dérailler le processus politique dans le pays ».

En fait, la journée de dimanche a été riche en rencontres sur la Libye.Parallèlement à la réunion de Tunis, le président du Conseil présidentiel du gouvernement d’Entente natio­nale de Libye, Fayez Sarraj, était dimanche à Alger où il s’est entrete­nu avec le premier ministre algérien, Ahmed Ouyahia. De la rencontre entre les deux hommes, peu de choses sont sorties. Serraj s’est contenté de rappeler la position constante de l’Algérie vis-à-vis du conflit en Libye. Alger a, en effet, toujours souhaité une solution poli­tique.

Haftar déclare Skhirat caduc

Des déclarations et rien d’autre. Concrètement parlant, les voisins de la Libye ne peuvent pas faire la paix sans les Libyens eux-mêmes. Or, les parties libyennes sont loin de s’en­tendre. En effet, au moment même où les ministres égyptien, tunisien et algérien des Affaires étrangères étaient réunis à Tunis, le maréchal Khalifa Haftar, l’homme fort de l’Est libyen, a estimé que l’accord poli­tique libyen, signé le 17 décembre 2015 au Maroc, a expiré et avec lui le mandat du Gouvernement d’union nationale (GNA) appuyé par la com­munauté internationale.

Dans un discours télévisé, le maré­chal Haftar a estimé que la date du 17 décembre marquait « un tournant historique et dangereux » avec « l’expiration de l’accord politique libyen ». « Tous les corps issus de cet accord perdent automatiquement leur légitimité contestée (déjà) dès le premier jour de leur prise de fonc­tion », a-t-il dit. Il a aussi indiqué avoir été « menacé de mesures inter­nationales fermes » s’il osait prendre des initiatives en dehors du cadre mis en place par la communauté interna­tionale et la mission de l’Onu en Libye. « Nous annonçons sans équivoque notre obéissance totale au peuple libyen, maître (...) de son des­tin », a-t-il conclu. Un basculement qui peut donner lieu à de graves déra­pages, d’autant plus que Khalifa Haftar a toujours clamé sa mainmise militaire sur l’ensemble du territoire libyen, où des dizaines de milices activent.

La déclaration de Haftar intervient en outre quelques jours après l’an­nonce de Moscou son intention de vendre des armes à l’armée libyenne. Une décision qui, si elle est activée, donnera encore plus de poids à Haftar.

En fait, le mandat du GNA, dirigé par Fayez Sarraj, a théoriquement expiré dimanche 16 décembre. Mais quelques jours avant l’expiration du délai, le Conseil de sécurité de l’Onu a prévenu, jeudi 14 décembre, que l’accord de Skhirat « demeure le seul cadre viable pour mettre fin à la crise politique en Libye, en attendant la tenue d’élections prévues en 2018 ».

Par ailleurs, dans un communiqué, l’envoyé spécial de l’Onu en Libye, Ghassan Salamé, a indiqué dimanche 16 que les Libyens en avaient « marre de la violence » et « consi­déraient le processus politique comme la seule voie vers la stabilité et l’unité de leur pays ». « J’exhorte ainsi toutes les parties à écouter leurs voix et à s’abstenir de toute action qui pourrait menacer le pro­cessus politique », a-t-il dit. Mais l’Onu semble impuissante, alors que d’autres pays se mêlent aussi de la crise libyenne. Selon un diplomate qui a requis l’anonymat, « la situa­tion en Libye est d’autant plus com­plexe que les forces régionales et les puissances mondiales interviennent pour sauvegarder des intérêts dia­métralement opposés. Ceci entrave tous les efforts visant à trouver une solution ». « Le problème en Libye serait beaucoup plus simple si ces interventions n’avaient pas lieu. Le général Haftar incarne aux yeux de beaucoup de Libyens l’option la plus rapide pour restaurer la paix et la stabilité dans le pays. Mais à mon sens, cette option n’est pas dans l’in­térêt du pays sur le long terme », conclut le diplomate.

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