Les forces fédérales se sont déployées dans toutes les zones disputées.
(Photo : AFP)
Dans un climat d’extrême tension, les députés kurdes réunis à huis clos, dimanche 28 octobre à Erbil, ont pris connaissance de la lettre que Massoud Barzani leur a adressée annonçant qu’il ne serait plus président du Kurdistan autonome. « Après le 1er novembre, je n’exercerai plus mes fonctions et je refuse que mon mandat soit prolongé », a ainsi déclaré l’architecte du référendum d’indépendance du 25 septembre, qui a ensuite annoncé son départ à la télévision. Après la lecture de cette lettre, le parlement a effectué une répartition provisoire de ses pouvoirs d’ici à l’élection présidentielle, dont la date n’est pas encore fixée, après un accord entre les blocs parlementaires sur la répartition des prérogatives du président entre les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire.
Le rêve d’indépendance a donc viré au cauchemar. Déjà, avant l’annonce de Barzani, le parlement kurde avait gelé les prérogatives de ce dernier à la suite de ce référendum qui a déclenché une crise sans précédent entre Erbil et Bagdad. Car aussitôt après les résultats, le gouvernement central iraqien avait envoyé ses troupes reprendre le contrôle de toutes les zones situées hors de la région autonome et dont les combattants kurdes avaient pris le contrôle depuis 2003. Et, en quelques jours, la quasi-totalité de ces territoires est repassée aux mains du pouvoir central. Pire encore, en reprenant les puits de pétrole de Kirkouk (nord), qui représentaient quasiment la moitié des revenus de la région autonome déjà fortement endettée, Bagdad portait un coup fatal à la viabilité économique du rêve kurde, vieux d’un siècle, de créer un Etat.
Crise kurdo-kurde
Outre la crise avec Bagdad, une crise kurdo-kurde est née des suites du référendum. L’opposition, notamment le parti Goran qui veut un « gouvernement de salut national » à la place de M. Barzani, s’oppose à la répartition proposée par les grands partis kurdes, le Parti Démocratique du Kurdistan (PDK) de M. Barzani et son rival de l’Union Patriotique Kurde (UPK), ont indiqué des députés. Massoud Barzani « symbolise l’échec de la politique kurde, et la seule chose qui lui reste à faire est de s’excuser publiquement », a lancé, avant l’ouverture de la session, Raboun Maarouf, député de Goran. En fait, ce sont ces deux partis, le PDK de Barzani et l’UPK du défunt président iraqien Jalal Talabani, qui dominent largement la vie politique kurde iraqienne depuis des décennies.
Dans le cadre de ce bras de fer, Massoud Barzani a mis sur le compte d’une « haute trahison » la perte de la quasi-totalité des territoires disputés avec Bagdad, faisant référence sans les nommer aux dirigeants du parti rival UPK, dont les combattants s’étaient retirés, le 16 octobre, sans combat de la province pétrolière de Kirkouk, face à l’armée fédérale. Des dirigeants de l’UPK avaient indiqué s’être mis d’accord avec Bagdad sur un tel retrait.
En claquant la porte, Massoud Barzani n’a donc pas manqué de lancer des critiques et des accusations à droite et à gauche. Il a accusé Bagdad « d’avoir un plan déjà prêt (pour reprendre les zones disputées), et ils ont utilisé le référendum comme prétexte (...). Les milices chiites du Hachd Al-Chaabi, supplétives de l’armée iraqienne, étaient décidées à aller à l’affrontement », a-t-il ajouté. Les zones disputées sont des territoires où les combattants kurdes avaient étendu leur emprise depuis des années au-delà des frontières administratives de leur région autonome établies en 2003.
Après le référendum d’indépendance initié par Barzani et auquel s’opposait Bagdad, les forces fédérales se sont redéployées dans ces zones en une dizaine de jours et quasiment sans combats. Et dimanche 29 octobre, après une trêve accordée par Bagdad à la suite de violents combats à l’artillerie lourde, les forces kurdes et iraqiennes se sont accordées sur un redéploiement des forces fédérales au poste-frontière de Fichkhabour où passe un oléoduc-clé vers la Turquie. Ce terminal, situé aux confins des territoires turc, syrien et iraqien, est stratégique pour les finances des Kurdes d’Iraq comme de Syrie. Les critiques de Massoud Barzani ont en outre dépassé les frontières, il est revenu sur le soutien international sur lequel il comptait en organisant le 25 septembre le référendum d’indépendance du Kurdistan, contre l’avis de tous, et en premier lieu de Bagdad. « Nous ne pensions pas » que les Etats-Unis ne s’opposeraient pas à « une attaque féroce contre le peuple kurde », un de leurs alliés dans la lutte contre Daech, a-t-il affirmé en désignant la réaction des forces iraqiennes après le référendum.
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