L’imprévisible Donald Trump, qui semblait, au cours de sa campagne électorale, hostile à l’islam, non désireux de s’investir à l’étranger, notamment au Moyen-Orient, a finalement fait bonne figure lors de sa première visite en terres arabes. Dans son premier déplacement à l’étranger, le président américain s’est rendu en Arabie saoudite. Un déplacement bien symbolique, hautement médiatisé et apprécié, au cours duquel le président américain a dessiné les grandes lignes de sa politique étrangère, notamment de sa politique arabe. Avec des résultats qui peuvent satisfaire aussi bien les Américains que les Arabes.
Premier et plus important volet de cette visite, la lutte antiterroriste. Tout d’abord, lors de sa visite en Arabie saoudite, Trump a participé au sommet américano-arabo-islamique, une participation importante, car les dirigeants présents ont annoncé plusieurs décisions : composée de 34 000 combattants, une force armée va être créée et équipée d’ici à deux mois pour affronter le terrorisme et les groupes djihadistes armés dans les pays arabes, surtout l’Iraq et la Syrie. Selon le document final du Sommet arabo-islamo-américain, qui a eu lieu dimanche 21 mai à la capitale saoudienne Riyad avec la présence des leaders d’une cinquantaine de pays, cette force n’interviendra dans un quelconque pays qu’après la demande de celui-ci et qu’après une résolution du Conseil de sécurité de l’Onu. « La création de cette force était attendue. Elle devrait contribuer à résoudre les problèmes qui secouent la région, notamment les pays arabes. Et la présence des Etats-Unis était nécessaire pour la soutenir. C’était donc le moment opportun pour prendre cette décision. Avec la mise en place de cette force, on peut prédire un vrai changement dans les conflits et les guerres civiles qui secouent les pays arabes », affirme Dr Ahmad youssef, politologue et directeur du Centre des recherches et des études arabes au Caire.
Priorité : la lutte antiterroriste
Autre décision annoncée dans la déclaration de Riyad, la coalition stratégique du Moyen-Orient va être créer d’ici l’année prochaine, pour renforcer la coopération entre les pays pour lutter contre le terrorisme. Il a également été décidé la création d’un centre pour lutter avec détermination contre l’extrémisme, contre les idées et les esprits terroristes et pour répandre les idées modérées qui représentent le vrai islam. Se disant porteur d’un message d’amitié, d’espoir et d’amour du peuple américain, le président américain a souligné la symbolique de son déplacement, son premier à l’étranger en tant que président, au coeur du monde musulman. Un discours en contradiction avec ses paroles lancées au cours de sa campagne électorale, au cours de laquelle il avait affirmé : « L’islam nous déteste ». Des paroles largement critiquées et qui lui ont valu des accusations d’alimenter l’islamophobie. Trump a donc rectifié son pas, en insistant sur le fait que ce combat n’était pas une bataille entre religions. « C’est une bataille entre le bien et le mal », a-t-il dit.
De même, les Etats-Unis et les monarchies du Golfe ont annoncé la création d’un centre pour lutter contre les sources de financement du terrorisme, à l’occasion de la rencontre dimanche à Riyad entre le président Donald Trump et les dirigeants de ces monarchies. Après une série d’entretiens bilatéraux, le président américain a rencontré les leaders des six pays du CCG (Conseil de Coopération du Golfe) : Arabie saoudite, Bahreïn, Emirats arabes unis, Koweït, Oman, Qatar. A l’issue de ce mini-sommet, les monarchies du CCG et les Etats-Unis ont annoncé la création d’un centre pour lutter contre les sources du financement du terrorisme, TFTC (Terrorist Financing Targeting Center), il aura pour principale vocation de partager des informations sur les réseaux de financement des groupes comme l’Etat Islamique (EI) ou Al-Qaëda, a détaillé le Trésor américain dans un communiqué. Cette nouvelle structure pourrait également coordonner des mesures de représailles communes contre ces mouvements. « Le TFTC améliorera des outils existants et la coopération avec nos partenaires dans le Golfe, afin de s’attaquer efficacement aux nouvelles menaces », a affirmé le secrétaire américain au Trésor, Steven Mnuchin, en assurant que son ministère partagera son expertise sur le sujet.
