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Syrie : La guerre reprend le dessus

Inès Eissa avec agences, Mercredi, 08 juin 2016

Alors que Staffan de Mistura peine à convaincre les parties syriennes à reprendre les négociations de Genève, celles-ci ont décidément opté pour les solutions militaires.

En panne, le processus politique de Genève semble céder la place aux opérations militaires qui ne cessent de s’intensifier sur plusieurs fronts, que ce soit au nord à Alep ou à l’est à Raqa, fief de l’Etat Islamique (EI).

L’armée syrienne appuyée par l’allié russe est entrée samedi pour la première fois depuis deux ans dans la province de Raqa, où l’EI risque d’être pris en tenaille. L’organisation djihadiste fait désormais face à trois offensives en Syrie : deux opérations majeures à Raqa, où progressent également des forces soutenues par les Américains, et une autre dans la province voisine d’Alep.

Ces diverses offensives semblent illustrer la détermination des Russes et des Américains, parrains d’acteurs différents du conflit syrien, de concentrer leurs efforts sur la lutte contre l’EI, responsable d’exactions terribles en Syrie et en Iraq, ainsi que d’attentats meurtriers à travers le monde. Dans la province de Raqa, les troupes du régime sont « entrées pour la première fois dans la province de Raqa depuis août 2014 », lorsqu’elles en avaient été chassées par le groupe ultraradical, a affirmé à l’AFP Rami Abdel-Rahmane, directeur de l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme (OSDH). En ajoutant qu’il semble qu’il y ait une coordination non déclarée entre Washington et Moscou.

L’armée est soutenue par « les frappes des avions russes et des supplétifs syriens entraînés par Moscou » dans leur offensive lancée jeudi. Le premier objectif de l’armée est de capturer Tabqa, sur l’Euphrate, près de laquelle se trouvent une prison contrôlée par l’EI et un aéroport militaire. Cette ville capturée par l’EI en 2014 est située à une cinquantaine de km de celle de Raqa, capitale de facto du groupe.

L’armée et ses alliés sont entrés dans la province de Raqa à partir du sud-ouest et se trouvaient samedi à moins de 40 km de Tabqa. Cette offensive intervient une dizaine de jours après le lancement par la coalition arabo-kurde des Forces Démocratiques Syriennes (FDS) d’une offensive dans la province de Raqa. Ces combattants avancent aussi vers Tabqa, mais à partir du nord.

« L’absence de perspectives politiques dans le court terme a encouragé le régime syrien à intensifier ses attaques visant à affaiblir ses opposants, surtout l’Etat islamique, qui paraît plus que jamais dans le collimateur du régime appuyé par les Russes », dit un diplomate qui a requis l’anonymat.

En effet, en réponse à une question sur la coopération avec Washington, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, avait insisté vendredi sur « la priorité de mettre en oeuvre des mesures plus directes et efficaces dans le combat contre les terroristes », en référence aux djihadistes. La quasi-totalité de la province de Raqa est aux mains de l’EI, à l’exception des villes de Tall Abyad et d’Aïn Issa d’où l’organisation djihadiste a été chassée par les FDS. Dans la province voisine d’Alep, les FDS cherchent à s’emparer de la ville de Minbej, principale voie de ravitaillement entre Raqa, capitale de facto des djihadistes, et la Turquie. D’après l’OSDH, ces forces se sont emparées de 34 villages et fermes autour de cette ville depuis le début des opérations le 1er juin.

Toutes les tentatives de faire respecter durablement les trêves entre rebelles et régime ont échoué ces derniers mois, de même que les efforts d’un règlement politique du conflit qui a fait plus de 280 000 morts et poussé à la fuite des millions de personnes.

Face à l’intensification des combats, la communauté internationale compense son inaction sur le plan politique par des activités humanitaires qui ciblent les zones assiégées. Vendredi, l’Onu a annoncé avoir obtenu l’autorisation pour acheminer ce mois-ci de l’aide par voie terrestre à 12 zones assiégées en Syrie. Mais le régime a seulement accepté une livraison d’aide « limitée » dans trois zones assiégées, dont Daraya et Douma. Des diplomates ont rapporté que l’Onu allait demander dimanche l’accord du pouvoir à Damas pour pouvoir acheminer aussi de l’aide par largages aériens. Mais de précédentes autorisations accordées par le régime ne se sont jamais matérialisées sur le terrain.

C’est donc pour l’heure la seule contribution de la communauté internationale, en attendant qu’elle puisse relancer les efforts de paix. Une tâche difficile : « Les positions affichées par les différentes parties syriennes ont vraisemblablement rendu la tâche de Mistura très difficile. La reprise des négociations à Genève implique un minimum de consensus qui rapproche des parties concernées, et en l’état actuel des choses, ce minimum d’entente fait défaut », ajoute le diplomate. En estimant que Mistura serait toujours en train d’attendre un arrangement russo-américain qui peine à voir le jour.

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