Les pourparlers de Genève n'ont, en effet, pas permis d'entamer des discussions directes entre les belligérants.
(Photo : AP)
Dans les sillages de Genève, personne ne semblait se souvenir de la date du 15 mars 2011, le jour où tout a commencé. C’est en effet à cette date qu’a été lancée la crise syrienne. A l’époque, on ne parlait pas encore de crise, mais d’une révolte populaire, née dans la foulée de ce qu’on avait alors surnommé le Printemps arabe, et qui visait à davantage de libertés et de droits. Depuis, les choses ont bien changé. De la situation sur le terrain aux appellations mêmes. De l’affaiblissement de l’opposition dite modérée à la prolifération de groupes et groupuscules opposants, armés ou non, les uns islamistes radicaux, les autres plus modérés. De la naissance de l’Etat Islamique (EI), qui a donné lieu à un changement de taille dans la donne sur le terrain. Du désengagement américain progressif à l’implication grandissante de la Russie. De l’exigence du départ du régime de Bachar Al-Assad au fait accompli de son renforcement. Rien ne ressemble à l’ambiance qui prévalait en Syrie en mars 2011. Et, ce cocktail n’a pas manqué de jeter son ombre sur les tentatives de résolution du conflit.
Ainsi, les négociations intersyriennes de Genève 4 se sont achevées sans aboutir à une avancée concrète. Les positions du régime et de l’opposition semblent toujours irréconciliables. Pourtant, un accord sur l’ordre du jour de la prochaine réunion prévue fin mars a été convenu. Pour autant, Genève est considérée comme la plus réussie des réunions d’autant plus que l’émissaire onusien, De Mistura, a réussi pour la première fois à tenir des pourparlers directs entre le régime et l’opposition.
Agenda en quatre points
Malgré cela, les discussions ont pris fin avec l’acceptation par les belligérants syriens d’un « agenda clair » en quatre points, selon Staffan de Mistura. Le gouvernement avait insisté à plusieurs reprises ces derniers jours sur sa volonté d’ajouter la lutte contre le terrorisme aux trois autres éléments prévus par l’émissaire avant le début des négociations, à savoir la gouvernance — thème flou pour évoquer une transition politique —, la Constitution et les élections. Il a obtenu gain de cause. Ces quatre sujets seront discutés « en parallèle », a assuré l’envoyé spécial, mais les questions de stratégie contre le terrorisme seront discutées à Genève, tandis que la partie opérationnelle de la lutte contre le terrorisme sera abordée à Astana. Et l’Onu prévoit un nouveau rendez-vous en mars.
Après un peu plus d’une semaine de discussions difficiles, l’émissaire de l’Onu pour la Syrie, Staffan de Mistura, a fait vendredi soir le bilan de ce quatrième round de négociations. « Le train est prêt, il est en gare, les moteurs chauffent. Tout est prêt, il a juste besoin d’un accélérateur », a déclaré M. De Mistura. « Je crois que nous avons à présent un agenda clair devant nous », a indiqué l’émissaire. « Nous avons discuté de procédure, mais nous avons aussi discuté de substance », a-t-il dit. Ce diplomate chevronné, dont l’optimisme chronique bute depuis près de trois ans sur le conflit syrien, a prévu de se rendre la semaine prochaine au Conseil de sécurité de l’Onu à New York. Ensuite, a-t-il dit, « nous aurons Astana pour consolider le cessez-le-feu, et puis à nouveau Genève ». Si huit jours de discussions à Genève n’ont pas permis d’avancée majeure, de tous petits pas ont été accomplis, et aucun des belligérants n’a pris le risque de claquer la porte. Le médiateur de l’Onu a enchaîné les rendez-vous avec toutes les parties : la délégation du régime, celle du Haut Comité des Négociations (HCN, principale délégation de l’opposition), les opposants proches de la Russie, le « Groupe du Caire » et le « Groupe de Moscou ». Les pourparlers n’ont en effet pas permis d’entamer des discussions directes entre les belligérants. Les deux parties se sont simplement fait face lors de la cérémonie d’ouverture la semaine dernière.
A l’issue des négociations, Bachar Al-Jaafari, l’austère chef de la délégation du régime, s’est félicité samedi devant les journalistes « d’avoir pu imposer un ordre du jour rationnel et équilibré qui sert les intérêts du peuple syrien ». Selon lui, « le thème principal, la lutte contre le terrorisme, a occupé 80 % des discussions », alors que les trois autres points ont été effleurés. Quant au chef des négociateurs de l’opposition syrienne, Nasr Al-Hariri, il a jugé cette session « plus positive ». « C’était la première fois que nous avons discuté d’une manière acceptable, en profondeur, les questions de l’avenir de la Syrie et la transition politique », a-t-il dit. « Nous voulons continuer les négociations », a-t-il précisé, sans toutefois donner de date pour une prochaine rencontre. Il a également indiqué que les délégations aux pourparlers en Syrie avaient reçu un papier en 12 points de l’émissaire de l’Onu. « Il s’agit de dispositions générales (...) sur l’avenir de la Syrie », a-t-il expliqué.
Reste à savoir comment se dérouleront les prochaines négociations. « Le processus politique en Syrie passe par une phase décisive. En fait, le chapitre militaire s’approche de la fin, ouvrant la voie au règlement politique et diplomatique », explique un diplomate qui a requis l’anonymat. Selon lui, « comme dans toutes les guerres civiles, les armes doivent se taire à un moment donné pour céder la place aux négociations sur la base des réalités au sol ». Ainsi, l’intervention militaire russe a accéléré l’acheminement vers la phase du règlement politique, tout en changeant la donne au sol en faveur du régime syrien. « A présent, toutes les conditions sont propices à trouver une solution pacifique qui préserverait la cohésion du pays et lui permettrait d’éviter la désintégration de l’Etat syrien », conclut le diplomate.
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