La politique étrangère américaine, on le sait depuis toujours, a pour but d’asseoir les intérêts de Washington. Au Proche-Orient, on peut y ajouter un autre objectif de taille : défendre les intérêts et la sécurité d’Israël. La double tournée effectuée cette semaine dans la région par Chuck Hagel et John Kerry en est la preuve la plus flagrante.
En effet, la tournée de M. Hagel au Moyen-Orient, la première depuis son arrivée au Pentagone il y a deux mois, vise à finaliser la vente — pour un montant global de dix milliards de dollars — de missiles et d’avions à Israël, aux Emirats arabes unis et à l’Arabie saoudite, alliés des Etats-Unis. Ces contrats, dévoilés à la veille de l’arrivée de M. Hagel dimanche dernier en Israël, prévoient la vente à Israël de missiles antiradar conçus pour éliminer les systèmes de défense antiaériens, de nouveaux radars pour des avions de combat, d’avions de ravitaillement en vol KC-135 et, pour la première fois, des appareils de transport V-22 Osprey, qui sont des engins mi-avion mi-hélicoptère. Et, avant même son arrivée, M. Hagel affirmait que ce contrat envoyait un « signal très clair » à Téhéran, afin de l’empêcher de se doter de l’arme nucléaire.
S’agit-il donc de préparer une frappe contre l’Iran, pour soi-disant défendre Israël ? Pour le moment, Tel-Aviv et Washington divergent sur certains points. Si le président Barack Obama veut donner davantage de temps à la diplomatie et aux sanctions, Israël, seule puissance nucléaire régionale, multiplie les menaces d’opération militaire préventive. « Israël et les Etats-Unis voient la menace iranienne exactement de la même façon. C’est quand on se penche dans le détail du calendrier, si et à quel moment l’Iran décide de fabriquer une arme nucléaire, qu’il peut y avoir quelques divergences », a admis M. Hagel. Et d’ajouter : « Le fin mot, c’est que l’Iran est une menace, une vraie menace. Il faut empêcher les Iraniens de développer la capacité de construire une arme nucléaire et d’y parvenir. Je crois que les éléments recueillis par nos services sont assez proches de ceux collectés par d’autres agences de renseignement ».
Une double visite, un objectif unique : ménager Israël. (Photo: AP)
Le secrétaire américain à la Défense est donc tantôt rassurant, tantôt menaçant. « L’option militaire est une option qui reste sur la table et qui doit y rester. Mais l’option militaire, je crois que la plupart d’entre nous sont d’accord, doit être l’option de dernier recours ».
Aide militaire et soutien politique
D’ailleurs, cette nouvelle vente non seulement maintient, mais renforce l’avantage militaire qualitatif d’Israël par rapport aux autres pays de la région. La loi américaine prévoit, en effet, que les Etats-Unis fournissent une assistance militaire, actuellement de trois milliards de dollars annuellement, qui assure à l’Etat hébreu la suprématie militaire dans la région et Israël est le pays qui, chaque année, bénéficie le plus de l’assistance militaire des Etats-Unis.
A cela s’ajoute un soutien politique inconditionnel. Alors que le processus de paix est au point mort depuis deux ans et demi, la nouvelle tournée du secrétaire d’Etat américain n’a rien apporté de plus. Rien n’est sorti de la rencontre entre John Kerry et le président palestinien, Mahmoud Abbas, dimanche dernier à Istanbul. Pas plus que lors de leur précédente entrevue. MM. Kerry et Abbas ont « poursuivi la conversation qu’ils ont depuis plusieurs semaines sur la manière de ramener les deux parties à la table des négociations », a simplement annoncé un diplomate américain. Et M. Kerry s’est contenté de prévenir que « le temps était compté pour reprendre le processus de paix israélo-palestinien gelé depuis septembre 2010 », estimant qu’il ne restait plus que deux ans pour y parvenir.
Mais en même temps, rien n’est fait par l’Administration américaine pour préparer le terrain à une relance des négociations de paix. Plutôt que d’oeuvrer en ce sens, M. Kerry a exhorté dimanche le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, à reporter sa visite prévue fin avril à Gaza, invoquant un moment « critique » pour l’avenir du processus de paix au Proche-Orient, et a insisté sur « l’importance » que revêt aux yeux des Etats-Unis la normalisation des relations entre la Turquie et Israël, Israël, encore et toujours.
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