Bagdad a repris le contrôle d'une base et d'un aéroport militaires, ainsi que de plusieurs champs pétroliers.
(Photo:AFP)
Les répliques du référendum sur l’autonomie du Kurdistan continuent de secouer l’Iraq. Après avoir lancé, vendredi 13 octobre, une offensive pour reprendre les positions occupées depuis 2014 par les Peshmergas kurdes dans le sud de la province pétrolière de Kirkouk, que le Kurdistan autonome dispute aux autorités à Bagdad, les forces iraqiennes ont largement repris le contrôle de la province de Kirkouk, sans combattre ou presque. Avec en prime, une base et un aéroport militaires— sans compter plusieurs zones et infrastructures-clés, le siège du gouvernorat et plusieurs champs pétroliers—, les forces de Bagdad ont atteint, lundi 16 octobre au soir, presque tous leurs objectifs affichés dans cette province disputée avec le Kurdistan iraqien autonome du président Massoud Barzani, dont les portraits ont été aussitôt retirés à Kirkouk. Aussitôt après, le drapeau iraqien a été hissé devant le siège du gouvernorat, à la place du drapeau kurde, Bagdad marquant ainsi le retour de son autorité dans cette province, dont les Kurdes s’étaient emparés en 2014 dans le chaos né de la percée de Daech en Iraq.
Or, à l’exception de tirs d’artillerie, la progression des forces gouvernementales iraqiennes a de fait été facilitée par le retrait des combattants kurdes (Peshmergas) de l’Union Patriotique du Kurdistan (UPK). En effet, cette offensive a fait éclater au grand jour la crise qui couvait entre le Parti Démocratique du Kurdistan (PDK) de Massoud Barzani, l’initiateur du référendum d’indépendance, et l’UPK, qui préférait engager des négociations avec Bagdad sous l’égide de l’Onu. Le sud de la province de Kirkouk était jusqu’alors tenu par des Peshmergas affiliés à l’UPK, tandis que le PDK contrôlait le nord et l’est. Conseiller du président Barzani, Hemin Hawrami a dénoncé sur Twitter des « problèmes internes et des accords ambigus » qui ont mené « des commandants à ordonner à leurs Peshmergas de quitter leurs positions ».
Le pétrole, au coeur des convoitises
La riche province de Kirkouk (nord-est), qui ne fait pas partie du Kurdistan iraqien, est au coeur d’un contentieux entre Bagdad et Erbil que le récent référendum sur l’indépendance kurde du 25 septembre a encore exacerbé. Et Bagdad a toujours exprimé qu’il n’entendait pas du tout fléchir sur cette question. A la veille de la reprise de la province par Bagdad, Saad Al-Hadithi, porte-parole du premier ministre iraqien Haider Al-Abadi, a réitéré que la loi prévoit que « le gouvernement central exerce sa souveraineté sur les zones que la Constitution définit comme disputées (dont la province de Kirkouk fait partie, NDLR), de même qu’en matière de commerce extérieur, notamment de production et d’export de pétrole ». Car pour Bagdad, dont le budget est grevé par la chute des cours du pétrole et trois années de mobilisation et de combats contre Daech, reprendre la main sur les 250000 b/j de pétrole des trois champs de la province de Kirkouk— Khormala, pris par les Kurdes en 2008, Havana et Bay Hassan, pris en 2014— est crucial.
Face à ces développements, Washington, à la fois allié de Bagdad et d’Erbil, a voulu se montrer neutre. Le président américain, Donald Trump, a affirmé lundi que les Etats-Unis ne prenaient pas parti dans cette crise. « Nous ne prenons pas parti, mais nous n’aimons pas le fait qu’ils s’affrontent », a dit le président américain lors d’une conférence de presse. De son côté, un porte-parole du Pentagone a assuré au cours d’un point de presse que la reprise de contrôle de Kirkouk par les forces iraqiennes s’était faite « par des mouvements coordonnés, non des attaques ». « Les militaires et les conseillers de la coalition ne soutiennent ni le gouvernement iraqien ni le gouvernement de la région du Kurdistan près de Kirkouk », a souligné le colonel Rob Manning. « Nous continuons de soutenir un Iraq unifié », a ajouté le militaire américain.
Cela dit, Washington est « très inquiet » face à la situation à Kirkouk, selon les termes lundi soir de Heather Nauert, porte-parole du Département d’Etat américain. Le gouvernement américain « travaille avec les responsables des gouvernements central et régionaux pour réduire les tensions, éviter de nouveaux affrontements et encourager le dialogue, (...) et nous exhortons toutes les parties à éviter les provocations qui peuvent être exploitées par les ennemis de l’Iraq ayant intérêt à attiser un conflit ethnique et confessionnel », a insisté la porte-parole de la diplomatie américaine.
Quant à l’Union Européenne (EU), sa Haute représentante, Federica Mogherini, a indiqué dans un communiqué, « attendre de toutes les parties qu’elles s’assoient autour d’une table de négociation »
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