Dans son premier déplacement sur place, le nouvel émissaire onusien pour la Libye, le Libanais Ghassan Salamé, est arrivé les poches pleines de promesses. Nommé le 22 juin dernier par le secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres, comme son nouveau représentant spécial et chef de la Mission d’Appui des Nations-Unies en Libye (MANUL), succédant à l’Allemand Martin Kobler, Ghassan Salamé s’est voulu rassurant et diplomate à l’occasion de cette première visite. « J’assume mon rôle dans le plus grand respect de la souveraineté nationale, l’indépendance et l’unité de la Libye », a-t-il déclaré samedi 5 août à Tripoli lors d’une conférence de presse conjointe avec ses interlocuteurs, suite à des entretiens avec le chef du Gouvernement d’union reconnu par la communauté internationale (GNA), Fayez Al-Sarraj, et le chef de la diplomatie, Mohamad Al-Taher Siala.
Le nouvel émissaire de l’Onu pour la Libye s’engage donc à mener sa mission dans le respect de la souveraineté libyenne, alors que le pays reste miné par les rivalités et l’insécurité, malgré l’accord obtenu fin juillet à Paris entre les deux principaux protagonistes du conflit en Libye, Fayez Al-Sarraj et le maréchal Khalifa Haftar, qui s’étaient engagés à rétablir la sécurité et à organiser rapidement des élections.
Mais au-delà de cette promesse de respect de « la souveraineté nationale, l’indépendance et l’unité de la Libye », rien de concret n’est sorti de la première visite de M. Salamé en Libye, sinon des paroles vagues : dans un tweet diffusé sur le compte de la Manul, l’émissaire onusien a indiqué avoir eu une rencontre « constructive » avec M. Sarraj sur les « défis économiques, politiques et sécuritaires » en Libye. « Nous avons convenu de l’urgence de mettre un terme aux souffrances des Libyens », a-t-il simplement ajouté. « Il est important d’aller de l’avant et de compléter ce que nous avons commencé », a déclaré de son côté M. Sarraj. « Nous avons évoqué la feuille de route, les résultats de la réunion » en France. Il a également invité la Manul à retourner en Libye « le plus tôt possible » pour apporter un soutien humanitaire mais également « technique » en vue de l’organisation d’un référendum sur le projet de Constitution et des élections présidentielle et législatives. M. Salamé a, en réponse, rassuré le chef du GNA sur le retour progressif des différentes agences des Nations-Unies opérant en Libye, qu’elles ont été contraintes de quitter en 2014 à cause des violences.
Haftar s’impose
Or, la violence est loin d’être finie en Libye. Tout comme les divisions. En effet, le maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l’est libyen et chef de l’Armée Nationale Libyenne (ANL), a ordonné à ses troupes d’empêcher l’entrée de navires étrangers dans les eaux libyennes, selon un porte-parole. « Le maréchal Khalifa Haftar a donné des ordres à l’état-major de la marine d’empêcher l’entrée de tout navire étranger dans les eaux territoriales libyennes sans autorisation de l’ANL », a indiqué jeudi dernier à l’AFP Khalifa Al-Obeidi, porte-parole du commandement général de l’ANL. « Les ordres ont effectivement été donnés aux bases navales de Tobrouk, Benghazi », dans l’est du pays et à celle « de Ras Lanouf », au centre, a encore précisé M. Al-Obeidi. Haftar s’oppose ainsi à la décision du parlement italien, qui a approuvé la semaine dernière une mission navale dans les eaux territoriales libyennes, apportant un soutien technique aux gardes-côtes libyens dans la lutte contre les trafiquants d’êtres humains. L’intervention d’unités navales italiennes dans les eaux territoriales libyennes pourrait contribuer à réduire le flux de migrants partant des côtes libyennes. Par cette décision, le puissant maréchal Haftar entend aussi et surtout marquer son opposition à ce qui a été convenu entre son rival le chef du GNA, Fayez Al-Sarraj, et l’Italie en termes de soutien technique et naval dans le cadre de la lutte contre la migration clandestine et les trafiquants d’êtres humains. Et ce, malgré l’accord qui a été récemment conclu à Paris entre les deux hommes.
D’ailleurs, quelques jours après cet accord, le maréchal Khalifa Haftar avait accusé Fayez Al-Sarraj de « fanfaronner » et de n’avoir « aucune autorité sur Tripoli ». « Il ne possède pas la ville. Tripoli est la capitale de tous les Libyens, elle n’appartient à personne, il n’a aucune autorité sur Tripoli », tout en ajoutant : « Tant qu’il y a un danger, nous sommes prêts à défendre (la capitale). Mon ambition est de défendre le peuple. Nous sommes les gardiens du peuple » .
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