C’est une première depuis le début du conflit syrien, il y a près de cinq ans. Les 15 membres du Conseil de sécurité ont adopté à l’unanimité, y compris la Russie, une résolution qui établit une feuille de route pour une solution politique.
Basée sur les principes édictés le 14 novembre lors de la réunion internationale de Vienne, qui avait inclus 17 pays, dont l’Iran et la Russie, la résolution comprend plusieurs décisions. Tout d’abord, la reprise des négociations entre le régime et l’opposition le premier janvier. En plus, le texte prévoit l’établissement d’un cessez-le-feu le plus tôt possible, ainsi que la formation d’un gouvernement de transition dans les six mois et des élections dans les dix-huit mois.
Concernant les négociations, le médiateur de l’Onu en Syrie, Staffan de Mistura, a déclaré : « Nous espérons être capables de le faire en janvier ». Or, cette déclaration reflète la méfiance du médiateur pour réaliser ces objectifs à cause de la complexité du processus. La prudence perdure, car l’accord de l’Onu ne résout pas la question cruciale du sort réservé au président Bachar Al-Assad. Les divergences persistent entre Occidentaux, qui souhaitent son départ, sans dire à quel moment, et les Russes, qui le soutiennent.
De même, les réactions d’une partie de l’opposition laissent sceptiques. Samir Nachar, membre de la Coalition Nationale Syrienne (CNS), principale formation de l’opposition en exil, a ainsi annoncé : « Compte tenu de la réalité sur le terrain et de l’impasse faite sur le sort de Bachar al-Assad, l’accord n’est absolument pas applicable ». Avis partagé par plusieurs opposants. « Ce qui fait la paix, ce sont les faits. Ne rêvons pas de trop de documents et de belles phrases », a déclaré Michel Kilo, un autre membre de la CNS.
Zones d’ombre
En effet, des zones d’ombre persistent, en outre, sur les conditions d’application d’une trêve des combats. « En janvier nous espérons être en mesure d’appliquer un cessez-le-feu complet, ce qui veut dire plus de largages de barils d’explosifs, plus de bombardements, plus de tirs ni d’attaques d’un côté comme de l’autre », a expliqué le secrétaire d’Etat américain, John Kerry. Des déclarations difficiles à réaliser, selon les experts.
« Il faut tenir compte de la réalité sur le terrain, or, les combats sont menés non pas par deux, mais par plusieurs camps, comment peut-on les obliger à respecter ce cessez-le-feu ? La situation en Syrie devient plus compliquée que jamais », explique Dr Mohamad Gomaa, analyste au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, au Caire. Selon l’analyste, « outre les combats qui s’intensifient quotidiennement, la question la plus importante n’est toujours pas résolue, celle du sort de Bachar Al-Assad. Si on parvient à s’entendre sur cette question, 90 % de la crise sera réglé. L’opposition ne veut pas faire de concession à ce sujet. Elle ne peut pas reculer ».
Mais plus importante que la position de l’opposition est celle des grandes puissances en jeu. Le président russe, Vladimir Poutine, a apporté son soutien au projet de résolution tout en répétant que sa position restait inchangée concernant le sort de Bachar Al-Assad. Il a réitéré que seuls les Syriens pouvaient en décider. Vladimir Poutine a néanmoins appelé le régime syrien à faire des concessions et à accepter ce qui sera décidé par les grandes puissances à l’Onu.
Ambiguïtés
Autre difficulté, l’application du cessez-le-feu. La résolution précise que ce cessez-le-feu ne s’appliquera pas aux opérations contre les groupes extrémistes comme l’Etat Islamique (EI) et le Front Al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaëda. Ce qui a été critiqué par une partie de l’opposition. Critique, Samir Nachar a ainsi dit : « Avant de trouver un mécanisme capable d’assurer un cessez-le-feu durable, ce sont les bombardements du régime et des Russes qu’il faudrait arrêter ». Car pour l’opposition, l’opération russe ne vise pas tant à lutter contre l’EI qu’à apporter un soutien à Bachar Al-Assad. Certains pays occidentaux accusent aussi Moscou de bombarder surtout les positions des groupes s’opposant au régime et non celles de Daech.
A ce sujet et pour embarrasser l’opposition, le président russe a assuré que les frappes de ses avions de combat en Syrie soutenaient non seulement l’armée du président Assad, mais également l’opposition armée qui combat l’EI.
Le ministère russe de la Défense avait déjà assuré que l’armée russe coordonnait son action en Syrie avec une force de 5 000 hommes répartis dans 150 groupes de l’opposition modérée et patriotique combattant aux côtés de l’armée d’Assad.Les militaires russes évoquent notamment des composantes de l’Armée Syrienne Libre (ASL), le principal groupe armé modéré en Syrie, ainsi que ce qui semble être une coalition de forces arabes et kurdes combattant les djihadistes dans le nord-est du pays.
Démentant catégoriquement cette information, la Coalition de l’opposition syrienne, principale formation d’opposants, a réfuté toute aide militaire de la Russie à l’ASL. En revanche, elle a accusé les Kurdes de coopérer avec l’armée russe. En plus, l’opposition syrienne a accusé Moscou de chercher à créer une scission au sein de l’opposition syrienne, en propageant des rumeurs sur une collaboration avec les Russes. « Bien sûr, l’opposition a reçu une aide russe, mais elle ne peut pas l’annoncer. Pour deux raisons, la Russie est le principal allié de Bachar. Ce qui fait que si l’opposition accepte une quelconque aide de Moscou, c’est une sorte d’accord tacite entre tous les camps. Autre raison de ce démenti, une coopération militaire annoncée avec la Russie permettra à cette dernière d’exercer une forte pression sur l’opposition, lors de négociations de paix », explique Dr Gomaa. Tout compte fait, n’est-ce-pas là le jeu de Moscou ...
Lien court: