Les Palestiniens à l’épreuve de la réconciliation
C’est une première depuis 2014. Le gouvernement palestinien, dirigé par Rami Hamdallah, s’est réuni dans la bande de Gaza ce mardi 3 octobre, première étape concrète censée matérialiser le retour de l’Autorité palestinienne internationalement reconnue aux commandes du territoire, aux mains du Hamas. La tenue de ce Conseil des ministres doit également illustrer l’avancée de la réconciliation entre l’Autorité palestinienne et le mouvement islamiste Hamas après une décennie de dissensions dévastatrices. Le premier ministre palestinien est arrivé à Gaza lundi 2 octobre. Aussitôt après son arrivée, il a rencontré le chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh, ainsi que le numéro un du mouvement dans la bande de Gaza, Yahya Sinouar.
Au-delà de la tenue, symbolique, du Conseil des ministres à Gaza, il s’agit surtout de préparer le terrain à un transfert progressif de responsabilités — au moins civiles — du Hamas à l’Autorité palestinienne, dont émane le gouvernement palestinien. En 2007, le Hamas avait évincé l’Autorité de Gaza au prix d’une quasi-guerre civile avec le Fatah, son grand rival qui domine l’Autorité, et depuis, cette dernière n’exerce plus son pouvoir que sur la Cisjordanie. Mais récemment, le Hamas a dû se rendre à l’évidence et accepter le retour de l’Autorité à Gaza, et ce, grâce à la pression du Caire, mais aussi en raison d’un affaiblissement du Hamas dû aux déconvenues diplomatiques de son allié qatari et aux difficultés financières, (le président de l’Autorité, Mahmoud Abbas, a notamment cessé de payer la facture de l’électricité fournie par Israël à Gaza).
Reflet des attentes élevées des habitants de cette enclave éprouvée par les guerres, les blocus et les querelles intestines, des centaines de Gazaouis se sont bousculés pour entendre M. Hamdallah promettre, dès son arrivée, la fin des dissensions. « Refermons ensemble le chapitre de la division », a exhorté M. Hamdallah. La priorité est de « soulager les souffrances des gens de Gaza ». Car les Gazaouis souffrent. Pénuries, marasme économique, chômage très élevé, notamment chez les jeunes, blocus israélien de la bande de Gaza et isolement du Hamas ont littéralement étouffé cette enclave, au risque d’une véritable explosion sociale. Autant de donnes auxquelles s’ajoute une approche plus pragmatique des dirigeants palestiniens qui ont poussé le Hamas à accepter de se raccommoder avec le Fatah.
En retour, l’Autorité palestinienne a promis qu’elle lèverait les mesures punitives « dès que le gouvernement assumera ses responsabilités à Gaza », selon Azzam Al-Ahmad, haut dirigeant du Fatah, le parti qui domine l’Autorité. Reste donc à savoir quand cela arrivera. Car la visite du premier ministre de l’Autorité à Gaza n’est que largement protocolaire. Et les détails d’un transfert ultérieur de responsabilités doivent être discutés au Caire dans les prochains jours.
Circonspection
Mais la circonspection est tout de même là, nourrie par l’échec des précédentes tentatives de rapprochement et par l’ampleur des contentieux. Beaucoup d’experts voient dans la bonne volonté du Hamas une manoeuvre tactique pour se défausser d’une situation compliquée. Ils doutent qu’il cède à l’Autorité palestinienne le contrôle de la sécurité. Sans oublier la question épineuse du sort des dizaines de milliers de fonctionnaires recrutés depuis 2007 par le Hamas à Gaza. La question de leur rémunération ou non par l’Autorité et celle de leur intégration dans les services d’une Autorité déjà surdimensionnée et financièrement aux abois sont essentielles, étant donné ses implications sur le quotidien des Gazaouis. Or, ces questions ont fait avorter de précédents efforts de réconciliation.
Autre question importante, celle des élections. Le Hamas s’est dit prêt à accéder à l’une des exigences de l’Autorité, la tenue d’élections, qui seraient les premières dans les Territoires palestiniens depuis 2006. Mais, là s’ajoute un autre interlocuteur : l’Etat hébreu. A cet effet, l’accord d’Israël à l’organisation en Cisjordanie d’élections, que le Hamas risquerait de gagner, paraît improbable.
Dernière question cruciale, les conséquences de la réconciliation sur le processus de paix. Un Hamas aux côtés du Fatah sera un partenaire dans toute éventuelle négociation de paix. Or, pour Israël, comme pour les Etats-Unis et une grande partie de la communauté internationale, le Hamas doit encore remplir les exigences de reconnaissance d’Israël et de renoncement à la lutte armée contre l’Etat hébreu pour que soit relancé le processus de paix. Même si le Hamas a adopté en mai dernier une plateforme programmatique cherchant à atténuer le ton belliqueux de sa charte fondatrice et à se présenter en interlocuteur plus acceptable, il n’est pas tout à fait clair jusqu’où ce mouvement et sa composante armée sont prêts à pousser le compromis. « Il n’a jamais été question et ne sera jamais question » de démanteler la branche armée du Hamas ou de rendre les armes, affirme Moussa Abou-Marzouq, figure éminente du mouvement islamiste.
Au-delà de la réconciliation interpalestinienne se pose donc la question cruciale de l’acceptation internationale. L’Autorité palestinienne reconnaît Israël. Cela reste hors de question pour le Hamas. D’où les réserves internationales. « Je suis prudemment optimiste. Je ne sous-estime aucune des nombreuses complications et difficultés qui peuvent apparaître en chemin », a dit l’envoyé spécial de l’Onu pour le Proche-Orient Nickolay Mladenov. Jason Greenblatt, émissaire pour le Proche-Orient du président américain Donald Trump, a, lui, été plus direct. Sur sa page Facebook, il a écrit : « Tout gouvernement palestinien doit de façon non ambiguë et explicite s’engager à la non-violence, à la reconnaissance de l’Etat d’Israël, à l’acceptation des accords précédents ».
Lien court: