En classant le Hezbollah parmi les organisations terroristes, le Conseil de Coopération du Golfe (CCG), ainsi que la quasi-totalité des autres pays arabes, ne s’en prennent pas uniquement à la milice, mais au Liban tout entier. Cette mesure, la première du genre prise collectivement, affecte, en effet, directement le Liban dans son ensemble. D’emblée, elle pose des problèmes concrets dont on imagine mal la solution : le Hezbollah n’est pas uniquement une force représentant une importante frange de la société libanaise, elle a un poids politique non négligeable qui détient, au sein du gouvernement plusieurs portefeuilles. Première inconnue donc, comment les Arabes traiteront-ils avec les ministres du Hezbollah ?
Cette question reste pourtant minime par rapport aux autres risques que la décision du CCG et des ministres arabes de l’Intérieur peut produire. Car le danger le plus pressant se trouve au coeur même du Liban, un pays encore hanté par la guerre civile (1975-1990), toujours victime des tensions confessionnelles, et sans cesse condamné à jouer un jeu d’équilibriste entre les différentes communautés pour préserver un semblant de stabilité. Une stabilité certes fragile, voire fictive, mais sans laquelle le spectre de la guerre civile peut refaire surface.
Depuis déjà 2005, le Hezbollah — puissant parti chiite et seule milice encore armée au Liban depuis la fin de la guerre civile et de l’occupation israélienne — a commencé à déranger, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.
C’est, en effet, depuis cette date que le Hezbollah s’est imposé sur la scène politique libanaise. Mais c’est aussi depuis l’assassinat en 2005 par des membres présumés du Hezbollah du premier ministre Rafic Hariri, un protégé de Riyad, que le pays du Cèdre est devenu un champ de bataille entre Saoudiens sunnites et Iraniens chiites par camps locaux interposés. Avec la menace permanente que ce champ de bataille se transforme en un conflit confessionnel interlibanais.
Si la menace que représente « Le Parti de Dieu » n’a pas tout de suite été prise au sérieux, il est tout de même maintenant certain que le Hezbollah est à l’origine de troubles politiques au Liban. Ce dernier est désormais accusé par ses détracteurs de mainmise sur le pays et d’utiliser son arsenal comme moyen de pression pour contrôler toutes les décisions du gouvernement. Il est ainsi accusé d’être la cause de l’absence de consensus sur l’élection d’un président de la République, alors que ce poste est vacant depuis mai 2014.
Les choses se sont envenimées entre le parti chiite et Riyad en 2013, avec l’implication militaire du Hezbollah dans la guerre en Syrie aux côtés du régime de Bachar Al-Assad. Pour Riyad, le Hezbollah n’est qu’un inféodé à son principal rival et ennemi, l’Iran. Au plan local, la situation s’est détériorée entre le Hezbollah et le camp du 14 Mars, opposé à Damas et qui fustige violemment la participation du Hezbollah à la guerre en Syrie. Aujourd’hui, les dissensions se sont envenimées et le camp libanais pro-saoudien fait porter au Hezbollah la responsabilité de la crise, l’accusant de détruire la relation privilégiée du Liban avec Riyad.
Malgré tout cela, le message du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, aux différentes parties libanaises est de ne pas se laisser entraîner dans cette campagne et de préserver la stabilité et le calme au Liban. Il s’est voulu rassurant quant à la situation sécuritaire du Liban, affirmant que sa formation ne souhaitait pas d’affrontement armé, et appelant ses partisans à ne pas manifester leur colère dans la rue.
Nasrallah n’est pas le seul à qui profite le maintien de la stabilité. Car, outre le bras de fer sunnite/chiite, un Liban instable signifierait une accentuation de la crise des réfugiés, un terrain favorable au développement de Daech, et une déstabilisation de la frontière avec Israël. C’est-à-dire un scénario-catastrophe.
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