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Yémen : Mauvais départ

Maha Salem, Mardi, 26 avril 2016

Les négociations interyéménites qui se tiennent au Koweït sous l'égide de l'Onu trébuchent sur l'essentiel et font face à l'intransigeance des deux parties.

Yémen : Mauvais départ
Les forces yéménites, appuyées par la coalition arabe, ont lancé une vaste offensive militaire contre Al-Qaëda. (Photo : AFP)

C’est avec quelques jours de retard — preuve des difficultés — que les négociations de paix entre les Yéménites ont commencé au Koweït vendredi dernier. Ce retard a d’emblée jeté de l’ombre sur le déroulement des négociations, laissant planer le doute quant à leur issue. Ces négociations devaient débuter lundi 18 avril, mais les miliciens chiites houthis et leurs alliés, des fidèles de l’ex-président Ali Abdallah Saleh, avaient exigé l’arrêt de tous les combats avant leur départ de la capitale. La médiation onusienne a alors exercé de fortes pressions sur les alliés des Houthis pour les obliger à rester à la table des négociations. Les Houthis ont dit avoir accepté de participer aux négociations après avoir obtenu « des assurances » de l’Onu sur le respect du cessez-le-feu entré en vigueur le 11 avril dans ce pays ravagé par plus d’un an de conflits et maintes fois violé depuis.

Mais les pressions onusiennes ont, semble-t-il, permis le lancement des discussions, sans plus. A peine réunies, les délégations du pouvoir et des rebelles chiites houthis et de leurs alliés n’ont pas réussi à s’entendre sur la manière de renforcer le fragile cessez-le-feu qui continue d’être violé. Selon le médiateur onusien pour le Yémen, Ismaïl Ould Cheikh Ahmed, les délégations ont parlé de l’importance d’améliorer les canaux de communication entre les commissions locales de surveillance de la trêve et « les délégations ont réaffirmé leur engagement vis-à-vis de la cessation des hostilités ».

Mais plusieurs points d’achoppement planent sur les négociations. Tout d’abord, la délégation gouvernementale exige que le cessez-le-feu comprenne l’ouverture de passages sécurisés vers toutes les zones en état de siège et la libération des prisonniers. Elle exige aussi que la discussion commence sur le retrait des rebelles de toutes les régions qu’ils ont conquises depuis 2014 et la restitution des armes lourdes à l’Etat, comme le stipule la résolution 2 216 de l’Onu. A son tour, la délégation rebelle réclame au préalable l’ouverture d’un processus politique et l’établissement d’un gouvernement d’union nationale. En plus, elle revendique la levée du blocus naval saoudien et la levée des sanctions imposées contre certains de ses dirigeants par le Conseil de sécurité de l’Onu et l’Occident. Elle demande aussi l’arrêt immédiat des frappes aériennes de la coalition arabe sous commandement saoudien qui opère au Yémen en soutien au gouvernement. « La poursuite des frappes qui visent des routes, des ponts et des habitations rend caduque l’annonce sur la cessation des actions militaires », a affirmé Mohamad Abdel-Salam, chef de la délégation rebelle. Partageant le même avis, Yasser Alawadi, secrétaire général adjoint du Congrès Populaire Général (CPG), le parti de l’ex-président yéménite Ali Abdallah Saleh, a cependant prévenu qu’il n’y aurait pas de débats sur des questions politiques tant que le cessez-le-feu n’aura pas été respecté.

Cinq sujets

Les négociations, dont la durée n’a pas été précisée, portent théoriquement sur 5 sujets : le retrait des milices et groupes armés, la restitution des armes lourdes à l’Etat, des arrangements intérimaires de sécurité, le rétablissement des institutions de l’Etat et la reprise d’un dialogue politique inclusif. Mais tout porte à croire qu’il est difficile de parvenir à une solution rapide. « Chaque camp campe sur sa position. Chaque camp a ses exigences, ses revendications et veut obtenir des privilèges car il pense qu’il possède tous les droits. Dans un tel état des lieux, les pressions internationales ne peuvent pas aboutir à un accord de paix applicable. Cela ne peut se faire que si des concessions sont faites de part et d’autre », explique Dr Ayman Chabana, professeur à la faculté d’économie et de sciences politiques de l’Université du Caire. Selon l’analyste, ce qui rend les négociations difficiles, c’est aussi la réalité sur le terrain : « Les Houthis et leurs alliés sont plus puissants sur terre et ils sont bien implantés, ils ne vont donc pas céder facilement, sauf en contrepartie de vrais privilèges. Par ailleurs, le gouvernement veut préserver son prestige, même s’il a échoué, malgré le soutien de la coalition arabe, à chasser les Houthis ». Sur le terrain, la coalition comme le gouvernement tentent de redorer leur blason. Cette fois, en enregistrant une victoire non pas contre les Houthis, mais contre Al-Qaëda. Les forces yéménites, appuyées dans les airs par la coalition arabe emmenée par l’Arabie saoudite, ont lancé dimanche dernier une vaste offensive militaire contre le réseau Al-Qaëda, le chassant de l’un de ses fiefs dans le sud-est du Yémen et tuant des centaines de djihadistes. « L’opération s’est soldée, dans ses premières heures, par la mort de plus de 800 membres d’Al-Qaëda et de certains de leurs dirigeants, et par la fuite des autres djihadistes du groupe », a annoncé un communiqué de la coalition arabe, qui opère au Yémen depuis plus d’un an.

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