La capitale mauritanienne, Nouakchott, change de visage dans l’attente d’accueillir, pour la première fois de son histoire, un sommet arabe, le 25 juillet prochain. Toute la ville s’est transformée en un atelier, pour finaliser les préparatifs une semaine avant le coup d’envoi du sommet. Les grandes artères, jusqu’à 40 km, menant à la capitale font l’objet des travaux d’embellissement et d’agrandissement. Un nouvel aéroport international «
Oumtounsy » avec un salon d’honneur présidentiel et une capacité de 2 millions de voyageurs par an, bien plus que l’ancien, a ouvert ses portes fin juin. Selon le plan sécuritaire du gouvernement mauritanien, la capitale Nouakchott va être déclarée une zone militaire sous l’autorité de l’armée durant tout le sommet.
En fait, Il fallait attendre plus d’une trentaine de sommets arabes ordinaires et exceptionnels, pour que la Mauritanie, le seul pays arabe qui n’a jamais accueilli sur ses territoires un tel événement, prenne finalement son tour. Tout a commencé quand le Maroc a renoncé, en février dernier, à accueillir le sommet qu’il devait initialement abriter en mars 2016. Les raisons avancées par Rabat étaient que « les divergences actuelles entre les membres de la Ligue arabe n’étaient pas propices à la tenue d’un tel sommet ». « Le sommet arabe ne peut être une fin en soi ou devenir une simple réunion de circonstance ». Suite à ce désistement, selon la liste des pays hôtes par ordre alphabétique de la Ligue arabe, la Mauritanie devait prendre la place du Maroc. Nouakchott, après une courte durée de silence officielle, s’est dit alors prête d’accueillir le sommet en demandant de le reporter pour 4 mois (juillet au lieu de mars), afin de se préparer. Le président mauritanien, Mohamed Ould Abdel-Aziz, avait même déclaré avec une détermination que « la Mauritanie entend jouer sa partition sur la scène diplomatique arabe et qu’elle organisera ce sommet même sous la tente ». Toutefois, cette démarche a été vue par plusieurs observateurs comme très audacieuse en raison de la faiblesse des moyens logistiques nécessaires pour accueillir ce sommet en Mauritanie. Des rumeurs circulaient même que des délégations arabes vont réserver des hôtels à Dakar, capitale du Sénégal, se trouvant à moins d’une heure de vol de Nouakchott ou d’Agadir ou de Casablanca.
Selon Sameh Rached, expert des affaires arabes au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, en acceptant d’accueillir ce sommet, le premier défi de la Mauritanie est que sa capitale ne disposait pas d’une capacité d’accueil convenable et adéquate, que ce soit dans le domaine des infrastructures hôtelières ou routières. « Nouakchott affronte également un défi de taille concernant son manque d’expérience en matière d’organisation, puisque c’est la première fois que ce pays accueille un événement d’une telle ampleur », dit Rached. Et d’ajouter : « C’est aussi la première fois dans l’histoire des sommets arabes que la Ligue arabe multiplie l’envoi des délégations en destination d’un pays hôte pour évaluer les préparatifs comme elle l’avait fait au cours des mois précédents pour la Mauritanie, comme signe d’inquiétude ».
En fait, le gouvernement et le Parlement mauritaniens ont désigné une commission spéciale pour chapeauter le travail. De gros moyens ont été déployés en vue de changer le visage urbain de la capitale. Le projet étant exécuté par deux sociétés nationales mauritaniennes. Résultat : Le secrétaire général adjoint de la Ligue arabe, M. Ahmed Ben Helli, vient de déclarer : « La Mauritanie a pu, en une période record de 3 mois et dans des conditions difficiles, se préparer pour accueillir le sommet arabe à Nouakchott le 25 juillet prochain ».
Sortir de l’isolement
Pour Khaled Hanafi, expert au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, le succès du sommet au moins sur le niveau organisationnel marquera une avancée pour la diplomatie mauritanienne qui est récemment devenue très active dans la sphère arabe, alors que pendant longtemps, elle s’était enfermée dans la région du Maghreb et ce, en raison des défis communs qu’affrontent les pays du Maghreb depuis les années 1990, notamment avec la menace terroriste. « Accepter d’accueillir ce sommet en cette période critique suite au non du Maroc va contribuer à changer positivement l’image de ce pays chez l’opinion publique arabe. La Mauritanie passe pour un pays isolé, loin des interactions arabes. Aujourd’hui, il se trouve projeté dans le coeur de l’action arabe d’une façon spectaculaire en accueillant ce sommet », dit Hanafi.
Un avis partagé par Amira Abdel-Halim, experte des affaires africaines au CEPS. Selon elle, « la Mauritanie cherche d’une part une chance d’intégration dans la région arabe. De même, pour ce pays, c’est une occasion qui pourrait ouvrir la voie à l’augmentation des investissements arabes, en particulier ceux provenant des pays du Golfe ». Rached explique que l’ouverture de la Mauritanie à la région arabe, notamment envers les pays du Golfe, l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis en tête, a débuté en 2011, le pays cherchant alors un support financier, notamment après la chute du régime libyen de Kadhafi, qui était un sponsor des pays de l’Afrique de l’Ouest.
Certes, l’embellissement de la capitale à travers les nouveaux projets d’infrastructure urbaine est un gain non négligeable pour le pays hôte et pour ses citoyens. Mais si la réussite de l’aspect organisationnel du sommet arabe est le grand pari pour la Mauritanie, le succès diplomatique, mesuré par le niveau de représentations des délégations, ne manque pas d’importance. Voire, c’est le véritable pari. Selon Hanafi, faire venir le maximum de rois, présidents et chefs de gouvernement est un autre défi pour Nouakchott qui va refléter un certain indice de confiance envers l’environnement politique et sécuritaire qui va consolider la légitimité régionale du régime d’Ould Abdel-Aziz, notamment face à l’opposition de l’intérieur mauritanien.
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