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Au-delà d’un assassinat

Abir Taleb avec agences, Lundi, 16 mai 2016

La mort du commandant militaire en chef du Hezbollah, dans une explosion près de Damas, est un coup dur pour la direction du parti chiite libanais, allié du régime syrien. Elle reflète surtout la complexité et les débordements de la crise syrienne.

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Jusqu’à présent, aucun groupe rebelle ou djihadiste que le Hezbollah combat aux côtés du régime dans la guerre en Syrie n’a revendiqué l’attaque qui a causé la mort de Mostafa Badreddine, un respon­sable du Hezbollah, mort vendredi dans une attaque près de l’aéroport de Damas. Le Hezbollah a pourtant accusé samedi des islamistes extrémistes d’être derrière la mort de son commandant militaire en chef, son plus important responsable tué depuis l’assassinat, en février 2008 à Damas, de son prédécesseur Imad Moughniyé.

Il s’agit d’une rare mise en cause de ces groupes, qualifiés par le Hezbollah de « takfiris », c’est-à-dire les groupes djiha­distes ou islamistes radicaux sunnites impliqués dans la guerre en Syrie, dans l’assassinat d’un cadre aussi important. Le Hezbollah n’a cependant nommé aucun groupe en particulier alors que de nom­breuses formations armées sunnites extré­mistes sont présentes dans le pays en guerre. En fait, auparavant, le Hezbollah accusait Israël de ce genre d’assassinats. Ce qu’il a fait dans un premier temps : après avoir immédiatement mis l’assassi­nat sur le compte d’Israël, le Hezbollah a fait machine arrière, indiquant qu’il pour­suivait son « enquête » avant de mettre finalement en cause les groupes « takfi­ris ». Selon l’expert du Hezbollah, Waddah Charara, auteur de « L’Etat Hezbollah », cité par l’AFP, « le mouvement chiite est très gêné. Accuser Israël d’avoir mené une opération aérienne, c’est mettre en doute l’efficacité de la Russie à protéger l’es­pace aérien syrien ». En effet, s’il n’a pas attribué un tel acte à l’Etat hébreu, c’est sans doute pour ne pas souligner l’étrange absence de réaction de la Russie engagée dans la défense de la Syrie. Pour éviter également d’avoir à riposter sur le front sud, au Liban, alors que le front nord, en Syrie, accapare ses forces et son attention.

Quoi qu’il en soit, cet assassinat marque une fois de plus les débordements de la crise syrienne sur le Liban, notamment sur les tensions chiites/sunnites. Selon l’ex­pert du Hezbollah, Waddah Charara, cité par l’AFP, Badreddine a été responsable de la formation de milices chiites en Iraq, le lien direct avec l’Iran sur le plan mili­taire et le principal maillon liant le Hezbollah à l’affaire Hariri. L’expert estime que le nombre de combattants du parti chiite présents en Syrie aux côtés des forces du président Bachar Al-Assad varie entre 5 000 et 6 000. « Leur rôle est de combler les défaillances de l’armée syrienne, de maintenir le terrain gagné », dit l’expert cité par l’AFP.

Cet assassinat est aussi un coup dur pour Hassan Nasrallah, qui perd l’une des che­villes ouvrières de l’engagement de ses combattants en Syrie auprès de Bachar Al-Assad. Si certains analystes estiment que la mort de Mostafa Badreddine ne devrait pas modifier l’implication du Hezbollah en Syrie aux côtés du régime, d’autres, au contraire, pensent qu’elle porte atteinte à la stratégie du parrain ira­nien de soutien au régime syrien, d’autant plus qu’elle est intervenue une semaine après la mort de 13 « conseillers mili­taires » iraniens en Syrie dans la région de Khan Touman.

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