Des sourires de convenance qui ne cachent pas la multitude de différends existant toujours.
(Photo: Reuters)
La visite du président soudanais, Omar Al-Béchir, vendredi dernier à Juba, la capitale du Soudan du Sud, est une visite avant tout à caractère symbolique, une visite en guise d’apaisement. C’est en effet la première depuis celle effectuée par Béchir en juillet 2011 à l’occasion de la création du nouvel Etat du Soudan du Sud. C’est aussi la première visite depuis les graves affrontements frontaliers qui avaient opposé les armées des deux pays au printemps 2012, au paroxysme des tensions entre les deux capitales, et qui avaient fait craindre une reprise d’un conflit à grande échelle entre Juba et Khartoum. Symbolique aussi parce qu’elle a finalement pu avoir lieu, alors que, tout au long de l’année dernière, elle a été plusieurs fois annoncée puis annulée en raison des tensions entre les deux pays.
En effet, depuis la création du Soudan du Sud le 9 juillet 2011, de nombreux différends continuent d’empoisonner les relations des deux anciens ennemis, notamment les questions de la démarcation de la frontière commune, de la région contestée d’Abyei ou encore du pétrole. Et ces différends restent latents, malgré la volonté affichée des deux Etats à y mettre fin.
A Juba, Béchir a prôné vendredi le « dialogue pour principe » et comme étant « la seule voie » pour résoudre les différends entre les deux pays. « Cette visite marque le début d’une coopération basée sur la normalisation des relations entre nos deux pays », a déclaré, selon l’agence Reuters, le président Béchir.
Son homologue sud-soudanais Salva Kiir a, de son côté, assuré que les deux hommes ont convenu de la « mise en oeuvre totale et inconditionnelle des accords de coopération » signés en septembre à Addis-Abeba et très largement restés lettre morte, devant permettre notamment la création d’une zone tampon démilitarisée à leur frontière. Premier pas concret : le pétrole sud-soudanais a effectivement commencé à transiter par le Soudan dimanche dernier.
Un nouvel accord, signé en mars, toujours dans la capitale éthiopienne, a déjà permis la reprise début avril de la production pétrolière sud-soudanaise. Selon les médias soudanais, ce brut devrait pouvoir à nouveau être exporté depuis Port-Soudan, sur la mer Rouge, d’ici fin mai.
Mais Khartoum et Juba, qui se sont fait la guerre pendant 22 ans quand ils étaient au sein du même Etat, ont des difficultés à faire la paix maintenant qu’ils se sont séparés. Depuis les accords de 2005 qui ont ouvert la voie à la partition, de nouveaux textes sur les relations entre les deux pays doivent en permanence être négociés.
De nombreux contentieux
Outre le contentieux pétrolier, les deux pays s’accusent également mutuellement de soutenir des groupes rebelles actifs sur le territoire de l’autre. Au coeur du blocage de l’application des accords de septembre figurait ainsi l’exigence soudanaise que le Soudan du Sud condamne la branche nord du Mouvement de libération des peuples du Soudan (SPLM-N), une rébellion active dans les Etats soudanais du Kordofan-Sud et du Nil Bleu. Vendredi, en pleine visite de M. Béchir, cinq obus sont tombés sur la capitale du Kordofan-Sud, Kadougli, un bombardement attribué au SPLM-N, dont le porte-parole a toutefois indiqué ne pas être au courant. Deux personnes ont été tuées et huit blessées selon des habitants.
Cet incident n’a pas été évoqué par M. Béchir. « Nous ne soutiendrons aucune opposition chez le voisin. Dans le passé, cela a pu arriver, mais cela restera du passé », a-t-il simplement affirmé, interrogé sur le soutien que Juba l’accuse de son côté d’apporter aux rebelles de David Yau Yau, qui combattent l’armée sud-soudanaise dans l’Etat du Jonglei.
En outre, les forces de Khartoum sont engagées depuis l’été 2011 dans de violents combats contre le SPLM-N au Kordofan-Sud et au Nil Bleu, deux régions frontalières du Soudan du Sud et dont une partie des habitants ont soutenu les Sudistes pendant la guerre civile (1983-2005) qui a abouti à la partition. Le SPLM-N déclare lutter contre le régime arabe de M. Béchir afin de mettre en place un régime plus respectueux des diversités ethniques et des droits de l’homme. De même, les Sudistes ont armé et entraîné les membres du SPLM-N pendant la guerre civile, mais Juba assure avoir rompu ses liens avec le mouvement lors de la sécession, ce que diplomates et experts jugent peu probable.
Des dossiers lourds qu’une simple visite et des déclarations de bonne volonté ne suffisent pas à effacer, d’autant plus qu’il demeure entre les deux pays une grande méfiance.
Lien court: