Le président libanais, Michel Aoun, a annoncé la semaine dernière la suspension des séances du parlement pour une durée d’un mois. Une décision prise après plusieurs semaines de discussions acharnées entre le président et certains leaders politiques. Une décision tranchante qui menace la scène politique d’une nouvelle impasse. Pourtant, elle est considérée comme la seule option à même d’empêcher la chambre des députés de se réunir pour prolonger son mandat pour une troisième fois en moins de quatre ans.
En fait, le mandat du parlement devait se terminer en juin 2013, mais les députés avaient eux-mêmes voté pour sa prolongation de 13 mois. Ils l’ont ensuite prolongé une deuxième fois en novembre 2014 pour une durée de deux ans et sept mois, sur fond de crise politique. Cette fois-ci encore, les forces politiques ne sont pas parvenues à se mettre d’accord sur une nouvelle loi électorale, qui devait permettre de fixer la date et l’organisation des élections législatives dans les délais constitutionnels, désormais dépassés. La chambre devait se réunir pour prolonger son mandat. Or, un troisième prolongement aurait pu causer une vague de manifestations. En effet, le Courant patriotique libre, parti fondé par Michel Aoun, et le Parti des forces libanaises dirigé par Samir Geagea, actuel allié de M. Aoun, avaient appelé à manifester en masse dans le centre de Beyrouth près du siège du parlement pour empêcher que la chambre se réunisse et prolonge elle-même son mandat jusqu’au 20 juin 2018.
La classe politique divisée
Les législatives restent problématiques en raison des divisions entre la classe politique autour de l’épineuse question de la réforme de la loi électorale, dans un pays régi par un système confessionnel, alors que les prochaines élections libanaises, les premières depuis huit ans, ont été reportées plusieurs fois pour se tenir selon la nouvelle loi. L’actuelle loi électorale basée sur le « scrutin plurinominal majoritaire » est loin de faire l’unanimité. Et pour cause, élu fin octobre à la présidence de la République, un poste laissé vacant pendant plus de deux ans, l’ancien général Michel Aoun a fait de la réforme de la loi électorale une priorité de son action. Première étape primordiale, selon lui, pour assurer une meilleure représentativité des communautés, dont certaines peuvent être dépendantes, dans certaines circonscriptions, du vote d’un autre groupe confessionnel.
A son tour, le gouvernement du premier ministre, Saad Hariri, s’est promis d’assurer la tenue du vote en temps et en heure, et suivant un nouveau mode de scrutin. Une promesse difficile à se concrétiser. En effet, au parlement, pas moins de 17 propositions de loi, 17 formules de scrutin différentes, sont sur la table. Ainsi, les soutiens du président Aoun, comme le Hezbollah, le puissant mouvement politico-militaire chiite, militent pour la proportionnelle, car pour eux elle assure la représentativité de tous, y compris les minorités religieuses et politiques. Or, ce système inquiète les communautés minoritaires, jugées surreprésentées par rapport à leur poids démographique réel. La minorité druze par exemple, qui appartient au bloc parlementaire musulman, affirme qu’on veut l’éradiquer de la scène politique. Son leader druze, Walid Joumblatt, a annoncé qu’il préférait une loi instituant un scrutin hybride, alliant modes proportionnel et majoritaire.
Au Liban, qui répartit les fonctions officielles selon la religion, les 128 sièges de députés sont divisés à égalité entre chrétiens et musulmans. Les différentes communautés religieuses sont ensuite représentées au parlement en fonction de leur poids démographique. Et ce, suivant un recensement datant de 1932. Par exemple, les maronites, principale communauté chrétienne, disposent de 34 élus tandis que, côté musulman, les chiites comme les sunnites en comptent 27. Et dans un régime parlementaire monocaméral, dans lequel la Chambre des députés dispose en plus du pouvoir constitutionnel d’élire le chef de l’Etat, le mode de scrutin des législatives est fondamental pour le partage du pouvoir. C’est notamment le cas dans un pays comme le Liban, qui compte 18 communautés religieuses, et qui applique un système politique basé sur la démocratie consensuelle ainsi que sur une répartition confessionnelle des fonctions officielles et administratives.
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