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Zeid Al-Zari : La seule solution, c’est que toutes les parties fassent des compromis

Osman Fekri, Mardi, 13 décembre 2016

Le politicien yéménite Zeid Al-Zari, président du Forum de réconciliation nationale, parle des possibilités de règlement qui, selon lui, passent avant tout par la fin de la politique d’exclusion.

Le politicien yéménite Zeid Al-Zari
Le politicien yéménite Zeid Al-Zari

Al-ahram Hebdo : Comment évaluez-vous la situation sur le terrain au Yémen, que ce soit dans le sud où se trouve le président Abd-Rabbo Mansour Hadi, ou dans le nord contrôlé par les Houthis et les partisans de l’ex-président, Ali Abdallah Saleh ?

Zeid Al-Zari : La situation au Yémen est très compliquée. Le processus politique n’avance pas, et au niveau militaire, aucune des parties belligérantes n’est en mesure de trancher les combats sur le terrain. C’est une guerre d’usure. J’appelle toutes les parties impliquées, à l’intérieur du Yémen et à l’étranger, de chercher sérieusement une solution politique. Aucune action militaire ne saura mettre un terme à la crise, la guerre ne fera qu’aggraver les rancunes et l’hostilité.

— Et que pensez-vous de l’initiative du Golfe ?

— Il y a eu deux rounds de négociations à Genève sans résultat concret. Des pourparlers directs ont eu lieu entre les Houthis d’Ansar Allah et l’Arabie saoudite, qui ont préparé le terrain pour des négociations au Koweït. Celles-ci ont aidé à calmer la situation sur la frontière entre le Yémen et l’Arabie saoudite, mais le conflit perdure sur d’autres fronts et les avions de la coalition continuent à bombarder plusieurs sites. Ce qui revient à dire que la solution politique n’a pas encore mûri.

— Existe-t-il une possibilité concrète d’appliquer la résolution onusienne 2216 ?

— La résolution 2216 ne résoudra pas la crise, la seule solution c’est que toutes les parties fassent des compromis, que les Yéménites s’accordent à mettre fin à la guerre. Et ce qui se passe au Yémen entre dans le cadre d’accords mondiaux pour un réajustement, une restructuration stratégique de la région.

— Et comment rassurer l’Arabie saoudite qui craint l’expansion de l’influence de l’Iran dans la région, notamment après l’accord sur le nucléaire que ce pays a conclu avec les Etats-Unis ?

— L’Arabie saoudite avait comme objectif d’affaiblir les Houthis, précisément le mouvement Ansar Allah, et je crois que les Saoudiens ont atteint cet objectif. Les Saoudiens cherchaient également à éloigner le spectre iranien, et là aussi ils ont réussi. Mais il y a d’autres aspects que nos frères dans le Golfe ignorent. En fait, cette situation de faiblesse, de pauvreté, de dislocation et de souffrance où se trouvent les Yéménites peut retourner contre les pays du Golfe. Il faut donc commencer à réparer les dégâts matériels et psychologiques que cette guerre a laissés.

— Peut-on tenir l’Arabie saoudite et des parties étrangères pour responsables de ces dégâts ?

— Je refuse catégoriquement de jeter la responsabilité de ce qui se passe au Yémen sur des facteurs étrangers. Après la démission de l’ex-président, Ali Abdallah Saleh, dans la foulée des révoltes de 2011, ses adversaires historiques ont exploité le mécontentement des jeunes pour faire passer leurs projets hostiles au président démissionnaire et à l’Iran avec l’aide de puissances régionales et internationales. C’est la logique tribale et la vision étroite de nos élites politiques qui ont ouvert la porte aux complots étrangers.

— Quelle serait d’après vous l’issue ? Comment mettre un terme à cette guerre par procuration qui se déroule au Yémen ?

— La seule solution c’est d’en finir avec la politique d’exclusion et d’accepter le partenariat et la coopération comme modes de gouvernance. Notre problème c’est la culture d’exclusion et de monopole qui nous entraîne dans le tourbillon des conflits. Lors des premiers jours de l’offensive militaire, d’aucuns voulaient anéantir les Houthis. Or, les Houthis sont toujours présents. De même qu’en 2011, certains opposants cherchaient à en finir avec Ali Abdallah Saleh, malgré sa popularité et sa légitimité, et malgré sa démission. C’est toujours cette culture d’exclusion.

— Les négociations au Koweït participent-elles à la solution ? Etes-vous pour leur poursuite ?

— Les négociations de Koweït sont importantes et j’espère qu’elles reprendront. Le peuple yéménite compte beaucoup sur ces négociations pour aboutir à des résultats positifs vers la paix. Parce que l’échec des négociations n’aura d’autres conséquences que la poursuite des conflits non seulement au Yémen, mais aussi dans les pays voisins. J’appelle tout le monde à faire du Yémen un terrain de rencontre entre l’Iran et l’Arabie saoudite sur la base des intérêts communs et légitimes. Nous ne voulons pas de guerre, parce que personne n’en sortira gagnant. Nous insistons sur les relations spéciales qui lient les peuples yéménite et saoudien. A mon avis, une entente entre l’Arabie saoudite et l’Iran est susceptible de mettre fin aux conflits dans la région. Mais cela ne donne à personne le droit de nous gouverner depuis Téhéran ou Riyad.

— Vous insistez donc sur la solution politique comme seule issue …

— Oui, la solution c’est d’abord une réconciliation nationale. Si nous restons prisonniers de la haine, le sang continuera à couler. Les pays de la coalition doivent réaliser qu’une victoire militaire n’est pas possible. La salle de condoléances touchée par un missile a beaucoup endommagé la coalition au niveau moral. De telles bavures alimenteront la haine et le cycle de violence et de représailles, il faut éviter tout cela et avancer vers une solution politique qui commence par une réconciliation locale au niveau de chaque région du pays, sinon, le Yémen deviendra un bourbier pour les parties belligérantes. Dans le Forum de réconciliation nationale, nous insistons sur un point : faire la guerre contre la guerre.

Il ne faut pas oublier que la région dans sa totalité est la cible d’un complot, ce complot a été déjoué après ce qui est arrivé en Egypte en 2013, mais il est toujours de mise. L’Arabie saoudite, consciente de ce complot, s’est alignée à l’Egypte lors de la révolution du 30 juin 2013, et c’est pourquoi elle est devenue elle-même une cible, en étant attaquée à travers son enlisement au Yémen.

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