
Les ministres égyptien, algérien et tunisien des Affaires étrangères lors d'une réunion tripartite à Tunisie pour discuter de la crise politique en Libye.
(Photo : AFP)
Le délai de deux ans fixé par l’accord de Skhirat aux protagonistes libyens a expiré ce 17 décembre sans que les échéances stipulées par le texte ne soient remplies. C’est-à-dire que le chaos politique reste entier en Libye, au grand dam de ses voisins qui, depuis des années, multiplient les efforts pour la stabiliser. C’est dans ce contexte que le ministre des Affaires étrangères, Sameh Choukri, a participé dimanche 17 décembre, à Tunis, à la 4e réunion de coordination des chefs de la diplomatie des voisins de la Libye, aux côtés du Tunisien Khemaies Jhinaoui et de l’Algérien Abdelkader Messahel.
A l’issue de cette réunion tripartite, les chefs de la diplomatie ont « renouvelé leur soutien à l’accord politique en tant que cadre de la solution politique en Libye ». Dans une déclaration commune, ils ont également « accueilli favorablement (...) la déclaration du Conseil de sécurité du 14 décembre 2017 et ont réaffirmé le rôle central et la responsabilité politique et juridique de l’Onu ». Les trois ministres ont réaffirmé de même leur refus de « toute ingérence extérieure en Libye » et « toute tentative de n’importe quelle partie libyenne pour dérailler le processus politique dans le pays ».
En fait, la journée de dimanche a été riche en rencontres sur la Libye.Parallèlement à la réunion de Tunis, le président du Conseil présidentiel du gouvernement d’Entente nationale de Libye, Fayez Sarraj, était dimanche à Alger où il s’est entretenu avec le premier ministre algérien, Ahmed Ouyahia. De la rencontre entre les deux hommes, peu de choses sont sorties. Serraj s’est contenté de rappeler la position constante de l’Algérie vis-à-vis du conflit en Libye. Alger a, en effet, toujours souhaité une solution politique.
Haftar déclare Skhirat caduc
Des déclarations et rien d’autre. Concrètement parlant, les voisins de la Libye ne peuvent pas faire la paix sans les Libyens eux-mêmes. Or, les parties libyennes sont loin de s’entendre. En effet, au moment même où les ministres égyptien, tunisien et algérien des Affaires étrangères étaient réunis à Tunis, le maréchal Khalifa Haftar, l’homme fort de l’Est libyen, a estimé que l’accord politique libyen, signé le 17 décembre 2015 au Maroc, a expiré et avec lui le mandat du Gouvernement d’union nationale (GNA) appuyé par la communauté internationale.
Dans un discours télévisé, le maréchal Haftar a estimé que la date du 17 décembre marquait « un tournant historique et dangereux » avec « l’expiration de l’accord politique libyen ». « Tous les corps issus de cet accord perdent automatiquement leur légitimité contestée (déjà) dès le premier jour de leur prise de fonction », a-t-il dit. Il a aussi indiqué avoir été « menacé de mesures internationales fermes » s’il osait prendre des initiatives en dehors du cadre mis en place par la communauté internationale et la mission de l’Onu en Libye. « Nous annonçons sans équivoque notre obéissance totale au peuple libyen, maître (...) de son destin », a-t-il conclu. Un basculement qui peut donner lieu à de graves dérapages, d’autant plus que Khalifa Haftar a toujours clamé sa mainmise militaire sur l’ensemble du territoire libyen, où des dizaines de milices activent.
La déclaration de Haftar intervient en outre quelques jours après l’annonce de Moscou son intention de vendre des armes à l’armée libyenne. Une décision qui, si elle est activée, donnera encore plus de poids à Haftar.
En fait, le mandat du GNA, dirigé par Fayez Sarraj, a théoriquement expiré dimanche 16 décembre. Mais quelques jours avant l’expiration du délai, le Conseil de sécurité de l’Onu a prévenu, jeudi 14 décembre, que l’accord de Skhirat « demeure le seul cadre viable pour mettre fin à la crise politique en Libye, en attendant la tenue d’élections prévues en 2018 ».
Par ailleurs, dans un communiqué, l’envoyé spécial de l’Onu en Libye, Ghassan Salamé, a indiqué dimanche 16 que les Libyens en avaient « marre de la violence » et « considéraient le processus politique comme la seule voie vers la stabilité et l’unité de leur pays ». « J’exhorte ainsi toutes les parties à écouter leurs voix et à s’abstenir de toute action qui pourrait menacer le processus politique », a-t-il dit. Mais l’Onu semble impuissante, alors que d’autres pays se mêlent aussi de la crise libyenne. Selon un diplomate qui a requis l’anonymat, « la situation en Libye est d’autant plus complexe que les forces régionales et les puissances mondiales interviennent pour sauvegarder des intérêts diamétralement opposés. Ceci entrave tous les efforts visant à trouver une solution ». « Le problème en Libye serait beaucoup plus simple si ces interventions n’avaient pas lieu. Le général Haftar incarne aux yeux de beaucoup de Libyens l’option la plus rapide pour restaurer la paix et la stabilité dans le pays. Mais à mon sens, cette option n’est pas dans l’intérêt du pays sur le long terme », conclut le diplomate.
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