Après Fallouja, le chemin sera ouvert vers Mossoul.
Une semaine après le lancement de l’offensive pour libérer la ville de Fallouja de l’emprise du groupe Etat islamique, a été entamée lundi dernier la phase la plus cruciale avec l’entrée des forces d’élite iraqiennes dans la ville située à seulement 50 km à l’ouest de Bagdad. « Les forces iraqiennes sont entrées dans Fallouja avec le soutien aérien de la coalition internationale et de l’armée de l’air iraqienne, ainsi que l’appui de l’artillerie et des chars », a indiqué le général Abdel-Wahab Al-Saadi, commandant de l’opération, en ajoutant qu’il y a une résistance de la part de Daech. La bataille s’annonce donc dure, mais il semble tout de même que l’étau se resserre autour de Daech en Iraq.
Le porte-parole du CTS (Contre-Terrorisme Service), Sabah Al-Noemane, a déclaré à l’AFP que les forces d’élite du CTS ont dirigé les assauts sur plusieurs villes d’Iraq reprises aux djihadistes ces deux dernières années. Leur implication marque une nouvelle phase dans l’offensive contre Fallouja, première ville à tomber aux mains de l’EI en janvier 2014 avant même la fulgurante offensive djihadiste lancée cinq mois plus tard. Celle-ci avait permis au groupe extrémiste de s’emparer de vastes régions d’Iraq, dont Mossoul, la deuxième ville du pays, toujours sous son contrôle. « Fallouja avait auparavant été une ville symbole sous l’occupation américaine. L’armée américaine avait eu énormément de mal en 2004 à déloger les insurgés et y avait livré les combats parmi les plus durs depuis la guerre du Vietnam. Au cours de cette offensive, les forces iraqiennes ont déjà repris des villages et secteurs autour du bastion djihadiste, et les forces kurdes iraqiennes ont lancé dimanche dernier avant l’aube une offensive à une trentaine de kilomètres à l’est de la cité, un assaut qui s’inscrit dans la série d’opérations destinées à augmenter la pression sur l’EI », selon un communiqué militaire kurde.
Une reprise de Fallouja représente, avec celle de Mossoul et de Raqqa en Syrie, le grand objectif de la coalition internationale antidjihadiste. Selon le géopoliticien Gérard Chaliand, auteur de « Pourquoi perd-on la guerre ? Un nouvel art occidental » (Odile Jacob), Fallouja est une ville moyenne. Ce sera facile, malgré la résistance. En revanche, prendre Mossoul sera une autre affaire. « Je ne vois pas comment cette ville de plus d'un million d’habitants à majorité sunnite peut être libérée par les chiites et les Kurdes. C’est un peu comme si on envoyait des Russes libérer Varsovie », Indique Chaliand, lors d’une interview publiée cette semaine dans le Nouvel observateur (France).
Pourtant, la libération de Fallouja est une étape essentielle pour celle de Mossoul, deuxième ville du pays, comme le dit le politologue Ahmad Youssef, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire. « On peut avoir des surprises, la stratégie de Daech change tout le temps, par exemple, à Ramadi, l’EI a laissé derrière lui explosifs et mines pour rendre plus difficile l’entrée des troupes iraqiennes dans la ville ».
De plus, le plus gros problème est, selon Youssef, « qu’en Iraq, l’Etat islamique a toujours voulu présenter la situation comme une guerre confessionnelle, et se présenter comme un front sunnite qui affronte les chiites ». Et c’est ce qui fait la puissance de Daech en Iraq. Il ne faut pas oublier, comme le dit Gérard Chaliand, que c’est un mouvement essentiellement iraqien. « Il vient d’Iraq, s’est organisé en Iraq et ses cadres sont essentiellement iraqiens. Ensuite, l’Iraq, c’est 6 millions de sunnites qui ont été brimés et discriminés par les chiites pendant dix ans, entre 2004 à 2014 ».
D’où la difficulté de la lutte contre l’Etat islamique en Iraq. Certes, par rapport à la Syrie, l’EI est en perte de vitesse en Iraq, mais les composantes de la situation iraqienne comprennent une autre complexité, celle de l’antagonisme chiite/sunnite. D’ailleurs, on ne cesse de répéter que la politique répressive envers les sunnites menée par l’ancien premier ministre iraqien, Nouri Al-Maliki, a largement contribué à l’expansion de l’Etat islamique, qui a trouvé une terre fertile auprès d’une partie de la population sunnite frustrée. La lutte contre Daech en Iraq passe aussi et surtout par une solution aux luttes confessionnelles.
Inquiétude pour les civils
Comme toujours, ce sont les civils qui sont pris au piège. A Fallouja, ville située à 60 kilomètres à l’ouest de Bagdad, près de 800 civils, selon l’Onu, ont réussi à fuir depuis le début de l’offensive pour reprendre ce bastion des djihadistes. Mais pour les quelque 50 000 personnes restantes, la situation empire. La nourriture se fait de plus en plus rare et les médicaments manquent. Ceci fait craindre de nouvelles vagues de déplacés avec l’intensification des combats. « Nos ressources dans les camps sont maintenant très limitées et (...) nous pourrions ne pas pouvoir fournir suffisamment d’eau potable pour tout le monde », a déclaré Nasr Muflahi, directeur du Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC) pour l’Iraq. De même, la région autonome du Kurdistan iraqien se prépare à un nouvel afflux de réfugiés. Les autorités kurdes ont ainsi annoncé se préparer à l’arrivée de 200 000 à 900 000 nouveaux déplacés. Selon les Nations-Unies, la reprise de Mossoul concernerait à terme 2 millions de personnes dont une majorité pourrait trouver refuge au Kurdistan iraqien.
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