Saad Hariri avec le prince Mohamad Salman après sa démission annoncée à Partir de Riyad.
(Photo : AFP)
Au-delà de la crise libano-libanaise, la démission du premier ministre libanais, Saad Hariri, annoncée à partir de Riyad relance la confrontation entre l’Iran et l’Arabie saoudite au Liban. Dans un contexte régional plus que jamais tendu, Saad Hariri a tapé du poing sur la table face à l’ingérence accrue de l’Iran. Un pas qui suscite beaucoup d’inquiétude quant à l’avenir et la stabilité du pays du Cèdre. D’après des analystes, cette démission aura des conséquences plus graves qu’une simple péripétie politique dans un pays habitué aux crises gouvernementales. « C’est une décision dangereuse qui aura des conséquences plus lourdes que ce que le Liban peut supporter », affirme ainsi à l’AFP Hilal Khashan, professeur de sciences politiques à l’Université américaine de Beyrouth.
Mais c’est aussi et surtout un acte qui s’inscrit dans la confrontation avec l’Iran. En annonçant depuis la capitale saoudienne, Riyad, sa démission, Saad Hariri a dénoncé la « mainmise » et « l’ingérence » de l’Iran dans les affaires libanaises à travers son allié, le Hezbollah. Ce que Téhéran a fermement démenti. Le ministère iranien des Affaires étrangères a ainsi rejeté, samedi 4 novembre, au lendemain de l’annonce de Saad Hariri, les « accusations sans fondement » contre l’Iran du premier ministre libanais démissionnaire. Quant au Hezbollah pro-iranien, son chef, Hassan Nasrallah, a accusé dimanche l’Arabie saoudite d’avoir contraint le premier ministre, Saad Hariri, à la démission et affirmé regretter cette décision. Ce puissant mouvement armé et membre du gouvernement de Saad Hariri formé il y a moins d’un an s’est ainsi abstenu de s’en prendre à Hariri personnellement. « Nous n’avons pas souhaité cette démission », a réagi le chef du Hezbollah. « Il est clair que la démission était une décision saoudienne qui a été imposée au premier ministre Hariri. Ce n’était ni son intention, ni sa volonté, ni sa décision », a-t-il dit dans un discours retransmis à la télévision.
Risque d’instabilité
Or, le risque est important dans un pays comme le Liban, où tout peut s’enflammer en un brin de seconde. « Hariri a commencé une guerre froide qui pourrait dégénérer en guerre civile, sachant que du point de vue militaire, le Hezbollah n’a pas de concurrent au Liban », estime M. Khashan, cité par l’AFP. Car Hariri, justifiant sa démission, a également dit craindre pour sa vie. Ce à quoi le chef du Hezbollah a refusé de répondre car, selon lui, « il s’agit d’un texte saoudien ».
Pourtant, en annonçant sa démission, le premier ministre a affirmé que le Hezbollah avait imposé une situation de « fait accompli par la force de ses armes » et prévenu que la « main » de l’Iran serait « coupée » si elle s’ingérait davantage dans les affaires des pays arabes. Le chef du Hezbollah, qui est apparu calme, s’est interrogé sur le timing de la démission alors « que les choses se déroulaient normalement (...) au sein du gouvernement » libanais. « Nous appelons (...) à ne pas prêter oreille aux discours alarmistes (...) à ne pas s’inquiéter. Il n’y a pas de quoi s’inquiéter », a dit Hassan Nasrallah. « Nous réagirons avec responsabilité et calme (...) nous sommes soucieux de la sécurité » du Liban.
La démission surprise a fait immédiatement craindre que le Liban, pays profondément divisé entre un camp emmené par M. Hariri et un autre dirigé par le Hezbollah, ne plonge dans de nouvelles violences. Pour le moment, on ne sait pas si Hariri rentrera au Liban ou non, si le président acceptera sa démission ou non. Une source à la présidence de la République a indiqué à l’AFP que le président Michel Aoun attendrait le retour de M. Hariri pour se prononcer sur cette démission.
« Le Liban a toujours été le fusible qui éclate quand les tensions régionales dépassent une certaine limite », explique Dr Hicham Mourad, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire, en ajoutant que « la crise actuelle s’inscrit dans cette logique, puisqu'une guerre par procuration se joue entre l’Arabie saoudite et l’Iran depuis plusieurs années en Syrie, au Yémen et en Iraq ». Selon lui, le changement des rapports de force en Syrie du régime de Bachar Al-Assad a été un élément décisif dans la décision du premier ministre libanais. « Je pense que l’Arabie saoudite veut rebattre les cartes d’autant plus qu’elle considère que l’Iran marque des points au niveau régional », dit-il.
Reste un autre acteur régional important : Israël. Ce dernier a réagi à la démission de Hariri, qui, selon le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, doit être « une alarme » à destination du monde sur les ambitions de l’Iran. Israël assure que le mouvement libanais Hezbollah, qu’il a combattu en 2006, tient les rênes du Liban et cherche à consolider son rôle en Syrie voisine où ses hommes sont alliés aux forces du régime de Damas. « Cette agression met en danger pas seulement Israël, mais tout le Moyen-Orient », a encore dit le premier ministre israélien. Depuis des mois, des dirigeants israéliens menacent de s’en prendre, dans le cas d’un nouveau conflit, au Hezbollah.
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