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Libye : Un anniversaire sans grande pompe

Maha Salem avec agences, Mardi, 20 décembre 2016

Un an après la signature de l'accord interli­byen parrainé par l'Onu, censé trouver une issue à la crise libyenne, la Libye est tou­jours divisée.

Libye : Un anniversaire sans grande pompe
La reprise de Syrte est considérée comme le seul acquis de l'accord de paix entre les Libyens. (Photo:Reuters)

Le 17 décembre 2015, une lueur d’espoir planait sur la Libye. A Skhirat, au Maroc, les factions et les parties en conflit, sous forte pression de la communauté internationale, ont signé un accord de paix censé mettre fin à la crise libyenne. Un an après, l’heure est à la désillusion : d’abord, parce que l’accord n’a pas été appliqué dans sa totalité, ensuite parce que le Gouvernement libyen d’union nationale (GNA) de Fayez Sarraj, fruit de cet accord, ne parvient toujours pas à prendre officiellement toutes ses charges parce qu’il n’a toujours pas été investi par le parlement siégeant à Tobrouk (est). En plus, à plusieurs reprises, Sarraj a justifié l’impuissance et l’incapacité de son gouvernement à imposer son autorité par l’absence de moyens financiers, ainsi que par les conflits politiques qui existent toujours dans son pays. D’ailleurs, selon Sarraj, même le Conseil de la présidence n’a pas présenté de solutions pour l’aider.

En fait, l’accord de paix a donné lieu à la création d’une nouvelle ins­tante dirigeante, le Conseil de la pré­sidence, chargée de suivre le proces­sus de reconstruction et de réunifica­tion du pays. A son arrivée à Tripoli en mars 2016, le Conseil de la prési­dence, après des négociations achar­nées, a aidé Sarraj à former un gou­vernement en lui posant la charge de diriger le pays sur le dos. Une tâche difficile, surtout avec la présence de deux autorités parallèles, de milices et de groupes armés, sans compter le poids des différentes tribus et de fac­tions qui veulent toutes prendre part à la vie politique. En effet, ce conseil avait une mission importante : créer une garde présidentielle placée sous son commandement et chargée de protéger les institutions nationales. Une étape censée pousser les groupes armés à se retirer des villes, à com­mencer par la capitale, Tripoli. Ensuite, le conseil devait aussi créer une armée unie, qui devait intégrer dans ses rangs l’Armée nationale libyenne. Or, concrètement parlant, rien n’a été fait et le Conseil de la pré­sidence n’a même pas su rassembler les différents groupes armés au sein d’une armée professionnelle unie. Il s’est uniquement contenté de diriger les organismes financiers libyens pour chercher des solutions aux difficultés financières du pays.

Défaut structurel

Force est de constater donc qu’un an après sa signature, l’accord de Skhirat a échoué, et ce, en raison d’erreurs structurelles dans cet accord. Selon les analystes, cet accord était mort-né puisqu’il n’a pas été accepté par toutes les factions. « Il a été fait sous la pres­sion de la communauté internationale, qui voulait parvenir à un accord de paix en Libye pour trois raisons : com­battre l’Etat Islamique (EI), arrêter l’immigration clandestine en Europe puisque la Libye est une terre de tran­sit et de départ, et enfin, contrôler les ressources pétrolières. Quant au plus important, c’est-à-dire la réconcilia­tion entre Libyens, ce n’était pas une priorité pour la communauté interna­tionale. C’est pour cela que l’accord n’a pas pu imposer la paix dans le pays, car il n’a pas rassemblé les diffé­rents camps », explique Dr Ayman Chabana, professeur à la faculté d’éco­nomie et de sciences politiques de l’Université du Caire.

En effet, le seul acquis depuis cet accord est la victoire réalisée contre les djihadistes de l’EI et la récente reprise de Syrte, une ville qui était considérée comme leur fief en Libye. Mais la reprise de Syrte ne signifie pas la fin du terrorisme en Libye, même si « elle représente une importante victoire », comme l’a averti Sarraj, qui en a pro­fité pour appeler les forces militaires du pays à s’unir en une seule armée.

Quelle place à Haftar ?

C’est en effet là l’un des plus gros défis face à la Libye, où sévissent de nombreux groupes armés, et où le général Khalifa Haftar, devenu récem­ment maréchal, mène depuis deux ans une guerre contre les groupes djiha­distes dans l’est libyen. Ce dernier a su s’imposer sur la scène libyenne au point que Sarraj lui rende hommage, bien que Haftar, lui, continue de contester le GNA. D’ailleurs, l’un des points d’achoppement qui demeure flou est la place qu’occupera le maré­chal dans l’avenir du pays.

La Libye reste donc toujours minée par les divisions : deux autorités s’y disputent le pouvoir, d’un côté, le GNA basé à Tripoli, et de l’autre, une autorité rivale dans l’est soutenue par les forces du maréchal Haftar. « C’est le véritable et le premier obstacle qui doit être surmonté par les Libyens. Une fois que cette question sera réglée, le chemin pour instaurer la paix sera pavé. Les institutions nationales sont divisées entre les deux gouvernements parallèles, chacun d’entre eux se pré­sentant comme l’unique garant du salut national. La communauté inter­nationale a fait des pressions, mais elle a mal jugé l’importance de cet obs­tacle », explique Dr Ayman Chabana.

Face à ces complexités, Martin Kobler, chef de la mission de l’Onu pour la Libye, poursuit ses efforts pour une sortie de crise. « Les pro­blèmes de la Libye doivent être réso­lus par les Libyens eux-mêmes, mais il faut les aider. Les partenaires de la Libye doivent présenter un plan ciblant les principaux problèmes. Je sais que plusieurs points de l’accord politique restent contestés mais, pour que des modifications puissent y être apportées, il faut recenser et résoudre les différentes questions en sus­pens », a expliqué Kobler dans une conférence de presse à l’occasion de l’anniversaire de la signature de l’ac­cord de paix. Il a aussi ajouté que des solutions existent, mais pour pouvoir les mettre en oeuvre, les partenaires de la Libye doivent aller au-delà de la politique d’endiguement et s’atta­quer aux grandes priorités que sont le pouvoir, les armes et l’argent. « Ce n’est pas d’aspirine qu’a besoin la Libye, mais d’une dose massive d’antibiotiques », a ainsi conclu Kobler.

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