Pour le moment, c’est l’expectative. La réponse du Qatar aux conditions posées par l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, Bahreïn et l’Egypte, dont la teneur n’est pas connue, a été remise lundi 3 juillet au Koweït, qui assure une médiation dans cette crise. Juste avant la remise de la réponse qarati, ces quatre pays ont décidé de prolonger de 48 heures la date butoir fixée à leur rival pour se plier à leurs 13 demandes, affirmant répondre à une requête du Koweït. Leur premier ultimatum avait expiré dimanche 2 juillet à minuit. Et les ministres des Affaires étrangères de ces quatre pays doivent se réunir ce mercredi au Caire pour rendre leur verdict. La réponse du Qatar sera examinée avec «
minutie », a déclaré le ministre saoudien des Affaires étrangères, Adel Al-Jubeir.
Plusieurs signaux contradictoires sont ainsi apparus ces derniers jours. D’un côté, le forcing koweïtien et le prolongement du délai accordé à Doha pour répondre aux exigences qui lui ont été formulées laissent entrevoir un mini-espoir d’un règlement de la crise. De l’autre, les déclarations faites par les Qatari avant l’annonce du report de l’ultimatum laissent penser le contraire.
En effet, le Qatar, mis au ban pour son soutien présumé au terrorisme et son rapprochement avec l’Iran, grand rival régional de l’Arabie saoudite, — des accusations qu’il rejette —, a refusé implicitement la liste des demandes. Raison avancée : Doha juge ces exigences « maximalistes et attentatoires à sa souveraineté nationale ». « La liste des demandes est faite pour être rejetée », a déclaré quelques jours avant l’expiration du premier délai du 2 juillet le ministre des Affaires étrangères du Qatar, Mohamad bin Abderrahmane Al-Thani, samedi à Rome. « Tout le monde est conscient que ces demandes sont destinées à empiéter sur la souveraineté de l’Etat du Qatar », a-t-il ajouté. Cette liste, exigeant notamment la fermeture de la chaîne Al-Jazeera, la réduction des relations avec l’Iran et la fermeture d’une base militaire turque, avait été soumise le 22 juin au Qatar. Selon certains observateurs, il se pourrait que Doha ait accepté certaines conditions, mais pas toutes, pour laisser la porte ouverte au dialogue et ne pas permettre que la crise dégénère, alors que l’autre camp se montre inflexible. En effet, l’ambassadeur des Emirats en Russie, Omar Ghobash, avait prévenu la semaine dernière que de nouvelles sanctions étaient possibles.
Médiations difficiles
On se retrouve donc face à une crise où d’un côté, Doha fait le dos rond en espérant que les pressions internationales feront fléchir ses adversaires qui, eux, campent sur leur position, et de l’autre, ses adversaires maintiennent une forte pression sans pour autant vouloir voir la crise évoluer de manière disproportionnée. « Le Qatar s’engagera dans un dialogue constructif » avec ses adversaires « si leurs allégations sont soutenues par des preuves claires », a dit le 28 juin son ministre des Affaires étrangères. « Nous espérons une réponse positive pour pouvoir résoudre la crise », a déclaré de son côté le chef de la diplomatie saoudien, en ajoutant que les mesures prises contre le Qatar étaient destinées à le faire changer de politique, une « politique qui lui nuit ainsi qu’aux pays de la région ».
Jusque-là, les tentatives de médiation se sont avérées infructueuses, même si la Turquie, qui soutient le Qatar, s’est montrée optimiste samedi 1er juillet sur la possibilité d’une solution à la crise diplomatique qui oppose le Qatar à ses voisins du Golfe, après une rencontre entre le président Recep Tayyip Erdogan et le ministre qatari de la Défense à Ankara. « Il y a des signes qu’une solution est possible. C’est notre impression générale », a déclaré à la presse le porte-parole de la présidence turque, Ibrahim Kalin, après la rencontre entre MM. Erdogan et Khaled bin Mohamad Al-Attiyah. « Nous sommes convaincus de la nécessité de poursuivre nos efforts pour prendre des mesures qui vont dans le bon sens », a-t-il poursuivi.
Ankara, qui entretient des relations privilégiées avec Doha, mais aussi de bonnes relations avec les autres monarchies du Golfe, s’efforce de jouer un rôle de médiateur dans cette crise, tout en se gardant à ne pas critiquer frontalement l’Arabie saoudite. Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a multiplié les entretiens téléphoniques avec les dirigeants impliqués, il s’est notamment entretenu sur la question avec son homologue américain, Donald Trump, tandis que Bin Mohamad Al-Attiyah a rencontré son homologue turc, Fikri Isik. Plusieurs autres pays, dont la France, la Russie et les Etats-Unis, ont aussi offert leurs bons offices, sans résultat apparent. Lors d’un entretien téléphonique, le président russe, Vladimir Poutine, a exhorté samedi dernier l’émir du Qatar et le roi de Bahreïn à « surmonter leurs différends ».
Mais le Koweït reste le médiateur le plus important, avec bien sûr Washington, de par ses relations privilégiées avec les pays du Golfe. Mais, Washington donne des signaux contradictoires : le président américain, Donald Trump, ne cesse de demander au Qatar de stopper le financement des mouvements extrémistes, alors que le Département d’Etat prône le dialogue pour résoudre la crise. Il l’a encore réitéré dimanche 2 juillet, rappelant « l’importance de stopper le financement du terrorisme », et de « discréditer l’idéologie extrémiste ». En même temps, Washington a mis en garde contre le fait que Doha aurait du mal à satisfaire certaines requêtes et demandé à Riyad de réduire sa liste aux demandes « raisonnables et recevables ». C’était le 27 juin, alors que le ministre des Affaires étrangères, Mohamad bin Abderrahmane Al-Thani, était en visite aux Etats-Unis.
En fait, le rôle des Etats-Unis, qui entretiennent des liens étroits avec les pays en conflit, est crucial : le Qatar abrite la plus grande base aérienne américaine de la région, au centre de la lutte contre le groupe djihadiste Etat islamique. Bahreïn abrite une base navale de la Cinquième flotte américaine. Et les armées américaines et saoudiennes travaillent étroitement ensemble. Cité par l’AFP, Hussein Ibish, un chercheur à l’Arab Gulf States Institute à Washington, estime ainsi que « la porte de sortie c’est une sorte de médiation américaine qui permet à chacun de sauver la face ». Une médiation américaine d’autant plus nécessaire que l’Onu ne compte pas intervenir. « La meilleure manière » de sortir de la crise « serait que les pays concernés élaborent une solution à travers le dialogue et des consultations entre eux », a déclaré, lundi 3 juillet, l’ambassadeur de Chine à l’Onu, dont le pays préside le Conseil de sécurité en juillet, laissant ainsi entendre que le Conseil de sécurité n’avait pas l’intention de s’impliquer dans la résolution de la crise.
Lien court: