En devenant le fer de lance de la contestation, Sadr veut récupérer son influence dans la vie politique.
Après le remaniement ministériel effectué par le premier ministre iraqien, suite à la pression d’une partie de la rue et aux accusations de corruption, Haider Al-Abadi a fait un nouveau geste de bonne volonté. Dans une tentative de prouver qu’il a de bonnes intentions en matière de lutte contre la corruption, le premier ministre iraqien a appelé samedi la justice à enquêter sur des allégations concernant de hauts responsables qui auraient touché des millions de dollars de pots-de-vin, aidant ainsi de grandes sociétés à décrocher des contrats pétroliers. Selon le bureau du premier ministre iraqien, M. Al-Abadi a ordonné à la commission anticorruption de prendre «
des mesures légales » et appelé la justice à enquêter sur ce scandale. Pour le moment, l’enquête a établi que
Unaoil a convenu de payer des millions de dollars à d’influents responsables iraqiens — dont les anciens ministres du Pétrole, Hussein Chahrastani, et Abdel-Karim Al-Luaybi — pour que ses clients puissent remporter des contrats. Au cours d’une conférence de presse samedi, M. Chahrastani, actuellement ministre de l’Education supérieure, a nié avoir été en contact avec
Unaoil. Le ministre a également exigé dans un communiqué que les preuves sur lesquelles se base l’enquête soient présentées au gouvernement iraqien, prévenant que Bagdad pourrait sinon porter plainte pour diffamation.
Une affaire à suivre. Une affaire comme tant d’autres qui risquent d’éclater au grand jour dans la période à venir, M. Al-Abadi ayant annoncé une série de mesures destinées à réduire le gaspillage du gouvernement et résorber la corruption. Mais l’Iraq reste un pays rongé par une corruption endémique. Et surtout, les puissants partis et hommes politiques qui tirent profit du système en place s’opposent farouchement aux réformes, dont très peu ont concrètement pu être accomplies.
La dernière d’entre elles est le remaniement du gouvernement, intervenu jeudi dernier. Certes, le premier ministre a cédé aux pressions du mouvement dirigé par le chef religieux chiite, Moqtada Al-Sadr, et à l’ultimatum du parlement, il n’en demeure pas moins que la lutte contre la corruption est une affaire qui dépasse de loin un simple changement de noms.
Pour le moment donc, le premier ministre iraqien a répondu aux appels afin d’apaiser les tensions politiques que connaît le pays depuis plusieurs semaines : des milliers de chiites, avec à leur tête Moqtada Al-Sadr, s’étaient rassemblés depuis la mi-mars devant la Zone verte, un secteur ultra-sécurisé où se concentrent les hautes institutions de l’Etat et de nombreuses ambassades. Mais le chemin est encore long, d’autant plus que le parlement n’a toujours pas approuvé le nouveau cabinet, et il s’est donné jusqu’à ce jeudi pour examiner les candidats au nouveau gouvernement, et un mois pour ceux choisis pour d’autres postes à la tête des institutions de l’Etat et des services de sécurité.
Des résistances farouches
Aussi, M. Al-Abadi n’a pas donné la liste des noms des futurs ministres, se contentant de préciser que les titulaires des portefeuilles de l’Intérieur et de la Défense restaient inchangés en raison des combats que l’armée et les forces de sécurité livrent au groupe djihadiste Etat Islamique (EI). Haider Al-Abadi souhaitait le remplacement du gouvernement actuel, formé de politiciens, par un cabinet composé de technocrates qui seraient plus à même, selon lui, de mettre en oeuvre les réformes anticorruption adoptées l’an dernier dans la foulée de grandes manifestations populaires contre l’incurie et le clientélisme de la classe politique. Des réformes qu’il n’a pas pu accomplir en raison notamment de la résistance de la classe politique, dont celle de son propre parti, Daawa, mais surtout à cause du jeu trouble de l’ancien premier ministre Nouri Al-Maliki, qui a essayé de paralyser l’action de son successeur.
Selon un communiqué des services du premier ministre, les candidats présentés par M. Al-Abadi « ont été choisis par un comité d’experts sur la base de leur professionnalisme, compétence, intégrité et capacité à diriger ». Trop idéal pour être vrai. Car en Iraq, une véritable lutte contre la corruption ne peut se faire sans mettre un terme à l’actuel système de partage du pouvoir. Né de l’après-Saddam, ce système de partage se fait en fonction de critères ethniques ou religieux, qui certes favorise la corruption, mais aussi et surtout fait des luttes confessionnelles une menace latente et constante en Iraq. C’est en effet suite à la guerre américaine contre l’Iraq en 2003, guerre qui a conduit à la chute du régime de Saddam Hussein, que les Américains ont mis en place ce système politique communautariste. Or, depuis 2003, ce système n’a donné lieu qu’à plus de chaos. Depuis les troubles confessionnels qui ont failli dégénérer en guerre civile en 2004, jusqu’à la montée en puissance des milices chiites parrainées par Téhéran dans le cadre de la lutte contre l’Etat Islamique (EI), en passant par la prolifération de ce même groupe, qui, selon les experts, a été favorisée par la politique anti-sunnite de l’ancien premier ministre, Nouri Al-Maliki.
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