De Mistura veut inciter les Américains et les Russes à faire pression sur les négociations syriennes.
(Photo : Reuters)
L’émissaire des Nations-Unies pour la Syrie, Staffan de Mistura, a invité cette semaine les parrains russe et américain de la conférence de négociations de paix à faire pression sur les délégations syriennes qui participeront aux discussions de Genève le 9 avril pour faire sortir les négociations de l’impasse. Car ce nouveau round s’annonce aussi difficile que les précédentes tentatives de dialogue, et l’opposition syrienne a d’ores et déjà jugé que ces négociations ont peu de chances d’aboutir. La position de l’opposition est très claire : les discussions peuvent se passer pendant qu’Assad est encore au pouvoir, mais la transition ne peut pas se produire avec lui. Le nouveau round de négociations qui aura lieu la semaine prochaine vise la mise en place d’une autorité de transition dans six mois, qui sera chargée d’élaborer une nouvelle Constitution et d’organiser une élection présidentielle dans 18 mois. Mais le sort de Bachar Al-Assad demeure le point d’achoppement qui entrave l’application de tous les accords.
Riad Hidjab, coordinateur du Haut Comité des Négociations (HCN) mis sur pied par l’opposition, a été clair : « Les Etats-Unis et la Russie sont en désaccord sur le sort du président Bachar Al-Assad, et je n’attends rien des négociations ».
Pourtant, il n’est pas si sûr que ça que Washington et Moscou soient encore en désaccord. Des rumeurs ont circulé après la rencontre des chefs de la diplomatie des deux pays, la semaine dernière, sur un accord de principe prévoyant le départ d’Assad à l’étranger. La rumeur a été niée avec force par Moscou, mais aucune déclaration n’a été faite du côté américain. « Le rapprochement russo-américain ne nous effraie pas, mais nous craignons le secret, l’absence de clarté et de transparence. Nous ignorons ce qui a été décidé », a déploré Riad Hidjab. Avis partagé par plusieurs membres de l’opposition syrienne. « Nous avons une ambiguïté américaine qui nous est extrêmement préjudiciable », a déclaré Basma Kodmani, membre de la délégation du Haut comité des négociations, en ajoutant : « Nous ne savons pas ce que les Etats-Unis sont en train de discuter avec Moscou, il y a toutes sortes de rumeurs. Nous attendons d’avoir confirmation que les Etats-Unis sont bien encore sur une position de refus de réhabiliter Assad. Si les Russes continuent à penser qu’Assad doit continuer à gouverner, nous n’aurons pas de solution en Syrie. Assad ne peut pas être celui qui préside à la transition du pays, il ne peut pas rester au pouvoir ».
Deux scénarios
Ce qui sera décisif lors des prochaines discussions, à savoir l’accord russo-américain, reste donc inconnu. « D’après ce qui s’est passé, on peut penser qu’il existe effectivement un accord entre les deux puissances. On est devant deux scénarios : d’abord, la division de la Syrie. Cette idée a été rejetée non seulement par l’opposition mais aussi par le régime, mais la communauté internationale peut exercer de fortes pressions sur les parties rivales pour mener un référendum à ce sujet, et dans ce cas, les résultats seront connus d’avance. L’autre scénario est la tenue de présidentielles anticipées. Bachar Al-Assad a dit qu’il acceptait l’idée que ces élections aient lieu avant la fin de son mandat en 2021. Si c’est le cas, ce sera une manière honorable et démocratique pour qu’il quitte le pouvoir et le pays. Ensuite, la période de transition commencera et le plan onusien sera appliqué », explique Mohamad Gomaa, analyste au Centre des Etudes Stratégiques et Politiques (CEPS) d’Al-Ahram, au Caire. « Mais comment les deux puissances peuvent-elles convaincre Bachar ? Qu’aura-t-il et quels privilèges gardera son camps en contrepartie ? Ce sont là les détails qui restent inconnus », ajoute l’analyste.
Il semble donc que, dans les coulisses, on parle déjà de l’après-Bachar. « A partir du moment où une autorité de transition ayant les pleins pouvoirs serait mise en place, des militaires du régime et de l’Armée libre syrienne pourraient travailler ensemble immédiatement pour définir un plan de stabilisation du pays. Le départ d’Assad doit être un départ négocié, la fin de ce régime doit être une opération de transition contrôlée et non chaotique » a déclaré Kodmani.
Cela dit, attaché au pouvoir, Bachar Al-Assad tente ses dernières cartes. Il a réitéré son appel à un gouvernement d’union regroupant régime et opposition, rejetant l’idée d’un organe de transition aux pleins pouvoirs défendue par l’opposition. Mais l’opposition a rejeté tout gouvernement d’union avec elle. Cette dernière insiste sur la formation d’un conseil exécutif. Or, la forme de ce conseil qui doit diriger le pays en guerre jusqu’aux prochaines élections est une autre pomme de discorde entre les deux camps. Dans sa résolution 2 254, le Conseil de sécurité de l’Onu évoque l’établissement d’une gouvernance en charge de la transition politique mais reste vague sur la forme qu’elle doit prendre. Pour le régime, il s’agit d’un simple remaniement gouvernemental qui intégrerait l’opposition mais reste, conformément à la Constitution actuelle, sous l’autorité du président, soit Assad. Pour l’opposition, il s’agit d’un organe de transition doté de tous les pouvoirs y compris présidentiels et où Assad n’aura aucun rôle.
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