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En Libye, le plus dur reste à faire

Maha Salem avec agences, Mardi, 13 décembre 2016

La reprise de Syrte par les forces libyennes met fin à l'un des maux majeurs dont souffre la Libye. D'importants défis persistent cependant.

En Libye, le plus dur reste à faire
Après 6 mois de combats acharnés, les forces libyennes ont repris Syrte. (Photo : Reuters)

C’est en grande pompe que les forces du gouvernement libyen d’union nationale ont annoncé, la semaine dernière, la reprise totale de Syrte au groupe djihadiste Etat Islamique (EI). Ce qui met fin à l’un des aspects de la crise libyenne. Si les combats contre l’EI à Syrte sont terminés, plusieurs obstacles menacent toujours le pays et la crise libyenne est loin d’être réglée. Tout d’abord, les djihadistes sévissent toujours dans le pays même s’ils se sont fortement affaiblis. « Les djihadistes de l’EI n’ont pas été anéantis en Libye. C’est vrai que Syrte était leur fief, mais ils ont fui vers d’autres régions du pays, au sud et à l’ouest, où il se trouve leurs camps de formation et d’entraînement. Cela dit, ils ne sont pas capables de s’organiser pour s’implanter une autre fois dans de nouvelles villes. Il se peut que les djihadistes adhèrent à d’autres milices armées qui combattent toujours dans le pays. Et bien sûr, il faut s’attendre à ce qu’ils com­mettent des attentats meurtriers. Les actes de vengeance risquent de se multiplier », explique Dr Ayman Chabana, professeur à la faculté d’économie et de sciences politiques de l’Uni­versité du Caire.

Outre la place que prendra l’EI dans les mois à venir, un autre obstacle concerne non seule­ment Syrte mais aussi toutes les villes libé­rées : la reconstruction. Selon les analystes, la ville de Syrte a été complètement détruite, il n’y existe plus de maisons ni de services ni d’infrastructure. Ce qui explique les déclara­tions du général Mohamad Guenedi, un res­ponsable des forces loyales au gouvernement d’union (GNA) à Misrata, à mi-chemin entre la capitale Tripoli et Syrte : « Il faudra un mois ou un mois et demi pour que les civils puissent rentrer chez eux et que la reconstruction de la ville puisse commencer. Notre mission numéro un, c’est (l’élimination) des mines et explosifs. Le peu de moyens et d’expérience des équipes du génie militaire ralentit le nettoyage de la ville qui, seul, pourra permettre aux habitants de rentrer chez eux inspecter leurs maisons ».

Plusieurs obstacles

La reprise de Syrte met en lumière les divi­sions politiques qui existent toujours en Libye et qui entravent les tentatives de règlement. En effet, Syrte, ville côtière située à 450 km à l’est de Tripoli et ancien fief de l’EI en Libye, a été reprise par des forces pro-GNA, le gouverne­ment reconnu par la communauté internationale. Or, la légitimité de ce gouvernement est disputée par une autre autorité basée dans l’est du pays.

La victoire contre l’EI est donc certainement un pas important, mais ce n’est pas pour autant un pas vers un règlement de la crise libyenne. « C’est une crise enchevêtrée. Ce pays ren­ferme un nombre important de tribus et de milices armées, certaines d’entre elles se sont alliées, mais en fin de compte, chaque tribu et chaque milice veut prendre une part à la vie politique. Chaque partie veut sa part du gâteau, elles réclament un partage du pouvoir et des richesses. Et c’est très difficile de satis­faire leurs voeux. Toutefois, il est primordial de répondre à certaines de leurs revendications pour mettre fin au chaos en Libye », explique Dr Ayman Chabana.

En effet, la réconciliation entre les Libyens reste le principal obstacle au retour de la paix. Or, pour l’heure, la Libye reste déchirée entre le GNA de Fayez Al-Sarraj, et les forces dissi­dentes de l’Est. Cette division constitue tou­jours le grand obstacle qui entrave le règle­ment de la crise libyenne. Profitant des com­bats qui déroulaient à Syrte, une offensive aurait été lancée par un ensemble de milices liées à la Brigade de défense de Benghazi, et qui auraient été rejointes par des tribus de l’Est. Ces groupes armés tentent de reconqué­rir des installations du croissant pétrolier libyen, passé sous contrôle des autorités basées dans l’Est du pays. Selon les déclarations de sources militaires, les forces de l’auto-procla­mée Armée Nationale Libyenne (ANL) du maréchal Khalifa Haftar, liées au gouverne­ment parallèle basé dans l’Est et qui conteste l’autorité du gouvernement d’union nationale (GNA) basé à Tripoli, les troupes de l’ANL s’étaient emparées en septembre des quatre principaux sites pétroliers du nord-est du pays : Zoueitina, Brega, Ras Lanouf et Al-Sedra, qui assuraient l’essentiel des expor­tations libyennes d’or noir et qui étaient jusqu’alors contrôlés par des contingents favo­rables au GNA. « La Libye fait face à trois obstacles à la fois : le conflit entre les deux autorités qui se disputent le pouvoir, le par­tage des revenus de pétrole, l’avenir de Khalifa Haftar. Ce sont les principaux points d’achop­pement qui entravent la paix dans ce pays. Et sans leur règlement, aucune issue n’est pos­sible », conclut Dr Ayman Chabana.

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