
Les combats sur le terrain sont le reflet des divergences politiques entre factions rivales.
(Photo:Reuters)
La libye inquiète. Elle inquiète ses voisins qui craignent pour leur stabilité et leur sécurité, notamment à cause des frontières communes souvent poreuses — on l’a vu récemment avec les événements de Ben Guerdane en Tunisie — elle inquiète aussi et surtout l’Europe, qui craint que la si proche Libye ne devienne la nouvelle base du groupe Etat Islamique (EI) et qu’elle ne continue à servir de transit pour les migrants en route vers l’Europe, dont certains sont susceptibles d’être des terroristes.
La situation est d’autant plus inquiétante que l’EI a fortement progressé depuis son arrivée en Libye, à l’automne 2014. Aujourd’hui, selon les chiffres avancés par Paris, entre 4 000 et 5 000 djihadistes se trouveraient en Libye. Leur base principale, dans la région de Syrte, sur la côte méditerranéenne, se trouve à environ 550 kilomètres de l’Europe. Ce qui a fait dire au ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, invité de la chaîne radio Europe 1 jeudi dernier : « Il y a trois dangers majeurs qui existent en Libye. Le premier c’est Daech, qui a entre 4 000 et 5 000 combattants en Libye. Il faut également éviter les trafics de migrants, qui profitent d’ailleurs à Daech, et le troisième danger est le trafic d’armes ». Et à l’émissaire de l’Onu pour la Libye, Martin Kobler, de dire qu’« en Libye, Daech constitue une menace croissante et imminente ». D’ailleurs, le directeur du Centre libyen pour les études et le développement, Snoussi Baskiri, a reconnu samedi dernier que Daech représentait la première organisation terroriste en Libye en termes du nombre des combattants et des moyens logistiques, suivie d’Ansar Al-Charia puis d’Al-Qaëda. Et les effectifs de l’EI seraient en progression constante, notamment en raison de l’affaiblissement de l’EI en Iraq et en Syrie, en raison de la guerre menée contre l’organisation dans ces deux pays. Mais, pour les Européens, un groupe Etat islamique fort en Libye est bien plus inquiétant qu’un EI présent en Syrie et en Iraq.
Or, jusque-là, toutes les tentatives de parvenir à une solution politique pour contrer l’avancée de Daech et mettre fin au chaos qui règne en Libye ont été vouées à l’échec (voir encadré). Le processus politique parrainé par les Nations-Unies « demeure précaire (…). Pendant ce temps, les groupes terroristes continuent à tirer profit des divisions politiques et les Libyens ainsi que les peuples voisins continuent à en subir les conséquences », a reconnu l’émissaire onusien.
Entente interlibyenne
Quelles sont les options possibles ? Certes, les voisins de la Libye comme l’Onu et la communauté internationale insistent toujours sur une solution qui passerait par une entente interlibyenne. Les premiers affirmant leur soutien au gouvernement d’entente nationale et soulignant la nécessité d’accélérer son départ pour Tripoli, selon le communiqué final de la réunion qu’ils ont tenue mardi 22 mars à Tunis. A Tunis, le constat a été partagé par tous : le chaos qui règne en Libye est inquiétant, car il pourrait se propager au-delà des frontières. Alors pour stabiliser la région, les pays voisins souhaitent une solution politique rapide. Et là-dessus, ils se disent unanimes : il faut soutenir l’installation du gouvernement d’union nationale de Faez Seraj à Tripoli. Les deuxièmes tentant de donner une légitimité au gouvernement d’union nationale (voir encadré).
Or, au-delà de ces prises de position en faveur d’un tel gouvernement, se profilerait autre chose. Alors qu’une intervention militaire étrangère en Libye présenterait un gros risque, la communauté internationale semble se diriger vers une autre option : octroyer davantage de pouvoir au général Khalifa Haftar, qui contrôle la région de Benghazi, à l’est, pour qu’il parvienne à former une armée à même de combattre Daech. L’émissaire de l’Onu l’a clairement dit. Il a appelé à réformer et unifier les forces de sécurité libyennes. « Une future armée doit inclure des éléments de l’est, de l’ouest et du sud (…), tous les éléments qui font partie de la réalité politique et ça inclut aussi le général Haftar (…) qui doit faire partie d’une solution », a-t-il jugé.
C’est du moins ce qui est dit officiellement, alors que sur le terrain — selon des informations citées par le journal français Le Monde —, la France mènerait une guerre secrète contre l’EI en Libye. Paris procéderait ainsi à des frappes ponctuelles ciblées, et aurait même recours à des opérations clandestines, menées par le service action de la Direction Générale de la Sécurité Extérieure (DGSE). Ces opérations s’ajoutent à des frappes américaines ponctuelles annoncées çà et là.
Ainsi, alors que la situation politique est toujours au point mort, étant tributaire du projet d’union entre les deux parlements rivaux de Tripoli et de Tobrouk, c’est du front qu’arriveraient les nouvelles dans les jours à venir .
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