Selon les chiffres de l'Onu, au bout de deux ans de guerre au Yémen, 11 millions de personnes vivent dans les zones disputées où les combats font rage.
(Photo : Reuters)
Des lignes de front figées, des efforts de paix au point mort, une situation humanitaire catastrophique. Tel est l’état des lieux au Yémen, deux ans après le lancement, par une coalition militaire arabe menée par l’Arabie saoudite, d’une offensive contre les rebelles houthis, le 26 mars 2015.
Sur le plan militaire, c’est un dangereux statu quo qui prévaut à l’heure actuelle : chacun des belligérants maintenant ses positions. Ni avancée de l’un, ni recul de l’autre en quelque sorte. Et c’est justement cet immobilisme qui entrave toute tentative de résolution politique, aucune des parties n’étant prête à faire la moindre concession. En effet, jusqu’à présent, aucun signe d’apaisement ne se dessine après l’échec de sept trêves pilotées par l’Onu, et selon le médiateur de l’Onu, Ismaïl Ould Cheikh Ahmed, les belligérants refusent encore aujourd’hui de négocier.
Preuve de cette inertie, lors de la commémoration du lancement de l’offensive arabe, les rebelles chiites houthis et leurs alliés, les partisans de l’ex-président Ali Abdallah Saleh, ont marqué l’anniversaire en organisant une manifestation géante dans la capitale Sanaa qu’ils contrôlent, sous le slogan « Résistance à l’agression », se disant prêts à résister jusqu’au bout. Et, symboliquement, un tribunal rebelle a condamné à mort le président Abd-Rabbo Mansour Hadi pour « haute trahison », reconnu coupable d’avoir « usurpé le titre de président après la fin de son mandat », d’avoir « incité à l’agression menée par l’Arabie saoudite » et d’avoir « porté atteinte à l’indépendance et à l’intégrité territoriale de la République yéménite », a écrit l’agence rebelle Saba. Côté gouvernemental, un éditorial diffusé par l’agence de presse pro-Hadi a affirmé que « la montée en puissance des miliciens houthis cachait un plan iranien », visant non seulement le Yémen, mais aussi les pays du Golfe.
Voilà qui est dit. D’un côté comme de l’autre, les références aux parties externes sont directes, de quoi rappeler une fois de plus que la guerre au Yémen, c’est aussi et surtout une guerre par procuration entre les deux puissances rivales de la région, l’Arabie saoudite et l’Iran. D’ailleurs, lors du sommet de la Ligue arabe tenu le 29 mars dernier en Jordanie, les dirigeants arabes ont rejeté les ingérences étrangères dans leurs affaires. Sans nommer explicitement l’Iran, les leaders arabes ont dit, dans leur déclaration finale, « refuser toute ingérence dans les affaires internes arabes et toutes les tentatives visant à ébranler la sécurité, semer la dissension confessionnelle et attiser les conflits (...), en violation des relations de bon voisinage et des règlements internationaux ». Réponse de Téhéran : L’Iran a « annoncé de façon répétée qu’il n’intervenait pas dans les affaires intérieures des autres pays et se conformait toujours aux principes de bon voisinage et de respect de la souveraineté des gouvernements », a déclaré le porte-parole des Affaires étrangères, Bahram Ghasemi, cité par le site de son ministère.
Changement de position américain ?
Peu convaincant. L’enjeu est, en effet, crucial aussi bien pour Téhéran que pour Riyad. Si l’Arabie saoudite a toujours eu le soutien des Arabes, aujourd’hui, la balance peut pencher en sa faveur en raison d’un potentiel changement dans l’attitude de la nouvelle Administration américaine de Donald Trump. En effet, le président américain, grand ennemi de l’Iran, semble mieux disposé vis-à-vis de l’Arabie que son prédécesseur, Barack Obama. Ouvertement critique à l’égard de Téhéran, le général Joe Votel, chef des forces américaines au Moyen-Orient, a ainsi déclaré la semaine dernière que les Houthis ont déployé, « avec le soutien de l’Iran », des « missiles de défense côtière, des radars, des mines et des bateaux piégés, qui ont été amenés depuis le détroit d’Ormuz ». Ce qui, selon lui, menace la libre circulation dans le détroit stratégique de Bab Al-Mandeb. Le général Votel s’est d’ailleurs montré clairement hostile à la politique iranienne, soulignant que l’Iran a pour objectif de devenir « le pouvoir prédominant » au Moyen-Orient.
Mais l’inimitié de Washington à l’égard de Téhéran peut-elle changer la donne à travers un appui plus grand à Riyad ? Jusqu’à présent, Washington fournit des armes à la coalition et l’assiste en ravitaillement aérien et en renseignements. Il pourrait décider d’accroître ce soutien, afin d’envoyer un message de détermination face à l’Iran, relèvent Joost Hiltermann et April Alley, de l’International Crisis Group, cités par l’AFP. Selon la presse américaine, le secrétaire à la Défense Jim Mattis voudrait augmenter le soutien militaire à la coalition. Le secrétaire d’Etat américain a recommandé notamment d’aider les forces des Emirats arabes unis à chasser les rebelles du port de Hodeida, sur la mer Rouge, a indiqué la semaine dernière le Washington Post. Dans cette hypothèse, les militaires américains accentueraient leur soutien en matière de ravitaillement en vol et de renseignement qu’ils apportent déjà à la coalition arabe. Ils apporteraient également un soutien en matière de planification.
Tout cela n’est toutefois pas sans risque : les deux experts de l’International Crisis Group n’ont pas manqué d’avertir que « si Trump s’engage avec précipitation dans la guerre yéménite, il y a un risque réel que le conflit devienne hors de contrôle ».
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