Soumis à une forte pression de la part de la communauté internationale, le Conseil présidentiel libyen a annoncé, dimanche dernier, la formation d’un gouvernement d’union nationale. Cette annonce, très attendue, fait suite à une série d’âpres négociations à Skhirat, au Maroc, auxquelles toutes les factions libyennes ont participé. « Le gouvernement a été formé aujourd’hui et envoyé au parlement internationalement reconnu. Nous espérons que cela sera le début de la fin du conflit en Libye », a déclaré au cours d’une conférence de presse le porte-parole du Conseil présidentiel, Fathi Al-Mejebri.
Composé de neuf membres issus des factions libyennes rivales, le Conseil présidentiel est dirigé par Fayez Al-Sarraj, un homme d’affaires appelé à devenir le premier ministre, selon un accord conclu sous l’égide de l’Onu. En dépit de cet accord, le chemin demeure encore long pour régler le conflit libyen. « Les divergences entre les factions libyennes sont tellement profondes qu’elles ne pourront pas être réglées en quelques jours et par un accord imposé. Les factions libyennes ont été soumises à une forte pression par la communauté internationale, surtout Washington, pour former un gouvernement d’union nationale.
Elles étaient menacées par une intervention militaire occidentale. Bien sûr, la communauté internationale cherche à protéger ses intérêts, surtout que la Libye possède d’importantes réserves de pétrole. En plus, la Libye est souvent accusée d’être la première source de l’immigration clandestine », explique Ayman Chabana, professeur à la faculté d’économie et de sciences politiques à l’Université du Caire. Et d’ajouter que la communauté internationale craint aussi la montée en puissance des groupes terroristes armés et l’extension de Daech sur le territoire libyen. Cet avis est partagé par plusieurs analystes. Amani Al-Tawil, analyste au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram au Caire, pense que le conflit est loin d’être réglé. « Il y a encore beaucoup de problèmes à régler. Le désarmement des Libyens, surtout les groupes armés, est le premier défi à présent et il fallait régler ce problème avant l’accord de paix. Il faut aussi équiper et armer la police et l’armée libyennes, c’est le seul moyen pour apaiser les factions libyennes et les persuader de se soumettre au gouvernement d’union nationale », affirme Al-Tawil. Deux membres du conseil ont refusé de signer le document annonçant la formation du nouveau gouvernement. Le parlement reconnu internationalement siège à Tobrouk, dans l’est de la Libye. Un autre parlement, non reconnu, siège à Tripoli, la capitale libyenne. Le gouvernement compte 18 membres dont 5 ministres d’Etat. Le Conseil présidentiel réuni à Skhirat avait déjà proposé un premier gouvernement d’union nationale qui comptait 32 membres. Mais celui-ci avait été rejeté le 25 janvier par le parlement de Tobrouk parce que le nombre de ses membres avait été jugé trop élevé.
Difficiles négociations
Le Conseil présidentiel avait un délai de dix jours pour présenter un nouveau gouvernement. L’annonce, dimanche, de la formation du gouvernement est intervenue quelques minutes avant l’expiration de ce délai. L’attribution du portefeuille de la Défense a été l’un des principaux obstacles rencontrés au cours des négociations. Il a été attribué finalement à Al-Mahdi Al-Barghathi, un colonel des forces armées loyales aux autorités reconnues internationalement. L’émissaire de l’Onu pour la Libye, Martin Kobler, a déployé d’intenses efforts pour permettre la formation de ce gouvernement. « Ce gouvernement d’union est vu par la communauté internationale comme un élément-clé pour mettre fin au chaos qui règne en Libye », a déclaré Kobler. La Libye est en effet plongée dans le chaos et livrée à des groupes armés rivaux depuis que Muammar Kadhafi a été renversé et tué en 2011 suite à une rébellion soutenue par une intervention militaire occidentale menée par la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis.
Deux autorités se disputent le pouvoir depuis la prise de Tripoli par des milices en partie islamistes en été 2014 : un gouvernement reconnu par la communauté internationale, installé dans l’est, et un gouvernement basé à Tripoli, proche d’une coalition de milices. L’organisation djihadiste Etat Islamique (EI), qui occupe de vastes territoires en Iraq et en Syrie, a profité du vide du pouvoir en Libye pour prendre le contrôle de la ville de Syrte et ses environs, à quelque 450 kilomètres à l’est de Tripoli.
Les grandes puissances estiment que seul un gouvernement d’union nationale peut constituer un interlocuteur fiable pour combattre l’EI et pour mieux juguler l’émigration clandestine africaine vers l’Europe à travers la Libye .
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