Après cinq semaines de manifestations opposées au premier ministre iraqien, Nouri Al-Maliki, rien ne laisse présager que les choses vont se calmer en Iraq. Au contraire, la tension est montée d’un cran samedi à Falloujah, dans l’ouest du pays, où deux soldats ont été abattus et trois enlevés, au lendemain de la mort de sept manifestants antigouvernementaux tués par l’armée.
Ces attaques n’ont pas été revendiquées, mais elles pourraient avoir été menées en représailles. Les sept morts de vendredi à Falloujah, auxquels s’ajoutent 35 blessés, sont les premières victimes à imputer aux forces de sécurité depuis le début de la vague de contestation menée par la minorité sunnite. Leurs funérailles, le lendemain, se sont transformées en une démonstration de force contre le régime de Maliki. « Ecoute Maliki, nous sommes des gens libres » ou « Prends ta leçon de Bachar », scandaient des manifestants qui ont défilé après les funérailles.
La plupart des morts et des blessés ont été touchés par balle, a affirmé Khaled Khalaf al-Rawi, médecin à l’hôpital de Falloujah, cité par l’AFP. Les manifestants se sont dirigés vers une zone de l’est de Falloujah, mais ont été bloqués par des soldats, a indiqué un capitaine de la police. Ils ont commencé à lancer des bouteilles d’eau en direction des soldats, qui ont alors ouvert le feu, selon cet officier. Les autorités ont ordonné le retrait de l’armée, laissant la police en charge de la sécurité dans la ville, a indiqué à l’AFP Saadoun Chaalane, un conseiller de la province d’Al-Anbar à laquelle appartient Falloujah.
D’autres manifestations se sont déroulées à Ramadi, chef-lieu de cette province, et dans les villes de Samarra, Mossoul et Baqouba, au nord de Bagdad. Plusieurs rassemblements ont aussi eu lieu dans des quartiers sunnites de Bagdad.
Maliki accuse Al-Qaëda
Pour seule réponse, le premier ministre iraqien a appelé les forces de sécurité à la retenue. Mais il a dans le même temps accusé les manifestants d’être responsables des tensions confessionnelles « exploitées », selon lui, par Al-Qaëda et les « groupes terroristes ». Quant aux revendications des manifestants, M. Maliki continue de faire la sourde oreille.
Les manifestants anti-Maliki, mobilisés depuis plus d’un mois, réclament la libération de prisonniers détenus d’après eux sans inculpation et exigent l’abrogation de lois antiterroristes utilisées, selon eux, à l’encontre de la communauté sunnite par le gouvernement Maliki.
A Baqouba, chef-lieu de la province de Diyala, les manifestants ont appelé à la « chute du régime », brandissant des bannières proclamant « l’Iran dehors, Bagdad toujours libre ». Le gouvernement est accusé d’être sous l’influence de l’Iran chiite. « Le gouvernement devrait répondre immédiatement aux demandes des manifestants, avant que nous ne commencions une révolution et que nous ne le renversions », a prévenu un chef tribal résidant à Baqouba, Hassan Al-Zaïdi, cité par l’AFP. « Si les autorités ne répondent pas aux demandes des manifestants, le processus politique en Iraq risque de s’effondrer », a, de son côté, prévenu Sadr El-Din Al-Qoubanji, responsable au Conseil suprême islamique de l’Iraq, lors de son prêche du vendredi dans la ville sainte de Najaf (centre) (également cité par l’AFP).
Un risque sérieux si le premier ministre continue à s’entêter. Une seule mesure a été prise la semaine dernière pour apaiser les manifestants : les autorités ont annoncé la libération de 888 détenus en deux semaines. Or, les manifestations réclament désormais la démission de Nouri Al-Maliki. Et l’opposition contre ce dernier, accusé d’autoritarisme, est aujourd’hui renforcée, les sunnites ayant reçu le soutien des Kurdes, mais aussi d’une partie des chiites. Ces manifestations aggravent la crise politique qui existait déjà à trois mois d’élections provinciales cruciales qui constitueront un test pour M. Maliki et ses opposants, avant des élections nationales en 2014.
Autre volet de la crise : le Parlement a adopté samedi une mesure limitant à deux le nombre de mandats du premier ministre, une démarche immédiatement dénoncée comme inconstitutionnelle par les alliés du chef du gouvernement, Nouri Al-Maliki. Un total de 170 parmi les 242 présents ont soutenu cette mesure, en vertu de laquelle M. Maliki devrait ainsi quitter son poste après les élections législatives de 2014. Mais ses partisans ont affirmé qu’elle n’était pas contraignante et qu’elle serait soumise aux tribunaux.
Le bloc laïque Iraqiya, soutenu par la minorité sunnite, la principale alliance kurde et le mouvement fidèle au chef radical chiite Moqtada Al-Sadr — tous membres du gouvernement Maliki — seraient les principaux partisans de cette démarche, qui semble viser M. Maliki en particulier, le président du Parlement appartenant à Iraqiya et le président iraqien à l’alliance kurde. Or, la Constitution ne fixe pas de limite aux mandats du premier ministre. D’où l’assurance affichée par les partisans de M. Maliki, qui ont assuré que la démarche serait annulée par la justice, rappelant une décision de la plus haute autorité judiciaire selon laquelle seul le gouvernement pouvait proposer des lois, pas le Parlement.
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