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Ahmed ben Dagher: Ce qui sortira du dialogue national c’est un Etat fédéral composé de six régions

Ahmad Eleiba, Mardi, 23 août 2016

Le premier ministre yéménite, Ahmed ben Dagher, a été reçu au Caire la semaine dernière alors qu’au Yémen, les combats ont repris de plus belle après l’échec des négociations avec les rebelles houthis. Il a répondu aux questions d’Al-Ahram Hebdo.

Ahmed ben Dagher
Al-Ahram Hebdo : L’émissaire de l’Onu, Ismaïl Ould Cheikh Ahmed, poursuit ses efforts de médiation sur le conflit au Yémen, en Oman ainsi qu’auprès de la Ligue arabe et de certaines parties arabes. D’aucuns estiment pourtant que celui-ci a épuisé ses chances et qu’il n’a plus rien à offrir …
Ahmed ben Dagher : Le Yémen est catégorique dans son soutien aux efforts de l’émissaire onusien. Nous tenons au rôle des Nations-Unies au Yémen, c’est un rôle vital et important dans la phase actuelle, tout comme celui d’Ismaïl Ould Cheikh Ahmed qui continue à s’investir malgré l’outrecuidance des Houthis.
— Et qu’en est-il de l’avenir des négociations ?
— Nous sommes absolument favorables à la relance des négociations et nous ferons tout ce qui peut aider à rétablir la paix et la stabilité. Cela dit, la République et l’unité du pays sont des lignes rouges à ne pas dépasser. Je ne sais pas si les nouvelles négociations auront toujours lieu au Koweït, mais je peux vous assurer qu’il y aura du nouveau concernant leur style et leur teneur.
— Vous avez récemment évoqué des changements sur la scène yéménite. Sur quoi vous basez-vous pour les prévoir ?
— Je me base d’abord sur le résultat des combats qui se déroulent actuellement, ensuite sur le processus politique. On s’attend à des positions positives de la part de la communauté internationale et du Conseil de sécurité après avoir fait toutes les concessions qui nous ont été demandées, contrairement à l’obstination insensée des Houthis.
— Comptez-vous sur une victoire militaire décisive ?
— Oui, et je vous assure que nous serons bientôt à Sanaa.
— Quand ?
— Je ne peux pas le dire au jour près, la guerre se gagne par points. Nous progressons sur le terrain, et notre artillerie se fait entendre à Sanaa.
— Pour ce qui est des opérations sur le terrain, il paraît que la guerre est menée sur deux fronts : contre Al-Qaëda et contre les Houthis …
— Nous avons deux gros problèmes, d’un côté, il y a une rébellion contre la légitimité qui cherche à détruire la République, et d’un autre, il y a les terroristes de Daech et d’Al-Qaëda. Le gouvernement légitime affronte les deux, il combat les Houthis avec un soutien arabe et le terrorisme avec un soutien international. En fait, la communauté internationale s’intéresse beaucoup plus à la guerre antiterroriste, quant à celle contre les Houthis, elle est considérée comme un conflit local. Pour nous, le conflit contre les Houthis est un conflit entre un vieux projet qui cherche à se réclamer d’un droit divin ou historique pour rétablir l’imamat zaydites et un projet moderne qui aspire à la liberté et au développement, et qui croit au destin commun de la nation arabe.
— Certains Yéménites parlent d’une relation entre les Houthis et Al-Qaëda, et ce, malgré d’importantes différences idéologiques …
— Les Houthis n’acceptent pas la République, et sûrement pas l’unité du Yémen qui ne s’est réalisée que sous la République. Ils cherchent donc la destruction de l’Etat, et c’est autour de cet objectif qu’ils se rencontrent avec les terroristes d’Al-Qaëda et de Daech.
— Mais certaines parties internationales semblent enclines à soutenir les Houthis et leur alliance avec l’ex-président Ali Abdallah Saleh. La position de la Russie notamment semble controversée d’après certains observateurs. Cela vous inquiète-t-il ?
— Nous aurions pu nous inquiéter si nous avions été dans une position politique ou militaire faible. Quant à la Russie, elle finira par respecter la volonté du peuple yéménite. Les Russes ont des intérêts dans la région, on le comprend, mais nous refusons que ces intérêts soient réalisés aux dépens du peuple yéménite.
— Une délégation houthie a été récemment reçue à Abu-Dhabi avec le fils de l’ex-président Ali Abdallah Saleh. S’agit-il d’un rapprochement des pays du Golfe avec cette alliance des Houthis avec Saleh ?
— Nous n’accordons pas beaucoup d’importance à cette visite. Saleh ne peut plus rien décider, pas plus que son fils ; ceux qui gouvernent le Yémen aujourd’hui sont les Houthis.
— Pourtant, vous avez tenu des réunions avec des dirigeants du Congrès populaire général de Saleh …
— Je me suis réuni avec la plupart des dirigeants du Congrès populaire, ces réunions ont eu lieu ici au Caire. Tout le monde est d’accord sur une chose : à savoir que l’ancien président Saleh est au mauvais endroit et qu’il ne peut plus assurer le leadership du Congrès puisqu’il est rejeté par les deux tiers du peuple. En plus, Saleh a tendu la main au projet dynastique et tribal parrainé par l’Iran, ce qui lui retire le droit de diriger le Congrès. Il a renié l’unité du Yémen dont il a participé à la construction, tout ceci fait que les dirigeants du Congrès le rejettent.
— La République et l’unité sont deux termes récurrents dans le discours officiel yéménite, même si beaucoup de membres de la mouvance sudiste pensent que ladite unité est menacée …
— La question de l’unité est un peu épineuse, c’est l’expérience de tout un peuple, c’est toute une histoire qui a vu naître des objectifs, des lois et des constitutions ... Lors de la conférence du dialogue national en 2014, nous avons abordé la question de l’unité en partant du principe que nous sommes un seul et même peuple, qui vit sur une même terre. Contrairement à ce que pensent certains, le « Sud » ne représente pas une identité. Cela dit, les injustices contre des sudistes devront être réparées. Tous ceux qui ont participé à la conférence du dialogue national ont convenu de l’importance de préserver l’unité, mais aussi de la nécessité de reformuler celle-ci. Je suis convaincu que l’unité réalisée en 1990 n’existe plus aujourd’hui. Ce qui sortira du dialogue national c’est un Etat fédéral composé de six régions.
— Votre déplacement au Caire a été suivi avec beaucoup d’intérêt de la part de la présidence et du gouvernement égyptiens. Avez-vous formulé des demandes d’ordre militaire au cours de votre visite ?
— L’Egypte fait partie de la coalition arabe qui combat les rebelles houthis, et c’est à la direction de cette coalition de décider des questions militaires. Quant à ma visite au Caire, elle a abordé les mêmes thèmes habituels, mais de façon différente. Ce qui veut dire qu’aujourd’hui, on parle d’issue politique et on cherche des solutions politiques susceptibles de préserver les intérêts suprêmes du Yémen, des pays de la région et bien entendu de l’Egypte.
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