Un éventuel succès du processus de Genève passera obligatoirement par une entente russo-américaine.
(Photo:AP)
La session des pourparlers intersyriens, qui se tenait à Genève, s’est achevée le week-end dernier sans avancée concrète — chacune des parties campant sur ses positions —, mais avec un brin d’espoir pour les sessions à venir. Le prochain round des négociations doit avoir lieu vers le 10 avril. Selon la feuille de route fixée par l’Onu, ces prochains pourparlers doivent permettre la mise en place dans les six mois d’un organe de « transition », censé rédiger une nouvelle Constitution et organiser des élections d’ici à 18 mois. Rien n’a donc été dit sur le départ, ou non, du président syrien Bachar Al-Assad et il semblerait que l’on se dirige vers une solution le maintenant au pouvoir, du moins pour la période de transition.
En effet, selon un diplomate qui a requis l’anonymat, « Bachar Al-Assad compte s’appuyer sur les succès militaires qu’il a remportés dernièrement, grâce à l’aide russe notamment, pour convaincre la communauté internationale de sa capacité à en finir avec l’Etat Islamique (EI). En d’autres termes, le président syrien cherche à pousser les acteurs internationaux qui appelaient à son départ à renoncer à cette condition ». Depuis le début du processus de Genève en effet, c’est cette question qui bloque toute avancée et c’est sur ce sujet que la délégation de Damas a été accusée par l’opposition de « fuir ses responsabilités ».
Les représentants du régime de Damas ont ainsi refusé de parler du sort du président Bachar, ou même de préciser leur vision de la transition politique souhaitée pour mettre un terme à cinq ans d’une guerre dévastatrice. « Nous n’avons pas eu de discussions de fond », a regretté Basma Kodmani, une porte-parole de l’opposition, en appelant les Russes à faire pression sur le président Assad. « Sans cette pression sur le régime, nous avons peu d’espoir qu’il se passe quoi que ce soit » lors de la prochaine séance de discussions, a ajouté Mme Kodmani.
L’émissaire des Nations-Unies, Staffan de Mistura, a toutefois espéré que la prochaine session permettrait des échanges plus productifs. « La délégation du gouvernement a été extrêmement centrée sur des questions de principe », a-t-il dit lors d’une conférence de presse. « J’espère que la prochaine session ne portera pas à nouveau sur les principes, on en a eu assez ». Pour éviter que ces grands principes ne reviennent sur la table en avril, Staffan de Mistura a utilisé « une technique de base de médiateur » : il a recensé dans un document douze principes fondamentaux. Y figurent les thèmes martelés par le régime comme par exemple le rejet du terrorisme ou encore la souveraineté du peuple syrien. L’émissaire de l’Onu a remis ce document aux parties jeudi dernier, dans l’espoir d’obtenir leur approbation et de refermer ce chapitre.
Malgré tout, le prochain round pourrait lui aussi connaître des débuts compliqués. Les représentants de Damas avaient demandé une reprise du dialogue après les élections parlementaires que le régime organise le 13 avril. Cinq membres de la délégation sont candidats à ce scrutin, dont l’annonce en février par le président Assad avait été perçue comme un pied-de-nez à la communauté internationale. « Si les gens arrivent le 13 ou le 14, ils seront les bienvenus, a dit Staffan de Mistura. Mais nous commencerons à parler à la date fixée qui, à mon avis, ne peut pas être plus tard que le 9 ou le 10 avril ».
Moscou et Washington,les vrais acteurs
Outre ces divergences, Staffan de Mistura a été clair sur le rôle des grandes puissances, soulignant que le processus diplomatique en cours à Genève n’était qu’« une face de la médaille », l’autre se jouant en même temps entre Moscou et Washington. Russes et Américains ont d’ailleurs poursuivi leurs efforts dans l’accompagnement du processus politique de Genève en s’engageant à tout faire pour tirer profit de la cessation des hostilités en cours afin d’avancer dans le règlement politique d’un conflit qui dure depuis plus de cinq ans.
« Nous nous sommes mis d’accord pour obtenir au plus vite le début de négociations directes entre la délégation gouvernementale et tout le spectre de l’opposition » syrienne, a indiqué M. Lavrov, lors d’une conférence de presse commune avec son homologue américain, John Kerry, suite à leur rencontre, jeudi dernier à Moscou. M. Kerry a pour sa part affirmé qu’il avait convenu avec M. Poutine de peser sur le régime de Damas et l’opposition en faveur d’une transition politique destinée à mettre fin à la guerre. « Nous sommes d’accord sur le fait qu’il faut un calendrier afin d’établir un cadre pour une transition politique et aussi un projet de Constitution, les deux d’ici août », a-t-il déclaré.
Mais, contrairement à la position américaine initiale — Washington a toujours dit que le départ du président syrien est une condition pour que les négociations de paix aboutissent —, le chef de la diplomatie américaine ne s’est pas étendu sur le destin de Bachar Al-Assad, principale pierre d’achoppement entre Moscou et Washington. M. Kerry est ainsi resté évasif, assurant simplement que la Russie et les Etats-Unis étaient d’accord sur le fait que le président syrien « doit faire ce qu’il faut et s’impliquer dans le processus de paix ».
Certains y voient une victoire diplomatique russe, dictée par les réalités du terrain. D’autres que les Américains, comme les Russes, misent sur une solution par étapes, mais qui inclurait à terme un départ de Bachar. Selon notre interlocuteur, « leur entente sur ces étapes précises a pour but d’adresser un message ferme à tous les protagonistes, surtout au régime syrien, que la voie d’une solution politique est la seule. Et surtout, que la solution passe avant tout par une entente russo-américaine ».
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