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Tunisie : L’agitation politique bat son plein

Maha Salem avec agences, Lundi, 20 juin 2016

Les concertations sur le gouvernement d’union nationale se poursuivent en Tunisie dans un climat politique tendu et des pressions accrues sur le premier ministre, appelé à la démission.

Tunisie : L’agitation politique bat son plein
Essebsi juge indispensable de terminer le dialogue sur le gouvernement d'union nationale avant le mois prochain. (Photo:AFP)

Les négociations acharnées actuellement en cours en Tunisie afin de former un nouveau gouvernement d’union nationale s’annoncent difficiles et surtout mouvementées. En effet, les déclarations de part et d’autre se contredisent : Khaled Chawket, porte-parole du gouvernement, a été encore une fois contredit par son propre gouvernement. Ce dernier avait déclaré mercredi 15 juin que le gouvernement poursuivrait son activité indiquant que Habib Essid ne présentera pas sa démission et que seule l’Assemblée des représentants du peuple doit évaluer le rendement. Vendredi 17 juin et selon l’agence TAP, le chef du gouvernement, Habib Essid a affirmé être disposé à démissionner dès la fin des concertations entre les divers partis et les forces nationales concernant la constitution d’un gouvernement d’union nationale.

Ces déclarations sont intervenues alors que la coordination des partis au pouvoir a décidé, jeudi dernier, lors d’une réunion, de retirer son appui politique au gouvernement Habib Essid, lui demandant de démissionner. Essid, qui s’est entretenu, vendredi, à la Kasbah, avec des dirigeants des partis de la coalition au pouvoir, a indiqué, toutefois, qu’il allait continuer à assumer toutes ses responsabilités pour éviter « tout éventuel vide et tout ce qui pourrait perturber la marche des institutions de l’Etat », jusqu’à la fin des concertations sur la formation d’un gouvernement d’union nationale.

D’ici là, les réunions et les rencontres entre les différentes forces politiques du pays se multiplient, le président tunisien, Béji Caïd Essebsi, ayant jugé indispensable de terminer le dialogue sur l’initiative présidentielle et d’en atteindre les objectifs avant le mois prochain. « Les concertations autour du gouvernement d’union nationale sont axées principalement sur les programmes et priorités de l’étape à venir ainsi que sur la structuration du gouvernement national et sa méthode de travail », a expliqué Moez Sinaoui, porte-parole de la présidence de la République. Conscient du danger de la situation, Essebsi a demandé aux partis et aux syndicats de présenter un plan de sauvetage socioéconomique, sans spécifier le rôle qu’ils tiendraient dans un futur gouvernement. Mais plusieurs formations de l’opposition attendent le deuxième tour des négociations pour préciser leurs conditions.

C’est donc une course contre la montre. Déjà, Caïd Essebsi a tenu une réunion mercredi dernier pour expliquer la nécessité de former un gouvernement d’union. Selon le communiqué présidentiel, il s’agit d’une contestation générale due à la dégradation de la situation politique, économique et sociale dans le pays. Le communiqué fait aussi remarquer que le dénouement de cette crise exige la conjugaison de tous les efforts. La réunion s’est déroulée en présence du secrétaire général de l’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), de la présidente de l’Union Tunisienne de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat (UTICA) et du président de l’Union Tunisienne de l’Agriculture et de la Pêche (UTAP). Des représentants du Mouvement Nidaa Tounès, du Mouvement Ennahda, de l’Union Patriotique Libre (UPL), du parti Afek Tounès, du Mouvement projet de la Tunisie, du parti Al-Moubadara, du Mouvement Echaâb et du parti Al-Massar y étaient également présents. D’après le même communiqué, une autre réunion aura lieu ce mercredi pour examiner les mécanismes de mise en oeuvre des priorités établies et définir le meilleur mode de restructuration du gouvernement d’union nationale.

Divergences
En fait, c’est sur fond de crise profonde avec des indicateurs économiques au rouge et un dinar en forte dévaluation que Béji Caïd Essebsi a lancé son initiative, accusant le gouvernement actuel d’être incapable de trouver une issue pour faire sortir le pays de cette crise. En ce sens, il approuve l’état d’urgence économique auquel les patrons appellent depuis près d’une année. L’idée de Béji Caïd Essebsi est que partis mais aussi centrales syndicale et patronale participent à cet exécutif de la dernière chance sans toutefois donner de contours et de perspectives à son projet.

Mais chaque camp possède une position différente. A titre d’exemple l’UGTT, qui exerce une forte pression sur le gouvernement en multipliant les revendications sociales, refuse toute charge ministérielle. « Le changement est inéluctable, nous participerons au débat mais pas au gouvernement », déclare Sami Tahri, porte-parole du syndicat. En outre, les formations politiques de moindre envergure sont divisées. Le Mouvement du projet de la Tunisie, composé de dissidents de Nidaa Tounès, a annoncé qu’il ne prendrait pas part à la formation d’un gouvernement où figurerait Ennahda. En revanche, Hamma Hammami, porte-parole du Front populaire, a affirmé que « la Tunisie ne peut sortir de sa crise qu’à la faveur de nouveaux choix et programmes nationaux, démocratiques et sociaux ». Partageant le même avis, Ahmed Nejib Chebbi, président du haut comité politique du Parti républicain (Al-Joumhouri), a estimé que « le pays a besoin d’un vrai capitaine à la Kasbah. Le pays ne peut davantage souffrir des gouvernements où l’appartenance partisane prime sur la compétence, et où le nombre des portefeuilles ministériels se compte à l’aune des ambitions personnelles et partisanes ». Beaucoup se rangent de son avis mais l’opposition est trop insignifiante pour impacter les décisions sur la Constitution de ce gouvernement. L’opposition est aussi divisée sur le nom du nouveau premier ministre, un point d’achoppement habituel. Toujours à son poste, Habib Essid, le chef du gouvernement tunisien, est parmi les candidats, bien que l’opposition critique son impuissance. Mais d’autres candidats sont aussi en lice. Le nom de Hédi Larbi, spécialiste du développement passé par la Banque mondiale et ancien ministre de l’Equipement, est régulièrement mentionné, tandis que des proches du bureau politique de Nidaa Tounès, le parti de BCE, se prononcent en faveur du fils du président, Hafedh Caïd Essebsi, au ministère de l’Intérieur. Mais ce dernier risque de causer beaucoup de protestations.

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