Les forces gouvernementales mènent une offensive pour détruire les djihadistes à Syrte.
(Photo:Reuters)
Soutenues par des raids aériens américains, les forces du Gouvernement libyen d’union nationale (GNA) ont annoncé dimanche 7 août le début du « compte à rebours » de la phase finale de l’opération lancée la semaine dernière et qui vise à donner l’assaut sur le bastion de l’organisation djihadiste Etat Islamique (EI) dans la ville de Syrte. Les forces du GNA, soutenues par les Nations-Unies, ont lancé le 12 mai une offensive pour reprendre la ville de Syrte, contrôlée par l’EI depuis plus d’un an. « Nos forces poursuivent leur progression et tentent de consolider leurs gains, sous le couvert des frappes continues de l’aviation américaine qui ont donné un élan à l’offensive pour reprendre Syrte », a déclaré Réda Issa, porte-parole des forces GNA. Les pro-GNA ont toutefois été ralentis par les mines disséminées par les djihadistes, qui ripostent aussi par des attentats suicide à la voiture piégée. Selon le communiqué de ces forces, « c’est le début du compte à rebours pour la dernière phase des opérations militaires contre Daech dans cette ville côtière située à 450 km à l’est de Tripoli ». En effet, les forces du GNA tentent d’atteindre le Centre de conférences « Ouagadougou », le complexe où les djihadistes ont établi leur centre de commandement et sont aujourd’hui pris en étau. Pour les soutenir, les Etats-Unis mènent depuis le premier août des frappes aériennes contre des cibles djihadistes à Syrte à la demande du GNA. Pour faciliter sa prise, le gouvernement italien s’est dit prêt à ouvrir ses bases militaires et son espace aérien aux bombardiers américains.
Mais, comme d’habitude, ces frappes ont causé de profondes divisions sur la scène politique libyenne. Les principales forces de l’Est du pays, opposées au GNA, ont vivement critiqué les frappes américaines, y voyant une manoeuvre politique. Essayant de justifier leur demande, le général Mohamad Al-Ghasri, porte-parole du GNA, a expliqué que « les frappes américaines, avec leur degré de précision, vont aider à anéantir des cibles entre les maisons qui sont difficiles à atteindre par nos hommes. Les armes efficaces et précises aideront sans doute à remporter la bataille. Nous avons fait appel au soutien (américain) pour limiter les pertes ». Les forces pro-GNA tentent de reprendre la totalité de la ville de Syrte dans laquelle elles sont entrées le 9 juin et où elles assiègent, depuis, les djihadistes. Elles sont ralenties par la forte résistance de l’EI qui mène des contre-attaques, notamment en perpétrant des attentats suicide.
Défendant son gouvernement, le chef du GNA, Fayez Al-Sarraj, a affirmé cependant que « ces frappes interviennent dans un cadre limité dans le temps et elles ne dépasseront pas Syrte et sa banlieue ». Partageant le même avis, le chef du GNA, Fayez Al-Sarraj, a déclaré : « Nous avons demandé l’appui de la communauté internationale, notamment celui des Etats-Unis, mais nous souhaitons affirmer qu’il n’y aura aucune présence étrangère sur le sol libyen. Toute aide doit être effectuée à la demande directe du GNA ». En effet, les raids américains ont été effectués au terme de négociations et d’un accord écrit entre le GNA et les Etats-Unis portant sur des détails techniques et des conditions précises, parmi lesquels l’annonce simultanée des frappes par Tripoli et Washington. En outre, le GNA aurait insisté sur la nécessité d’être informé préalablement des raids et des données GPS des cibles pour la sécurité des forces pro-GNA sur le terrain.
Un responsable de la Maison Blanche a en outre déclaré qu’« aucun soldat américain ne participera aux opérations terrestres du GNA et l’aide des Etats-Unis au pouvoir libyen dans sa lutte contre l’EI se limitera aux frappes et au partage de renseignements ». Faisant allusion à un récent différend avec Paris, le chef du gouvernement a par ailleurs souligné qu’aucune action ne sera tolérée au profit d’une partie non légitime, même si elle intervient dans le cadre de la lutte antiterroriste. Fin juillet, le GNA avait accusé la France de violation de son territoire, après l’annonce par Paris de la mort de trois de ses militaires qui menaient une mission de renseignement auprès des forces conduites par le général Khalifa Haftar qui soutient une autorité non reconnue par la communauté internationale.
Divergences
Signe des divisions persistantes et de luttes de pouvoir, le parlement, installé dans l’Est et qui n’a pas voté la confiance au GNA, a jugé que les frappes américaines étaient des violations de l’espace aérien libyen. Et en première réaction, les forces du général Khalifa Haftar, qui soutient le parlement, ont dénoncé les raids américains. La plus haute autorité religieuse du pays, la controversée Dar Al-Iftaa, qui ne reconnaît pas l’autorité du GNA, avait affirmé, elle aussi, son rejet des frappes américaines, estimant que cet appui militaire n’était qu’une tentative de voler la vedette aux forces libyennes. « L’acceptation ou non des frappes aériennes dépend des intérêts de chacun. Autrement dit, chaque camp cherche ses intérêts. Les forces du GNA veulent détruire les djihadistes et Daech, et après avoir contrôlé le pays, elles se débarrasseront de leurs rivaux, l’autre parlement et les forces de Haftar. Par ailleurs, ces dernières profitent de la présence de Daech, et ne veulent pas le détruire », explique Dr Ayman Chabana, professeur à la faculté d’économie et de sciences politiques à l’Université du Caire. Et d’ajouter : « La présence des djihadistes leur donne un certain soutien, une certaine légitimité. Si on détruit Daech, les forces de Haftar et l’autre parlement seront obligés de s’intégrer aux forces reconnues par la communauté internationale. Et bien sûr, ils refusent cette intégration. En plus, les forces de Haftar souhaitent avoir le mérite de détruire Daech pour prendre plus de puissance et des privilèges. Devant la communauté internationale, celui qui détruire Daech dominera le pays ».
La bataille de Syrte est d’autant plus importante que cette ville est considérée comme l’un des principaux bastions de l’EI en dehors de la Syrie et de l’Iraq. Il y aurait entre 2 000 et 5 000 combattants de l’EI dans différentes villes de Libye, selon un rapport présenté le mois dernier par le secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon, au Conseil de sécurité. Depuis la chute du régime de Muammar Kadhafi en 2011, la Libye est livrée aux milices armées et minée par des luttes de pouvoir et des violences qui ont favorisé la montée en puissance des djihadistes de l’EI. Deux gouvernements se disputent le pouvoir, le GNA basé à Tripoli et reconnu par la communauté internationale et un cabinet parallèle installé dans l’Est.
Lien court: