Selon Washington, la Russie tente d’exercer son influence en Libye par des moyens militaires et des transactions de pétrole ou d’armes.
(Photo : Reuters)
Après la Syrie, la Libye. C’est semble-t-il la politique que Moscou tente aujourd’hui de mettre en pratique. Au point que de nombreux analystes estiment que le règlement de la crise libyenne est désormais entre les mains des Russes et que Moscou possède les moyens de forcer les Libyens d’accepter les solutions politiques.
Au-delà des expectatives, le chef des forces militaires américaines en Afrique, le général Tom Waldhauser, a déclaré que la Russie tente d’exercer son influence en Libye par des moyens militaires et des transactions de pétrole ou d’armes. « Les Russes ont la volonté d’exercer leur influence à l’intérieur de la Libye. Ils sont sur le terrain. Nous regardons ce qu’ils font avec une grande inquiétude. En plus de leur activité militaire, nous avons vu de récentes activités commerciales, qu’il s’agisse de pétrole ou d’armes », a déclaré le général Waldhauser lors d’un point presse au Pentagone. Et pour contrer l’influence russe, les Etats-Unis ont annoncé qu’ils maintiendraient un petit nombre de soldats des forces spéciales militaires sur place, à des fins principalement de renseignement. Ces derniers opèrent également des vols de drones de reconnaissance sur la Libye depuis une base aérienne tunisienne. « Nous allons maintenir une force qui a la capacité de produire du renseignement, de travailler avec les différents groupes en cas de besoin pour pouvoir aider le Gouvernement d’union nationale (GNA) à attaquer des cibles du groupe Etat islamique », a déclaré le général Waldhauser.
Discrétion
De leur côté, les Russes restent beaucoup plus discrets sur leur intention en Libye. En fait, la Russie était souvent considérée comme la seule et l’ancienne alliée de Tripoli. Toutes les armes, tous les équipements, les entraînements et les manoeuvres militaires libyens à l’époque de l’ex-président Muammar Kadhafi étaient fournis par la Russie. Idem pour les aides financières et le soutien politique. Selon un analyste qui a requis l’anonymat, « les dirigeants russes ont toujours eu des liens étroits avec leurs homologues libyens. Après la chute de Kadhafi, ce rôle s’était limité. Mais même si les Libyens commençaient à entretenir davantage de liens avec les Américains, leur confiance va plutôt aux Russes. Conscients de cela, plusieurs pays arabes et même européens ont commencé à exhorter la Russie à reprendre son rôle en Libye, d’autant plus que Moscou entretient de bonnes relations avec les voisins de la Libye, notamment l’Egypte et l’Algérie. Et ces deux pays sont souvent considérés comme les plus influents sur la scène libyenne », explique notre analyste.
Sur le terrain, l’homme fort de la Libye, le maréchal Khalifa Haftar, s’est récemment ouvertement rapproché de la Russie, se rendant début janvier sur un porte-avions russe en transit au large du pays. A son tour, le chef du GNA, Fayez Al-Sarraj, s’est rendu à Moscou le 2 mars dernier. Avec ces deux visites, les autorités russes veulent montrer qu’elles ne soutiennent aucune faction particulière dans le conflit libyen et qu’elles discutent avec tout le monde. A cet égard, quatre milliards de dinars libyens ont été imprimés en Russie et transférés à la Banque Centrale de Benghazi, rivale de celle de Tripoli, en mai 2016 (soit deux mois après l’installation dans la capitale du premier ministre Al-Sarraj). Les livraisons militaires à destination de la Libye, sous embargo de l’Onu jusqu’au printemps dernier, n’ont depuis été autorisées qu’au profit du « gouvernement d’union nationale ». Mais Haftar a été reçu à Moscou à deux reprises en quelques mois, en juin et en novembre 2016, soit peu avant et juste après la conquête du « croissant pétrolier ». Déjà, le maréchal a obtenu que des centaines de ses combattants soient soignés en Russie. Il espère aussi de Moscou, outre les pièces de rechange de son armement de fabrication russe, un soutien militaire plus déterminé. Le Kremlin ne semble pas encore prêt à prendre cette décision. Moscou reste aussi évasif sur ses intentions. « L’unité du peuple libyen et l’intégrité territoriale de la Libye ont été violées. Et bien sûr, en tant que vieux amis de votre pays, nous souhaitons vous aider à surmonter ces difficultés. Nous allons ardemment défendre la nécessité de créer les conditions pour que les Libyens puissent eux-mêmes résoudre leurs problèmes », a déclaré le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. A chacun de l’interpréter comme il veut.
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