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Tunisie : Face aux défis multiples

Maha Salem, Mercredi, 13 janvier 2016

Le premier ministre, Habib Essid, a formé un nouveau gouvernement pour sauver la Tunisie qui aborde une année décisive sur les plans sécuritaire et économique.

Tunisie
Mohsen Marzouk a annoncé la création d'un nouveau parti après sa démission de Nidaa Tounes. (Photo : AFP)

Mohsen Marzouk, secrétaire général démissionnaire du parti Nidaa Tounès, première force politique du pays, a annoncé le lancement en mars d’un nouveau parti. Affaibli par le départ de Béji Caïd Essebsi, premier pré­sident démocratiquement élu de Tunisie, Nidaa Tounès est miné depuis des mois par une bataille de succession opposant principalement son secrétaire général démissionnaire, Mohsen Marzouk, et le fils du chef de l’Etat, Hafedh Caïd Essebsi. « Il n’y a aucune possibilité pour continuer notre projet moderne avec ce groupe (le clan de M. Caïd Essebsi). Nous annonçons le lancement prochain d’un parti démocratique et populaire, un parti fort et moderne, son pre­mier défi sera la victoire aux élections munici­pales prévues initialement fin 2016 », a déclaré M. Marzouk. Le lancement officiel de ce parti, qui sera ouvert à toutes les forces nationales et qui fait une séparation entre la religion et la politique, est prévu le 2 mars prochain. L’animosité entre les clans Marzouk et Caïd Essebsi est montée d’un cran fin octobre avec des accusations de violence lors d’une réunion du bureau exécutif. « Ce changement au sein de ce parti peut causer des conflits non seulement lors des élections municipales mais aussi au parlement. En plus, une crise peut éclater faci­lement parce que le nouveau gouvernement annoncé il y a quelques jours a éloigné tous les éléments proches de Marzouk. Si les deux diri­geants ne trouvent pas de compromis pour leur divergences, Ennahda profitera de cette situa­tion. Car la décision de Marzouk a été suivie par une démission d’une vingtaine de députés de Nidaa Tounès pour dénoncer ce qu’ils consi­dèrent comme une volonté de mainmise du fils du chef de l’Etat sur leur parti. Ainsi, cet acte donnera l’occasion à Ennahda d’occuper la première force parlementaire du pays. A l’issue des démissions enregistrées cette semaine, Nidaa Tounès ne comptera plus que 70 députés sur les 217 élus de l’Assemblée des représen­tants du peuple, contre 69 aux islamistes d’En­nahda », explique Dr Ayman Chaabane, profes­seur à la faculté d’économie et de sciences politiques de l’Université du Caire.

En effet, la décision de Mohsen Marzouk a été prise après la formation du nouveau gouver­nement. Le premier ministre tunisien, Habib Essid, a largement remanié son gouvernement pour lui donner un nouveau souffle, mais des critiques fusent déjà, alors que la Tunisie doit affronter plusieurs défis sur les plans sécuritaire et économique. Ce remaniement, qui était atten­du depuis plusieurs semaines, est le premier effectué depuis que le président Béji Caïd Essebsi a été investi le 31 décembre 2014. Il intervient après une année 2015 extrêmement délicate pour la Tunisie. Confronté depuis sa révolution à la progression de la menace djiha­diste, qui a coûté la vie à des dizaines de poli­ciers et de militaires, le pays a été ensanglanté par trois attentats d’ampleur revendiqués par le groupe Etat Islamique (EI). Selon les analystes, le premier motif de ce remaniement était le ministère de l’Intérieur, qui focalise l’attention dans un pays sous état d’urgence quasi perma­nent depuis l’été dernier. Technocrate de 46 ans, Hédi Majdoub avait occupé dans un passé récent des responsabilités au sein de ce dépar­tement où plusieurs changements internes étaient déjà intervenus dans le sillage de l’at­tentat suicide du 24 novembre dernier à Tunis. Douze membres de la garde présidentielle avaient été tués en plein coeur de la capitale. Autre poste-clé, celui de la Justice, assuré par intérim par le ministre de la Défense, Farhat Horchani, depuis le limogeage à l’automne de Mohamed Salah Ben Aïssa, revient à Omar Mansour. Aux Affaires étrangères, le nouveau ministre, Khemaies Jhinaoui, est lui aussi une figure connue de la diplomatie tunisienne. Il a notamment été secrétaire d’Etat en 2011.

Pour satisfaire la classe politique, le premier ministre a mis en avant un souci d’efficacité, avec la suppression des 14 postes de secré­taires d’Etat dans le cadre de ce gouvernement resserré. La bonne surprise était venue de la création d’un ministère de la Fonction publique, de la Gouvernance et de la Lutte contre la corruption, un des grands fléaux nationaux. Mais, même si ces changements sont censés donner un nouvel élan au gouver­nement, ils ont été critiqués au sein de la classe politique.

Equilibre de force

Parmi les quatre partis alliés au gouverne­ment, l’équilibre des forces ne semble pas avoir sensiblement évolué. Nidaa Tounès, ancien parti du chef de l’Etat, garde une dizaine de ministères. La formation islamiste Ennahda conserve un portefeuille (Formation professionnelle et Emploi) et enregistre le retour au poste de conseiller du chef du gou­vernement de Najmeddine Hamrouni. Dans une première réaction, le porte-parole d’Enna­hda, Oussama Sghaier, a affirmé que son parti est satisfait de ce nouveau gouvernement. Il a toutefois regretté que son parti ait perdu trois secrétaires d’Etat. Le politologue, Ahmed Mnaï, a expliqué à l’AFP qu’Ennahda est sorti plutôt gagnant du remaniement, notamment avec le départ du ministre des Affaires reli­gieuses, Othman Battikh, peu apprécié du parti islamiste. Le premier gouvernement Essid était issu des législatives et de la présidentielle de l’automne 2014, remportées par le parti anti-islamiste Nidaa Tounès et son chef, M. Caïd Essebsi, premier président de Tunisie démo­cratiquement élu au suffrage universel. Nidaa Tounès avait toutefois scellé dans la foulée une alliance avec Ennahda, parti qui était sorti vainqueur des premières élections de l’après-révolution fin 2011.

Si la Tunisie est parvenue à assurer sa transi­tion démocratique issue de cette révolution ayant chassé le dictateur Zine El Abidine Ben Ali, elle peine plus que jamais à faire redémar­rer son économie. Et l’ancien gouvernement faisait l’objet de vives critiques face au manque de résultats dans le champ économique, et la croissance en 2015 est inférieure à 1 %.

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