Al-Ahram Hebdo : Le Fatah et le Hamas ont déjà signé plusieurs accords de réconciliation, mais ils ont tous fini par capoter. Y a-t-il des raisons de croire que cet accord ne subira pas le même sort ?
Mohamad Gomaa : Il est vrai que les précédents accords sont restés lettre morte. Mais cette fois, plusieurs raisons portent à l’optimisme. Tout d’abord, le Hamas est en perte de popularité, notamment à cause de la conjoncture régionale. D’où le sérieux des responsables du Hamas et leur volonté de mettre fin à la division interpalestinienne. Car les dirigeants du Hamas sont aujourd’hui conscients que les concessions à faire pour une réconciliation leur sont moins nocives que de maintenir le pouvoir dans la bande de Gaza. Pour eux, abandonner le pouvoir est plus rentable que rester. Le bilan de dix ans de pouvoir est, en effet, peu reluisant, notamment avec une crise économique aiguë qu’il n’arrive plus à gérer. Sans oublier qu’avec des changements régionaux qui ne sont plus en sa faveur, le Hamas a perdu beaucoup d’alliés. Du coup, il se satisfait désormais de la deuxième place.
— Cela signifie-t-il pour autant que le Hamas est sorti perdant ?
— Pas tout à fait. Il a gagné une importante revendication tant demandée : le paiement des salaires de ses fonctionnaires et des factures d’électricité. C’est vrai que le Hamas ne va pas participer au nouveau gouvernement d’union nationale, mais il participera au choix des ministres et il participera aux prochaines élections législatives.
— Faut-il donc s’attendre à ce que l’application de l’accord se fasse rapidement et facilement ?
— Pas tant que cela bien sûr. La mise en application n’est pas une chose facile. Il est à prévoir que des obstacles apparaissent. De même, certains articles ne sont pas suffisamment clairs.
— Qu’en est-il de l’épineux dossier sécuritaire ? L’expérience d’un nouveau Hezbollah au sud du Liban risque-t-elle de se répéter ?
— Il faut distinguer entre les armes possédées par les institutions sécuritaires et l’aile armée des mouvements légitimes et celles possédées par les factions ou les groupes qui n’ont pas de légitimité. Ceux-là n’ont aucune tutelle politique. Ils peuvent donc être sous le joug de n’importe quel groupe terroriste. Ces groupes doivent donc être désarmés, ou s’allier aux branches armées « officielles ». Quant à celles-ci, leur désarmement n’est pas d’actualité. Car ce n’est pas une question sécuritaire, mais c’est une question politique.
Plus généralement, les deux mouvements doivent s’accorder sur la stratégie à mener pour lutter contre la colonisation israélienne, car il existe deux voies : d’un côté, la voie politique et les négociations, et de l’autre côté, la voie de la lutte populaire armée.
— Et que se passera-t-il d’ici là ?
— Les armes des ailes armées existeront toujours et personne ne peut suggérer leur désarmement. En revanche, d’après le nouvel accord, le gouvernement d’union nationale sera chargé de contrôler la sécurité interne. Il dirigera les institutions sécuritaires. Les membres du Hamas seront intégrés dans la police, le renseignement et les autres institutions.
En ce qui concerne l’exemple du Hezbollah, c’est une idée rejetée par les dirigeants du Fatah, notamment par le président palestinien Mahmoud Abbas. En 2014, le Hamas avait déjà tenté de suivre l’exemple du Hezbollah. Aujourd’hui, c’est différent. La situation a complètement changé. Les dirigeants du Hamas ont décidé d’abandonner cette idée, car ils sont conscients de leur défaite. Ils savent pertinemment qu’ils en sont incapables, car le Hamas n’est pas aussi puissant que le Hezbollah soutenu par l’Iran.
— Après cette réconciliation, le climat peut-il être propice à une relance du processus de paix ? La communauté internationale peut-elle exercer des pressions à ce sujet ?
— Je ne pense pas. Aujourd’hui, le monde a oublié la question palestinienne. Le processus de paix ne fait plus partie des priorités.
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