Selon de Mistura, si l'offensive actuelle se poursuit, Alep sera totalement détruite d'ici janvier.
(Photo:AP)
Zéro partout. C’est le résultat de la réunion du Conseil de sécurité de l’Onu tenue samedi dernier en urgence pour tenter d’imposer un cessez-le-feu en Syrie. En effet, ni la proposition de résolution française, ni celle russe, n’ont pu passer. Ce nouvel échec diplomatique, qui intervient alors qu’aucun répit n’a lieu à Alep, toujours sous le feu des bombes, est le signe flagrant du bras de fer entre l’Occident et Moscou au sujet de la Syrie. Comme au bon vieux temps de la guerre froide, la Russie a, comme elle l’avait annoncé, mis son veto samedi dernier au texte présenté par la France qui appelait à une cessation immédiate des bombardements à Alep. La proposition française a recueilli l’adhésion de 11 des 15 pays membres du Conseil de sécurité. Mais peu importe les quatre ayant voté contre, puisque c’est le veto russe qui compte. D’ailleurs, c’est la cinquième fois que la Russie utilise son droit de veto à l’Onu dans le conflit syrien.
La position russe n’était pas une surprise. Avant le vote, Russes et Occidentaux étaient déjà à couteaux tirés et des déclarations acerbes étaient lancées çà et là : le président français, François Hollande estimant qu’un pays qui opposerait son veto à la, résolution française « serait discrédité aux yeux du monde », son ministre français des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, dénonçant « les crimes de guerre » perpétrés par le « régime syrien et ses soutiens », son homologue américain, John Kerry, allant plus loin en réclamant « une enquête adéquate pour crimes de guerre ».
Dans ce contexte, il était aussi prévisible que la proposition de résolution russe ne soit pas non plus adoptée. Ce texte appelait lui aussi à « une cessation des hostilités, notamment à Alep », mais pas à un arrêt des bombardements. Neuf pays, dont la France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis, l’ont rejeté. L’ambassadeur russe Vitali Tchourkine a, lui, défendu son texte plus général en soulignant qu’il fallait dans le conflit avancer « de façon parallèle et sans condition préalable » — une allusion à la demande de cessation des bombardements. Face à ce nouveau dialogue de sourds, M. Tchourkine a voulu dédramatiser. « Est-ce la fin de la diplomatie ? Non, c’est juste la fin d’une réunion très étrange du Conseil de sécurité », a-t-il déclaré à l’issue de la séance.
Affrontement Est-Ouest
Mais la situation actuelle dépasse de loin une simple « réunion étrange ». L’on assiste en effet à un nouvel affrontement Est-Ouest qui prend pour terrain la Syrie. En effet, la question semble désormais dépasser le stade de désaccords au sujet du règlement de la crise syrienne. Lors du deuxième débat présidentiel qui l’a opposée dimanche dernier au candidat républicain à la Maison Blanche, Donald Trump, la démocrate Hillary Clinton a accusé Moscou d’essayer d’influencer les élections américaines de novembre en faveur de son rival. « Jamais dans l’histoire de notre pays nous nous sommes retrouvés dans une situation où un adversaire, un pouvoir étranger, fait tant d’efforts pour influencer le résultat de cette élection », a-t-elle dit. Deux jours auparavant, Washington avait ouvertement accusé Moscou d’essayer d’interférer, grâce à des piratages informatiques, dans le processus électoral américain. Un nouveau développement spectaculaire dans l’escalade des tensions entre les deux pays.
Et comme au bon vieux temps de la guerre froide également, les alliés de Washington suivent ses traces : le président français s’est dit se poser « encore la question » de recevoir Vladimir Poutine, étant donné « les crimes de guerre » à Alep, le président russe étant attendu le 19 octobre à Paris notamment pour prendre part à l’inauguration du Centre spirituel russe.
Alep sous les feux
Pendant ce temps, alors que les puissances mondiales se déchirent, la situation à Alep — principal enjeu du conflit syrien, qui a fait plus de 300 000 morts depuis 2011 et provoqué la pire tragédie humanitaire depuis la Seconde Guerre mondiale —, est de plus en plus alarmante. Les raids et les combats s’y poursuivent sans répit. Les raids ont permis aux troupes pro-régime de prendre le contrôle de Jandoul, un carrefour-clé dans le nord de la ville, selon l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme (OSDH) et le quotidien Al-Watan proche du pouvoir. D’après le journal, cette avancée permet à l’armée de se positionner « à quelques mètres de plusieurs quartiers » rebelles dans le nord-est d’Alep, Hellok, Inzarat et Aïn Al-Tall étant désormais à découvert face à l’artillerie du régime. Selon l’OSDH, 290 personnes — des civils pour la plupart —, dont 57 enfants, ont été tuées à Alep par des tirs d’artillerie et surtout des raids aériens du régime et de Moscou depuis le lancement de l’offensive le 22 septembre. Les insurgés répliquent aux bombardements en tirant sur les secteurs progouvernementaux des roquettes qui ont tué 50 civils, dont 9 enfants depuis le début de l’offensive, selon l’OSDH. Mais c’est surtout dans la partie Est d’Alep que la situation est la plus critique. Celle-ci a été ravagée par des bombardements d’une extrême violence, qui ont tué des centaines de personnes et détruit des infrastructures civiles, au point que l’envoyé spécial de l’Onu pour la Syrie, Staffan de Mistura, a averti que si l’offensive actuelle se poursuivait, Alep-Est serait totalement détruite d’ici janvier .
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