Contrairement à toutes les prévisions, les islamistes, à la tête du gouvernement depuis 2011, ont remporté les élections législatives marocaines de vendredi dernier. Les analystes avaient pourtant prévu qu’ils viendraient à la deuxième ou à la troisième place, aussi bien en raison de la situation interne que de la conjoncture régionale aujourd’hui très hostile aux islamistes, contrairement au contexte de 2011, lorsque le Parti Justice et Développement (PJD) avait remporté sa première victoire.
Or, cette fois-ci, les enjeux étaient différents. D’ailleurs, la participation a été seulement de 43 %, illustrant le désintérêt de nombreux Marocains, notamment les jeunes, pour les urnes. Les analystes expliquent cette faible participation par plusieurs raisons. « Comme dans la majorité des pays de la région, les jeunes ont perdu leur enthousiasme, leur croyance en un vrai changement politique, économique et social. En s’abstenant, ils protestent à leur façon, se sentant négligés par la classe politique, et en l’absence de perspectives d’avenir. Une objection silencieuse, mais qui exprime leur colère et leur pessimisme, et surtout dont profitent les partis politiques, notamment le parti islamiste qui, lui, parvient à mobiliser ses partisans pour réaliser ses objectifs », explique un analyste ayant requis l’anonymat.
Avec une bonne avancée, le Parti Justice et Développement (PJD) du premier ministre Abdelilah Benkirane a donc obtenu 125 députés, contre 102 à son principal rival, le Parti Authenticité et Modernité (PAM, libéraux) sur un total de 395 sièges. Selon la Constitution, le roi nomme le premier ministre au sein du parti arrivé en tête des élections. Ce qui signifie logiquement que le premier ministre Benkirane devrait être reconduit à son poste. L’Istiqlal, le parti historique de la lutte pour l’indépendance, puis le Rassemblement National des Indépendants (RNI), arrivent en troisième et quatrième position avec respectivement 45 et 37 députés. Huit autres partis se partagent le reste des sièges, dont la Fédération de la Gauche Démocratique (FGD), qui obtient deux députés. Le PJD est encore en progrès par rapport à 2011 (107 sièges). De même pour le PAM qui, s’il arrive en seconde position du scrutin, fait plus que doubler le nombre de ses députés (47 en 2011). A elles seules, les deux formations raflent 227 sièges, soit près de 60 % de la Chambre basse du parlement, et consacrent la « bipolarisation » de la scène politique, l’un des thèmes phare de l’avant-scrutin.
Or, le PAM et le PJD ont d’ores et déjà exclu toute alliance commune dans un futur gouvernement. Le PJD devra donc nouer plusieurs alliances pour former le prochain gouvernement. C’est déjà le cas pour sa majorité sortante qui compte des communistes, des libéraux et des conservateurs.
Avec un bilan en demi-teinte, ce parti organisé comme à la caserne, accusé par ses détracteurs de dissimuler un agenda islamiste dur, s’est bien gardé jusqu’à présent de légiférer sur les moeurs, et a cantonné son action dans la sphère économique et sociale, sur un mode plutôt libéral et dans un contexte difficile. Le PJD est aujourd’hui la seule formation islamiste encore à la tête d’un gouvernement dans le monde arabe.
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