Tout tourne donc autour de la lutte antiterroriste, et plus précisément du terrorisme islamiste. Pourtant, malgré ces grandes déclarations et décisions, certains analystes n’ont pas manqué de critiques. « Le sommet a été concentré sur le terrorisme, mais, malgré les décisions prises, il n’a pas été indiqué quels seront les moyens concrets pour lutter contre des questions qui menacent non seulement la région et les pays musulmans », explique Dr Sameh Rachad, analyste au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram au Caire. De même, selon lui, en étant trop concentré sur le terrorisme, le sommet a négligé les autres problèmes comme les conflits et les famines qui secouent les pays arabes et islamiques.
Un ennemi commun : l’Iran
Au sujet de la lutte antiterroriste, l’une des priorités de Donald Trump, le président américain a donc trouvé son compte chez ses hôtes saoudiens. En contrepartie, ces derniers ont reçu le soutien américain dans leur bras de fer contre l’Iran. Ainsi, dans son discours, Donald Trump a essayé de satisfaire ses alliés arabes, surtout les monarchies sunnites du Golfe qui redoutent l’influence de leur grand rival chiite. Le président américain a en effet appelé tous les pays à isoler l’Iran, de même, il a tenu l’Iran pour responsable de l’extrémisme mondial et a demandé aux pays arabes et musulmans d’assécher les sources de financement pour des organisations comme le groupe Etat Islamique (EI) ou le mouvement chiite Hezbollah. « En attendant que le régime iranien montre sa volonté d’être un partenaire dans la paix, toutes les nations doivent travailler ensemble pour l’isoler », a affirmé Trump fermement.
Outre ce soutien politique à Riyad, il a été beaucoup aussi question d’économie. Le premier voyage de Donald Trump à l’étranger a débuté samedi par un accueil royal en Arabie saoudite et l’annonce des méga-contrats excédant 380 milliards de dollars, dont 110 milliards pour des ventes d’armements à Riyad. Cet accord est présenté comme l’accord d’armements le plus important de l’histoire des Etats-Unis. L’agence officielle saoudienne, SPA, a fait état de 34 accords dans des domaines de la défense, du pétrole et du transport aérien. « La valeur des investissements dépasse les 380 milliards de dollars », a déclaré le ministre saoudien des Affaires étrangères, Adel Al-Jubeir, lors d’une conférence de presse avec son homologue américain Rex Tillerson. Selon ce dernier, ces contrats visent à soutenir la sécurité à long terme de l’Arabie saoudite et de l’ensemble du Golfe face à la mauvaise influence iranienne et aux menaces liées à l’Iran qui existent aux frontières de l’Arabie saoudite. La Maison Blanche a précisé que les contrats militaires renforceraient de même la capacité du royaume à contribuer aux opérations de contre-terrorisme à travers la région, ce qui réduira le fardeau pour l’armée américaine. M. Trump compte ainsi voir Riyad jouer un plus grand rôle dans la lutte contre les groupes djihadistes Etat Islamique (EI) et Al-Qaëda.
Le roi Salman et M. Trump ont par ailleurs signé une « déclaration sur une vision stratégique conjointe » renforçant des relations bilatérales. Il y a un an, la monarchie saoudienne avait réservé un accueil plutôt glacial à son prédécesseur Barack Obama, critiqué pour avoir amorcé un début de rapprochement avec l’Iran. Cette fois-ci, le roi Salman a accueilli en personne M. Trump. Autant de symboles qui prouvent que cette visite est « la visite la plus importante dans les relations entre Washington et Riyad », comme l’explique Ahmad Youssef. « L’enjeu de cette visite n’est pas seulement son timing, mais aussi les fruits récoltés. Cette relance des relations est d’autant plus importante que la Russie commençait à tenter de se frayer un chemin dans la région. Et les Etats-Unis voulaient prouver leur suprématie », conclut Dr Ahmad Youssef.
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