Selon l'Onu, le conflit yéménite a fait 6 300 morts, dont la moitié des civils, et 30 000 blessés.
(Photo:AP)
Ce n’est pas la première fois qu’une trêve est annoncée au Yémen. Pourtant, cette fois-ci, quoique fragile, le cessez-le-feu entré en vigueur samedi dernier à minuit pourrait être prometteur. L’espoir étant que cette trêve conduise à « une cessation totale des actions militaires » et ouvre « de claires perspectives au dialogue interyéménite » prévu le 18 avril au Koweït.
C’est en tout cas ce qu’a déclaré Mohamad Abdessalam, un porte-parole des Houthis, dont une délégation se trouvait la semaine dernière dans la capitale saoudienne pour peaufiner l’accord sur le cessez-le-feu, et, surtout, jeter les bases des négociations qui se tiendront au Koweït la semaine prochaine. D’ores et déjà, la tenue même de discussions entre une délégation houthie et des responsables saoudiens à Riyad est jugée comme un bon signe, même si rien d’officiel n’a été annoncé à la suite de cette visite, les Saoudiens se contentant de faire état de la présence sur place de la délégation houthie.
En fait, il y aurait déjà eu des négociations secrètes entre les Houthis et Riyad, d’abord militaires, puis politiques. Ce qui explique en quelque sorte l’échange de prisonniers entre les Houthis et les Saoudiens, survenu fin mars et présenté comme un prélude à une sorte d’apaisement. De son côté, la présidence yéménite a souligné la semaine dernière sa « sincère volonté de faire la paix » en annonçant l’arrivée au Koweït de représentants pour une « commission de désescalade », créée par l’Onu pour superviser le cessez-le-feu. Quant au porte-parole de la coalition, le Saoudien Ahmad Assiri, il avait déjà annoncé à l’AFP en mars dernier la fin prochaine des « opérations (militaires) majeures » au Yémen. Autant de signes de bonne volonté de part et d’autre qui laissent planer l’espoir d’un règlement, ou du moins d’une avancée lors des prochains pourparlers du Koweït, mais qui suscitent aussi des interrogations sur cette soudaine volonté de paix affichée par les différentes parties.
Pressions internationales
Selon les observateurs, plusieurs facteurs seraient à l’origine de cet élan. D’abord, la réalité sur le terrain : un an après le lancement de l’offensive arabe menée par l’Arabie saoudite contre les Houthis (elle a été lancée le 26 mars 2015), il n’y a ni perdant, ni gagnant dans cette guerre. Ni les loyalistes, soutenus par la coalition, ni les Houthis et leurs alliés, des unités de l’armée restées fidèles à l’ex-président Ali Abdallah Saleh, ne parviennent à prendre l’avantage. Les loyalistes ont certes reconquis l’été dernier cinq provinces du sud, mais ils peinent à les sécuriser avec la montée en puissance de groupes djihadistes. Et les Houthis, tout en perdant du terrain, sont toujours maîtres de la capitale, Sanaa, et de larges territoires du nord et de l’ouest. Ce qui fait que le conflit risque de traîner en longueur, voire de s’enliser. Or, cette réalité sur le terrain risque d’être à double tranchant : chaque partie n’étant pas militairement perdante, les négociations pourraient être difficiles. A moins qu’il y ait un véritable désir de parvenir à un compromis. Et c’est justement là qu’intervient le deuxième facteur, et le plus déterminant : les pressions occidentales. Cité par l’AFP, Riad Qahwaji, directeur de l’Institut du Proche-Orient et du Golfe pour les analyses militaires (Inegma), estime que « de fortes pressions internationales ont été exercées sur les protagonistes et leurs alliés régionaux pour cesser les hostilités et s’orienter vers un règlement politique ». Il y a d’un côté les pressions sur Riyad, qui semblent avoir porté leurs fruits puisqu’au départ, les Saoudiens refusaient même l’idée de négocier avec les Houthis et voulaient tout simplement les anéantir. A ce sujet, les experts estiment que Riyad, en difficulté notamment en raison du coût financier de la guerre à un moment où le pétrole, principal source, est au plus bas, ainsi qu’à cause de son image ternie par cette guerre (selon l’Onu, la coalition aurait fait deux fois plus de victimes que les autres belligérants), aurait commencé à lâcher du lest. Et il y a de l’autre côté, les pressions sur l’Iran, allié des Houthis qui, depuis la signature de l’accord sur le nucléaire, veut marquer son retour sur la scène internationale et régionale. Car il ne faut pas oublier que ce qui se passe au Yémen est aussi une guerre par procuration entre les deux puissances régionales rivales, à savoir l’Arabie saoudite et l’Iran, et qu’aucun règlement ne se fera sans une entente entre ces deux puissances.
Or, quand bien même les pressions internationales sur ces deux acteurs de la crise yéménite aboutiraient, ce ne serait pas une garantie pour une véritable stabilisation du Yémen. Certes, la communauté internationale mesure l’importance des rôles saoudien et iranien, mais elle semble avoir omis d’autres réalités non moins importantes et déterminantes pour que le pays retrouve la stabilité : l’influence toujours forte de l’ancien président yéménite Ali Abdallah Saleh, marginalisé du processus de règlement en cours, le poids des tribus, et la question sudiste.
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