Al-Ahram Hebdo : Le parlement libyen a annoncé la semaine dernière la suspension de l’accord politique de Skhirat. Est-ce un retour à la case départ ?
Zyad Aql : L’accord n’a pas échoué, au contraire l’accord de Skhirat existe toujours pour les Libyens et pour la communauté internationale. Cet accord est considéré comme la base de n’importe quelle entente entre les Libyens dans l’optique de trouver un règlement politique à la crise. Mais, cet accord n’avait pas, dès le début, satisfait l’ensemble des Libyens, et ce, à cause de la présence de certaines clauses controversées. A cette époque, les protagonistes étaient obligés de signer à cause des multiples retards et de la pression de la communauté internationale. Aujourd’hui, tous les camps se sont mis d’accord sur l’importance de modifier l’accord pour qu’il satisfasse les revendications des différentes parties.
— On assiste, depuis plusieurs mois, à une intense activité diplomatique des voisins de la Libye. La position de ces pays a-t-elle changé ?
— Tout d’abord, il faut noter qu’il y a eu une longue période de stagnation car les pays voisins qui possèdent une certaine influence sur la classe politique libyenne, les tribus et les milices refusaient d’intervenir politiquement et sont restés à l’écart. Au début, l’Egypte, l’Algérie et la Tunisie étaient en désaccord sur certains points. Mais depuis décembre dernier, le dossier libyen a été remis au contrôle du chef d’état-major égyptien. Et grâce à une série de discussions, la position de ces pays voisins a changé. Les vues se sont rapprochées, ils sont parvenus à des compromis, ont unifié leur position et ont décidé de réactiver le rôle des pays voisins.
En effet, l’expérience a prouvé que le mécanisme du rôle joué par les pays voisins est beaucoup plus efficace que celui joué par l’Onu et la communauté internationale. Conscient et content de cette réalité, l’émissaire de l’Onu pour la Libye, Martin Kobler, s’est félicité de jouer le rôle du médiateur entre les trois pays. Et avec cette entente entre les pays voisins, la scène politique libyenne a commencé à agir.
— Quel rôle joue l’Egypte précisément ?
— L’Egypte n’a pas imposé de solution ou de règlement. Elle a seulement invité les camps rivaux à s’asseoir autour d’une table de négociations en leur offrant une atmosphère et un environnement convenables pour discuter et régler leurs différends. L’Egypte et la communauté internationale sont conscientes que la solution de la crise libyenne est entre les mains des Libyens.
— Concrètement parlant, quelle est la situation actuelle ?
— Les camps rivaux (Tobrouk et Tripoli) se sont mis d’accord que des pourparlers auront lieu entre 30 négociateurs, 15 de chaque côté. Leurs négociations porteront essentiellement sur les points à modifier dans l’accord. La nouvelle version sera remise aux deux parlements pour approbation. Ensuite, un gouvernement unifié sera formé, et plusieurs institutions seront créées pour diriger l’Etat. Un conseil sera créé, militaire ou présidentiel, et il dirigera le pays jusqu’à la mi-2018. A cette date, la Libye sera prête à tenir des élections présidentielles et législatives. Cette feuille de route est très convenable non seulement pour tous les Libyens, mais aussi pour les pays voisins et la communauté internationale.
— Qu’en est-il des combats autour du croissant pétrolier ?
— Ce croissant pétrolier est justement l’un des sujets de controverse. Depuis 2011, il était soumis à une force nommée « les gardes des installations pétrolières », dirigée par Ibrahim Jadhran. Ce dernier a spolié les champs pétroliers et les revenus du pétrole n’ont pas été déposés à la Banque Centrale mais dans ses propres comptes. Ensuite, les forces du maréchal Khalifa Haftar ont arrêté Jadhran, ont récupéré cette zone stratégique et ont déposé les revenus à la Banque Centrale. Or, depuis deux semaines environ, le chef du gouvernement d’union nationale, Fayez Al-Sarraj, a nommé un général à la tête de la force chargée des installations pétrolières. Cette décision a été refusée par Haftar, qui refuse de céder le contrôle sur cette région stratégique, puisque c’est un acquis politique. Ainsi, pour lui, accepter cette décision c’est accepter la présence d’une force armée parallèle.
Donc, on a d’un côté Haftar, qui ne veut pas donner une légitimité à n’importe quelle autre force militaire, et de l’autre, Al-Sarraj, qui veut contrôler le pétrole pour renforcer son poids. C’est donc un conflit politique, une lutte d’influence.
— Et Haftar s’annonce-t-il gagnant ?
— Haftar jouera un rôle encore plus important dans la période à venir. Il va probablement occuper un poste important, peut-être, se présentera-t-il à la présidentielle.
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